TOUT DROIT

Brune Silence

TOUT DROIT

La voiture avait décéléré avec un long soupir. Elle avait continué sa course presque en roue libre jusqu’au parking. C’était une grosse berline aux vitres teintées. Une carrosserie allemande, massive et d’apparence solide et confortable. Quelques secondes après s’être arrêtée, les feux avant et arrière s’éteignirent.

Il faisait nuit et froid. Un duvet blanc s’écoulait du pot d’échappement et l’air vibrait le long des pneus surchauffés par la vitesse. A l’intérieur de l’habitacle, le chauffeur détacha sa ceinture et se passa la main sur la nuque pour dénouer les tensions qu’il avait senti s’accumuler au fil des kilomètres.

Il avait un peu plus de quarante ans, le visage carré, les sourcils hauts qui donnaient à son visage un air ingénu et naïf. Ses pommettes étaient saillantes, son nez droit, ses cheveux coupés courts sur l’arrière de son crâne crissaient contre sa paume en reprenant leurs places comme des épis de blé balayés par une bouffée de vent.

- Pourquoi tu t’arrêtes ? demanda la femme qui somnolait sur le siège passager.

Le conducteur tourna son regard vers elle. Il ne pouvait pas voir ses yeux. Elle regardait vers la pelouse sur la droite du capot, la poubelle de tri sélectif et à une cinquantaine de mètres, la série de pompes à essence bien éclairées sous le haut portique de la station.

- Il faut que j’aille boire un café, répondit l’homme en esquissant un début de bâillement. Tu en veux un ?

- Je ne t’aide pas à rester éveillé, hein, c’est ça ? dit-elle en tournant la tête vers lui.

Ils échangèrent un bref regard, mais il ne répondit rien. Il se contenta de jeter un coup d’œil sur la banquette arrière où dormaient emmêlés une fille d’une douzaine d’année et son frère de deux ans plus âgé. L’arrêt de la voiture n’avait réveillé ni l’un ni l’autre des enfants.

- Tu veux un café ? répéta-t-il après avoir débloqué sa portière. Mais la femme s’était replongée dans la contemplation du décor artificiel qui les entourait. Sans espérer une réponse, il sortit et la portière se referma derrière lui presque sans un bruit.

Le vent glacé s’était aussitôt infiltré entre ses vêtements et sa peau. Il parcourut d’un pas rapide la distance qui le séparait du relais routier. Au loin, derrière une rangée de peupliers d’Italie plantées là pour humaniser l’endroit, l’autoroute grondait sourdement. L’homme frissonna mais il sentit que l’air vif lui faisait du bien.

Il n’y avait presque personne à l’intérieur de la boutique. L’éclairage clinique des néons rendait tout l’espace impersonnel. Le regard était soudain envahi par les emballages criards des produits à consommer vite, les bonbons, les boissons sucrées, les bannières lumineuses sur les rayonnages… Une caissière affublée d’un drôle de casquette évidée sur le dessus, était en train d’encaisser un client. Plus loin, une mère négociait avec ses deux gamines l’achat de paquets de sucreries. C’était tout. Il glissa une pièce dans la fente d’un des distributeurs et appuya sur la touche « Expresso, café en grain ». Le gobelet tomba en même temps que le bruit du vide et le liquide chaud et odorant commença à couler. Il remarqua aussi une musique de fond diffusée sournoisement dans toute la boutique, un morceau qu’il connaissait, un rythme brésilien, Jao Gilberto, sans doute, ou bien Gilberto Gil, il les confondait toujours, mais quel était le titre de cette chanson ?

A la caisse, le client avait fini de payer son plein, mais il était soudain revenu sur ses pas pour prendre une barre chocolatée. Il faisait le tri de ses pièces dans sa paume. La caissière le regardait faire en mâchonnant consciencieusement un chewing-gum. La mère de famille s’était accroupie pour relacer la chaussure d’une des gamines. Avec un claquement sec et un dernier ronronnement, la dernière goutte du liquide ambré tomba dans la mousse. Il attrapa le gobelet et se mit machinalement à tourner sa boisson avec l’espèce stick en plastique blanc qui faisait office de cuillère à café, puis il se dirigea vers l’ilot cerné d’étalage de sucrerie où trônait la caissière.

