La fillette aux éclats de vers

leo

La fillette aux éclats de vers, ne gravera plus l’écorce de mon cœur. Elle n’inscrira plus la beauté de son âme en sursis ; celle qui bouillonnait, pulsait, et tambourinait pour vaincre le parpaing-prolifère, qui emmurait  son vivant. La geôle terrestre n’enchaînera plus ses maux aux ombres glaciales, de la raison assassine. La fragilité insurgée demeurera muette, bâillonnée des plumes d’ange qui lui ont poussé trop tôt. Ses longues ailes fines ont battues l’envolée, se sont élevées aux confins des cieux accueillants. Fillette s’est évaporée au sablier de ma courte absence. Je tourne et retourne la clepsydre, maudit soit donc ce sable qui ne cessera jamais d’égrainer mon regret.

 J’ai pleuré encore, alimenté ma cru de chagrin jusqu’à me noyer dans les flots de son souvenir. Puis je me suis cramponné au radeau d’infortune. Tu sais fillette ?  Celui que nous avions constituée de mots et d’autres, que nous avions solidement attachés des liens de notre amitié. Entends-tu les rondins de mes phrases  déformés par la douleur, craquer en notre dernière descente sur les flots du malheur ? Vois-tu fillette ceux que tu as combattus défiler sur les rives de mon au revoir ?

Çà et là, des spectres en débâcles qui s’agitent et hurlent jaloux, notre passage triomphant. Si tu voyais à quel point, ils sont pathétiques, à se heurter les uns aux autres, à s’empoigner de leur violence orpheline.  Entends-tu geindre et se morfondre la  peuplade de nos bouffeurs de rêves ?  Leurs marmites qui bouillent  et sifflent leur vide nouveau. Leur grotesque danse implorant notre détresse à pleuvoir abondante, que reviennent se repaître le mal-être sur leurs herbes noires et rances.  Vois-tu au loin les sombres nuages se frictionner de haine pour nous faire chavirer, cracher leurs bourrasques inutiles de leur mimique édentée. Leur effort est si vain désormais, que ça en devient presque risible.  Ah fillette, qu’il est bon de voir s’effondrer les enfers ! De voir les abysses rachitiques s’évaporer de leurs os. La perfidie tournoyer et se prendre les pales dans son ordurière manœuvre, chuter et ramper aux terres arides d’égoïsme. Dans le lointain, nous parvient la charge des monstres enfonçant la porte des citadelles de leurs consciences. Les entends-tu à présent ? Pleurnicher leurs remords, agenouillés dans les ruines de ce qu’ils ne nous permettaient pas de devenir. S’il te plaît fillette, reste moi juste encore un peu ! Que je puisse te conter ces censeurs tricoter de leurs mains nos pelotes d’espoirs. Une maille à l’endroit, un mot à l’envers, une armure de profonde repentance.  Et là encor, ces pilleurs de bonheur qui sèment leur pardon au gré des saisons, au dur labeur du cœur qui sue enfin la bonté. Garde-moi tes paupières encore un peu ouvertes fillette ! Vois ces rafiots d’intolérances qui sombrent au tumulte de leurs cruels desseins, qui nous laissent divaguer, encore un peu. Vois donc un peu comment les souffrances chagrines viennent de perdre leur plus belle voix. Elles n’étaient rien sans toi et tu es tout sans elles.

 Tes tourmentes sont derrières fillette, il ne reste plus que l’aile protectrice de ta Damia qui t’a toujours chérie et ne t’aura jamais oublié, le sourire de Catherine au bout de ton chemin, ces femmes d’exceptions, qui ont vécues par tes larmes  et ton encre puissante. Entends-tu la cohue qui se presse autour d’elles ? Voici Niels et son père, Lucienne et Olaf que tu aimais tant, l’inénarrable Jack Daniels qui suspens son souffle provocateur… Léo qui t’embrasse une toute dernière fois. Tu les as tous fait vivre et grandir de ta bienveillance, de ton regard sensible, de la grandeur de ton cœur. Tous tes amis sincères clament l’artiste, en mots écorchés ou dans le silence de leur recueillement. Va fillette, sans crainte d’aucuns reproches ! L’amitié à cette vertu, de tout pardonner, de comprendre la portée de ta vie, de ton œuvre, de ton absence. Va fillette, je ne saurais te retenir bien davantage. Mes mots t’accompagnent au royaume des justes, où tu peux désormais, reposer en paix…   

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