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Scythe Crow

Elle écoutait les voix craintives et infantiles qui lui parvenaient à l’oreille. Immobile et patiente, son seul loisir était de percevoir les variations des timbres, le retour d’un bref silence et les multiples hésitations. Quand ces échos gagnaient en confiance, son être retrouvait une consistance certaine. Alors elle porta ses mains à son visage, d’un geste plein d’attente. A l’instant de ce toucher, elle se souvint pourquoi il était nécessaire que cela reste éphémère.
Et prise par une angoisse furieuse, elle déchira la peau de sa figure avec ses ongles longs de femme coquette.
Elle entendit des cries, des sons d’horreur pour une oreille sensible. Elle avait depuis longtemps établi le lien entre ces bruits lointains et sa condition. Parfois, elle apercevait des visages déformés par d’affreux rictus. Une imagerie grotesque et fugace, insupportable dans cette solitude sans regard possible. Elle voulait voir une face familière, revoir quelque chose de rassurant, elle-même. Que n’aurait-elle pas fait pour un miroir.


Des enfants se levèrent dans la nuit. Ils savaient que cela était interdit. Ils savaient combien ils s’en fichaient que cela soit effectivement le cas. Un frère et une sœur, du même age et aux traits semblables. Chacun d’eux prit soin d’emporter une bougie sans oublier les allumettes.  Ils se dirigèrent vers la salle de bain, pièce isolée de la maison et surtout loin de la chambre des parents. C’était également le lieu idéal pour mettre en pratique ce que la vieille dame discrète dans le jardin leur avait enseigné. Etrange grande personne que celle-ci, se disait le petit garçon. Le papa n’avait jamais parlé d’une grand-mère. Peut-être n’était-elle qu’une voyageuse, s’arrêtant de temps à autre pour divertir de ses histoires les petites teignes. Bien qu’éprouvant de la sympathie, il ressentait un malaise en y repensant. Ce n’était qu’une bête impression.
Ils posèrent les bougies sur le meuble, de chaque côté du miroir où le père avait l’habitude de se raser. La petite fille chuchota à l’oreille de son frère qu’elle n’aimait pas vraiment cette idée et qu’ils risquaient de se faire prendre, autant éviter la punition et tenter ça la journée ? Il lui rappela que selon la dame, cela ne pouvait fonctionner qu’une nuit comme celle-ci et que reculer maintenant serait trop bête. Elle acquiesça en gardant une mine boudeuse.
Il n’y fit pas attention, absorbé par la suite du rituel. L’allumage des bougies fut laborieux, il gaspilla nombre d’allumettes dû aux tremblements d’excitations et de craintes refoulées. Les préparatifs terminés, il se mit debout sur le tabouret afin d’être parfaitement au niveau du miroir.
L’espace d’un moment, il eut un doute sur le nombre de fois nécessaire à la prononciation de l’incantation. Puis il se rappela les propos de la femme.

Il prononça le nom une fois. Bloody Mary.
Il prononça le nom deux fois. Bloody Mary.
Il prononça le nom trois fois. Bloody Mary.


Et l’effroyable horreur prit de nouveau vie des deux côtés du miroir.

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