Elle avait l’air plutôt gentille. Un peu idiote aussi avec sa visière de casquette qui la faisait ressembler à une serveuse américaine moyenne, c’est-à-dire un être où s’équilibrait à égale mesure l’arrogance vulgaire et la bêtise la plus absolue. Sa blouse était ouverte sur les deux larges sphères de ses seins. Rien ne venait freiner le regard qui tombait là. Il dégringolait en chute libre dans le sillon obscure entre les deux mamelles. Ses traits étaient en harmonie avec ce déballage de chair un peu déplacé au milieu de cet univers marchand, mais à y bien réfléchir, elle ne faisait que rivaliser avec tous les leaders mondiaux des fournisseurs de diabète et autres cholestérols qui se vendaient sous paquets de cellophane chamarrés et emballages tape-à-l’œil. La bouche écarlate, les lèvres luisantes, gonflées de collagène, les yeux cernés de vert et de mauve comme si elle avait été embrassée par deux poings la veille au soir, les cheveux décolorés en blond qui tirait vers le roux, les pommettes rose guimauve. Elle mâchait avec application.  Cette bouche luisante de gloss mastiquait avec une régularité de métronome, et elle continuera de mastiquer sans doute après la fin du monde, inexorablement.

Seule la fraîcheur supposée de sa jeune peau pouvait encore attirer le regard d’un homme un tant soit peu délicat. Pourtant, il prenait tout son temps pour la détailler. Elle devait avoir vingt cinq ans tout au plus. La paupière à moitié fermée sur un œil terne qui fixait l’écran de son téléphone. Il aurait pu rester à la regarder pendant une heure qu’elle n’aurait pas relevé la tête. Il eut le temps de s’imaginer l’attraper par les cheveux, la traîner dans l’arrière boutique, la jeter au sol, lui relever la jupe sur la croupe qu’elle devait avoir large et carrée à force de rester assise sur son tabouret, et jouir d’elle et repartir vers sa voiture et reprendre la route comme si de rien n’était. Les filles vulgaires lui donnaient toujours des envies de ce genre. Des étreintes comme qui dirait passionnelles.

Au lieu de ça, il déposa devant elle les deux tablettes de chocolat qu’il avait à la main. Elle les prit machinalement, encaissa et retourna à la contemplation de son téléphone sans avoir dévisagé le client. Elle en voyait tant passer. A quoi bon ?

Dans la berline garée à quelques dizaines de mètre de là, tout était calme. La femme avait toujours la joue posée que le repose tête, le visage tournée vers la vitre et le regard perdu dans les scintillements des éclairages nocturnes des alentours. Peut-être auraient-ils mieux fait de partir tôt le lendemain matin plutôt que tard cette nuit ? Tout le monde était fatigué et il allait falloir réveiller les enfants en arrivant à campagne. Mais Gabriel avait insisté. Il avait été pris d’une impatience étrange. Et puis, il était trop tard maintenant pour regretter, ils étaient en route. Trop tard.

Elle se laissait langoureusement envelopper par la torpeur qui l’avait saisie peu après leur départ de Bordeaux. Elle s’y sentait bien dans cet état mi-rêve mi-conscience. C’était un état cotonneux, chaud et un peu vertigineux. Par moment, elle se sentait basculer en arrière dans un vertige qui l’obligeait à fermer les yeux, un vertige qui voulait l’aspirer dans le sommeil. Et elle se laissait faire un temps mais elle ne voulait pas y sombrer. Alors elle faisait l’effort de revenir à la réalité et forçait ses yeux à s’ouvrir. Le portique de la station service, la pelouse avec l’espace de jeux pour les enfants, les gouttelettes de condensation brillantes comme des étoiles qui commençaient envahir la fenêtre. Puis la fatigue l’entraînait une nouvelle fois, les paupières pesantes et la sensation de basculer à l’intérieur de son propre crâne. C’était comme une grande roue qui tour à tour l’emportait vers le sommeil puis la ramenait vers l’éveil dans un douloureux déchirement. De toute façon, il aurait fallu partir bien avant le lever du jour pour être rendus à la maison de campagne à temps pour accueillir la famille. Ils arriveraient tous demain midi, comme chaque année. Une des dernières réunions familiales à laquelle ils sacrifiaient depuis leur mariage. Week-end grinçant en perspective, mais une des manières pour sauver les apparences et permettre d’entretenir un semblant de relation avec ses parents.

Elle sentit son cerveau basculer à nouveau vers l’arrière et l’abîme d’assoupissement si chaud, l’oubli, mais un glissement de pneus sur l’asphalte l’empêcha d’y sombrer. Elle ouvrit ses yeux de force et tourna légèrement la tête. Ce n’était qu’un fourgon qui venait se ranger le long de la voiture. Elle observa un moment ses contours brillants. Elle entendit la portière du conducteur s’ouvrir puis se refermer, puis des pas s’éloignèrent de l’autre côté du véhicule. Et puis plus rien. Le ronronnement lointain de l’autoroute, assourdi par l’insonorisation de la voiture. Le froid qui commençait gagner l’habitacle. La buée qui gagnait peu à peu toutes les vitres et allaient bientôt les rendre toutes opaques. Elle remonta sur sa bouche le manteau qu’elle avait étendu sur son corps et se calfeutra bien à l’abri dans le sommeil.

Ses yeux s’ouvrirent une fois encore. Avait-elle dormi ? C’était un son étouffé qui l’avait réveillée, un gémissement. Elle était sortie du sommeil d’un coup et s’était retournée vers les enfants. Ils étaient pelotonnés l’un contre l’autre dans la pénombre de la voiture. La petite ou bien le grand, l’un des deux avait du rêver et parler dans son sommeil. Et gémir.

Au moins une demi-heure, peut-être plus, pensa-t-elle. Le froid avait maintenant pris possession de tout l’habitacle. Toute la surface des vitres était couverte de buée. On ne voyait plus rien du décor que les halos des projecteurs qui éclairaient l’aire depuis le haut des pylônes. Ce devait être le froid qui avait provoqué le gémissement d’un des enfants. Manquerait plus qu’ils tombent malade, se dit-elle aussitôt. Elle comptait sur leur innocence et leur joie de vivre pour éviter les tensions qui ne manquaient jamais entre ses parents et son mari.

Ton mari ! Ils ne l’appelaient jamais autrement. Même en sa présence. Sa mère surtout : Ton mari veut-il encore un peu de poulet ? Même à table. Gabriel n’était à leurs yeux qu’une fonction. Un mari ! Et même, ton nouveau mari, il n’y avait pas si longtemps que ça ! Comme s’il s’agissait d’un gadget, d’une lubie ! Pourquoi s’étaient-ils toujours montrés hostiles et méprisants à son égard ? Dans ces moments-là, elle comptait sur les enfants pour qu’ils fassent diversion et rendent ces deux jours supportables. Après tout, c’était pour eux, qu’elle s’obstinait à conserver l’habitude de ces réunions familiales !

Elle s’était mise à trembler. Elle aussi, le froid l’avait peu à peu gagnée. Une bonne heure oui pour que la température baisse à ce point ! Une heure pour boire un café ! Est-ce qu’il voulait qu’ils meurent de froid ?

La boutique de la station service était cette fois totalement déserte lorsque les portes vitrées glissèrent pour la laisser rentrer.

L’espace ceinturé par les distributeurs de boissons chaudes était lui aussi vide. Elle le traversa et pénétra dans les toilettes pour femmes, mais elle ressortit aussitôt et poussa la porte des toilettes pour hommes, jeta un coup d’œil à l’intérieur, vit qu’il n’y avait personne devant les lavabos et s’enhardit à y pénétrer. Elle inspecta une à une les cabines en poussant les portes du bout du pied pour éviter de toucher quoique ce soit, mais l’endroit lui aussi était désert.

Elle ressortit et se planta un instant pour balayer de son regard l’espace sandwichs, boissons et confiseries en tout genre. C’était étrange cette absence de vie. Même pas un vendeur. Elle se dit qu’elle pourrait prendre ce qu’elle voulait dans les rayons et repartir sans payer. Quelqu’un d’autre en aurait certainement profité. Mais elle, non. Et puis les employés allaient sûrement revenir. Elle pourrait leur demander où était Gabriel. Elle se pensa soudain qu’il était peut-être dehors en train de téléphoner. Il lui arrivait de téléphoner longuement à ses associés. Dans ces cas-là, il marchait et partait s’isoler. Elle ne comprenait jamais de quoi il retournait dans ces conversations qui avaient toujours lieu en espagnol. Et lorsqu’il avait fini, il restait toujours évasif et résumait une conversation de plus d’une heure en quelques mots.

Elle fit le tour du bâtiment. Il n’y avait pas grand-chose aux alentours. A part un coin gravillonné au milieu d’une pelouse où l’on avait disposé une demi-douzaine de tables en planches peintes en marron. L’endroit était partiellement éclairé par des plots de lumière blanche et froide. Une vapeur filandreuse courait à un mètre du sol donnant au décor un aspect fantomatique. La jeune femme s’avança lentement entre les tables, ceinturée à la taille par la brume. Elle avait croisé ses bras de manière à glisser ses mains sous ses aisselles pour résister au froid humide. Son pull en mohair peinait à lutter. Elle aurait du prendre son manteau. Elle était en train d’attraper froid. Et puis dans la poche de son manteau, il y avait son téléphone. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé avant ? Elle se retourna mais d’où elle était, elle ne pouvait pas voir la voiture. Prise d’une espèce de crainte, elle s’élança d’un pas vif pour contourner le bâtiment. Et si la voiture était partie ? Si elle arrivait à l’endroit où elle était garée et plus rien ? Qu’est-ce qu’elle ferait là, toute seule, perdue sur une aire d’autoroute, sans un sou, sans téléphone, sans papier et devoir expliquer que « Mon mari m’a oublié… Il est reparti avec la voiture et les enfants… Est-ce que je pourrais appeler ? » Elle se sentirait tellement ridicule …  Mais déjà elle passait l’angle qui lui masquait la vue et la vision du pare-choc massif la rassura tout à fait.

Les portes coulissantes avaient soupiré une fois encore pour la laisser entrer dans la boutique. Le même désert et cette musique de fond qui suintait pour aucune oreille avait quelque chose d’irréel. On avait envie de crier stop. Cette musique qui coulait pour rien, qui semblait dire : « Tout va bien dans le meilleur des monde… Tout va bien… Tout est normal…»

Non, tout n’était pas normal. Elle attrapa une grosse peluche d’ours qui tendait les bras dans le vide au bout d’un rayonnage et elle le balança au milieu du portique de sécurité qui bordait l’entrée. Aussitôt une alarme se mit à sonner. Mais elle eut beau attendre, personne ne venait et l’alarme ne dura que quelques secondes. Alors elle s’est mise à marcher vers la caisse. Elle s’est penchée par-dessus le comptoir. Elle a balancé son bras pour secouer le tiroir-caisse et déclencher la cavalcade des employés. Mais sa main s’est arrêtée en l’air. Elle venait de voir deux jambes allongées sur le sol. Sans réfléchir, elle a soulevé le guichet qui permettait de rentrer dans l’îlot. Les deux jambes étaient accrochées à deux cuisses dévoilées par une jupe remontée jusqu’à la marque du bronzage. Le reste du corps, couché, sur le ventre. Elle s’est penché, a attrapé l’épaule de la fille et a tenté de la retourner. Elle était lourde. Il lui fallut accrocher des deux mains le tissu de la blouse pour parvenir dans un gros effort à retourner le corps. La tête de la caissière bascula vers la gauche. Elle avait les yeux ouverts, la bouche ouverte, son chewing-gum était resté collé à ses incisives inférieures, un chewing-gum vert pâle qui jurait avec l’intense rouge de son gloss et la ténébreuse brillance de sa langue tombée au fond de sa gorge. Dans le mouvement, un sein s’était échappé de sa blouse. Il s’étalait un peu sur le ventre. Elle se dit que si Gabriel était venu parler à cette fille, il avait du laisser son regard caresser ce décolleté obscène et cette bouche trop suggestive, elle en était persuadée. Et après avoir contemplé un temps cet appel à la débauche, il avait du sortir son plus beau sourire commercial pour lui demander le prix de telle ou telle barre de chocolat, histoire d’entamer la conversation en espérant quoi ? Oui, il avait du faire ça, elle en était persuadée. Il n’y avait plus rien à attendre de cette fille. Plus bas, au niveau de l’abdomen, il y avait un trou plein de chair déchiquetée et de mousse rosâtre. Tout autour, la blouse absorbait le sang, rendant la blessure plus large plus impressionnante. Elle senti qu’un mauvais vertige la prenait. Cette image la renvoyait à une autre image aussi sordide, aussi dégoûtante.

Elle eut l’impression de revivre un cauchemar. Elle pensa à son nouveau mari. Elle pensa à sa mère et se trouva ridicule d’employer l’expression de sa mère pour appeler Gabriel. Son nouveau mari ! Elle se releva d’un bond et sortit de derrière la caisse. Son premier réflexe avait été de fuir cet endroit et aller se cacher quelque part, n’importe où, mais elle s’arrêta. Elle regarda autour d’elle, s’attendant à voir soudain surgir une silhouette armée d’un fusil qui la mettrait en joue et commencerait à tirer. Mais rien. Une voix un peu bêlante tombait des haut-parleurs. Au loin, assourdi par l’épaisseur des murs et des  vitres, le grondement des voitures qui filaient sur l’autoroute. Et plus près, plus assourdissants, les battements désordonnés de son cœur. Rien d’autre.

Ses jambes tremblaient mais elle se força à parcourir les allées entre les rayonnages. Dans la troisième, elle aperçut la masse couchée d’un corps. Elle s’avança, la poitrine oppressée, haletante. Son regard se troublait. Elle n’arrivait pas à voir, comme si elle avait les yeux baignés de larmes. Peut-être avait-elle les yeux baignés de larmes.

Ce n’est qu’arrivé à deux pas qu’elle se rendit compte que c’était le cadavre d’une femme. Elle n’osa pas l’approcher, ni l’enjamber. Elle recula, revint jusqu’à la travée centrale et continua d’avancer. Il restait deux allées avant le mur de boissons fraîches qui recouvrait tout le fond de la boutique. Dans la première elle vit un corps plus petit. Une enfant. Dans la seconde un autre corps un peu plus grands, les bras et les jambes tordus comme un pantin, comme s’il avait été abattu en pleine course et tombé n’importe comment. Un autre enfant. Pas trace de Gabriel.

Ce n’est qu’alors qu’elle eut vraiment peur, la peur la submergea, elle monta de son ventre, étrangla sa gorge et oppressa ses tempes comme une explosion. Elle se mit à courir de toutes ses forces. Ses enfants ! Elle bondit hors de la boutique, reçut le froid de la nuit comme une gifle, continua de courir jusqu’à la voiture. S’il leur est arrivé malheur ! Elle se précipita sur la portière, l’ouvrit, il lui fallut quelques secondes pour s’habituer à la pénombre plus intense de l’intérieur de l’habitacle. Ils étaient là. Pelotonné sous son manteau. Toujours endormis.

- Qu’est-ce qui se passe, maman, entendit-elle.

- Rien, rendors-toi, répondit-elle en refermant la portière.

Alors, après un dernier regard tout autour, elle alla au coffre, l’ouvrit, prit une mallette en bois un peu plus longue que haute. A l’intérieur, elle trouva deux pistolets, des Beretta, et des munitions. Elle chargea les deux armes, referma la mallette, referma la malle, et rentra dans la voiture.

Elle voulut jeter à nouveau un coup d’œil circulaire mais toutes les vitres étaient recouvertes par la condensation. Dans le vide-poche, elle trouva une peau de chamois et se mit à essuyer le pare-brise puis les vitres latérale. Elle dut s’allonger par-dessus les enfants pour atteindre la lunette arrière. L’un deux se mit à bouger. Adam, le garçon.

- Est-ce qu’on arrive bientôt ? demanda-t-il  d’une voix à moitié endormi.

Elle prit le temps de regarder l’espace dégagé autour de la voiture, se rassit sur son siège.

- Bientôt, oui, ne t’en fais pas, répondit-elle. Tu peux te rendormir, mon chéri. Maman veille.

Elle posa une arme sur ses cuisses. L’autre, elle préférait la garder à la main. Ils pouvaient venir, ceux qui avaient fait ce massacre. Ils pouvaient venir.

Plus loin, quelques voitures filaient dans la nuit. A peine si les conducteurs voyaient le panneau indiquant : « Autoroute A666, Aire du Bon Repos, dernière station avant la fin de… ». Le reste était effacé par un tag. Au bout d’un certain temps, les phares d’une voiture tournèrent vers la voie de décélération qui menait à la station. La femme dans la voiture, les yeux écarquillés, retenait sa respiration.

Séquence 2 où l’on découvre que notre héroïne, Angela Dentreville, a eu un passé très dramatique : un premier mariage avec un jeune banquier de bonne extraction, père de ses deux enfants, mariage qui fut heureux jusqu’à ce que survienne le drame affreux qui mit fin aux jours de son époux, lâchement abattu d’une décharge dans le ventre lors d’un cambriolage de la banque dont il était le directeur.

Séquence 3 où l’on voit le jour se lever enfin sur l’aire d’autoroute et la police envahir les lieux. Angela est aussitôt interrogée comme suspect à cause de l’arme qu’elle tient à la main. Heureusement pour elle arrive le lieutenant Sanche qui la connaît puisque c’est lui qui a mené l’enquête dix ans plus tôt, sur mort de son premier mari. Malgré une fouille minutieuse de l’aire, on ne retrouve aucune trace de Gabriel.

Séquence 4 où l’on apprend que Gabriel est toujours en vie mais qu’il est les mains d’un couple de malfrats sortis de prison qu’il semble très bien connaître et qui lui demandent des compte. Ils finissent par contacter Angela pour obtenir, en échange de son mari, le téléphone que Gabriel a laissé dans la voiture. Intriguée, Angela découvre dans le téléphone, une deuxième puce électronique qu’elle tente de décrypter.

Séquence 5 où l’on suit les investigations du lieutenant Sanche sur le passé douteux de Gabriel. Celles-ci le mènent jusqu’en Amérique du Sud puis la trace s’égare : Gabriel Dentreville n’existait pas quelques années auparavant. Il découvre finalement sa véritable identité : un petit arnaqueur.

Séquence 6 où l’on voit Angela désespérée par les révélations du lieutenant Sanche. Elle décide d’échapper à la surveillance bienveillante du lieutenant Sanche pour se rendre au rendez-vous donné par les ravisseurs de son mari dans une bergerie abandonnée proche de la frontière espagnole. L’inspecteur soupçonne alors Angela d’être impliquée dans le meurtre d’il y a dix ans et dans la fusillade de l’aire d’autoroute.

Séquence 7 où l’on assiste à l’échange qui ne se déroule pas comme l’espéraient les ravisseurs, ni comme l’espéraient Angela. Elle comprend que celui qu’elle a épousé est le meurtrier de son premier mari. Le couple de ravisseur parvient à l’empêcher de lui mettre une balle dans la tête.

Séquence 8 où le lieutenant Sanche parvient  à libérer Angela et son mari. Les ravisseurs s’échappent avec le téléphone mais le lieutenant les reconnaît : ce sont les deux braqueurs qu’il a attrapé dix ans plus tôt. Ils n’ont jamais donné le nom de leur complice. Il accuse alors Gabriel et Angela d’être complices dans la mort du premier mari d’Angela. On apprend aussi ce que contient la puce tant convoitée : des numéros de compte en banque dans des paradis fiscaux où Gabriel a fait fructifier l’argent du braquage de la banque.

Séquence 9 durant laquelle Gabriel réussit à s’enfuir poursuivi par le lieutenant Sanche et

Angela. Elle révèle alors qu’elle a remis aux ravisseurs une fausse puce que la véritable est caché sur elle. Malheureusement, le couple de ravisseur s’est lui aussi aperçu de l’échange, il a pris en otage les parents et les enfants d’Angela dans leur propriété bordelaise. Gabriel les rejoints à la fin de sa course.

Séquence 10 où il est raconté qu’Angela et le lieutenant Sanche parviennent à libérer les otages et où l’on assiste à l’affrontement final des deux époux et au dénouement de l’histoire.

   

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