ça commence en 2012

Mathilde Sellami

C’est le week-end. Anaïs est sortie boire un verre avec quelques copines et lorsqu’elle arrive en bas de son immeuble, une mauvaise surprise l’attend. Tony son ex petit ami est là, à côté de la porte. Leur relation avait pris fin lorsqu’Anaïs avait découvert qu’il la trompait avec l’une de ses collègues de travail. Elle se doute que si il se tient devant elle ce soir c’est parce qu’il a besoin de quelque chose.

– Qu’est-ce que tu fais là ? Demande Anaïs.

– Ecoute bébé, j’ai déconné… Je veux qu’on se remette ensemble.

Il sent l’alcool à plein nez.

– C’est toi qui es allé voir ailleurs ! Fait remarquer la jeune femme.

Tony insiste pour qu’Anaïs le laisse rentrer pour passer la nuit et elle finit par céder, elle cède toujours. 24

Mais dès qu’ils ont franchi la porte de l’appartement, il la pousse sur le canapé et essaye de lui enlever ses vêtements.

– Mais qu’est-ce que tu fais ! Arrête ! Supplie Anaïs.

Tony ne s’arrête pas au contraire, il maintient la jeune femme allongée sur le canapé et réussit à glisser sa main sous sa jupe. Anaïs est impuissante. Elle se met à souhaiter de toutes ses forces de pouvoir repousser son ex et tout à coup ce dernier est comme soulevé par une force invisible et projeté contre le mur. Tony se redresse tant bien que mal. Terrorisé il attrape sa veste et décampe à toute vitesse, laissant Anaïs perplexe. Elle essaye de comprendre ce qui s’est passé, comment Tony a pu être soulevé dans les airs et projeté contre le mur. Elle se demande si cela vient d’elle. Il y a eu les bouteilles qui ont explosé au magasin et maintenant, ça. Un tas d’hypothèses lui traverse l’esprit, pouvoir surnaturel, possession, esprit. Elle se sent mal, complètement déshydratée. Elle aperçoit la bouteille d’eau sur la table basse et elle a envie de faire un test. Elle pense très fort qu’elle veut avoir l’objet dans ses mains. Pendant quelques instants elle se sent ridicule à penser qu’une telle chose soit possible et soudain la bouteille se met à vibrer et finit par atterrir dans les mains d’Anaïs stupéfaite.

Durant toute la nuit, la jeune femme apprend à dompter cet étrange phénomène. Elle déplace toutes sortes d’objets, mais cela lui demande un gros effort de concentration et après avoir passé deux heures à faire voler des cuillères, des bougies et des chaises, elle est épuisée et se sent vidée de toute énergie. Elle est contrainte d’aller se coucher. 25

Lundi, Anaïs reprend le travail. Elle ne parle à personne de ce qu’elle arrive à faire. Elle n’a pas envie qu’on se moque d’elle et qu’on la traite de cinglée. Elle s’imagine qu’on lui demanderait de faire une démonstration et si elle n’y arriverait pas c’est à l’asile qu’on l’enfermerait. Mais dès qu’elle se retrouve seule chez elle, elle s’entraîne. A présent elle arrive à soulever son canapé. Elle a l’impression que sa faculté, comme elle se plait à l’appeler, augmente de jour en jour. Elle se demande si d’autres personnes arrivent à faire la même chose qu’elle.

Au bout de deux semaines son appartement ne lui suffit plus, elle a envie d’un nouveau terrain de jeux. Elle attend le dimanche pour se rendre sur le chantier d’un hôtel, à l’écart de la ville. Comme elle l’avait prévu l’endroit est désert. Elle se gare et descend de voiture. Au début elle ne sait pas par où commencer puis elle aperçoit des parpaings. Elle en fait voler un, puis un deuxième et un troisième. Cela lui parait tellement facile. Elle les fait bouger de haut en bas, de gauche à droite. Mais l’exercice est tellement simple qu’elle s’ennuie vite et elle veut monter la barre plus haut. Elle cherche quelque chose de plus intéressant à faire bouger et ses yeux se posent sur sa voiture. Elle se dit qu’elle est folle de penser qu’elle pourrait la lever ne serait-ce que d’un centimètre. Elle se concentre de toutes ses forces et soudain la voiture s’élève dans les airs, centimètre par centimètre et très vite mètre par mètre. Le corps d’Anaïs se met à trembler, elle sent ses yeux devenir brûlants, son front est perlé de sueur. Elle finit par s’écrouler et la voiture tombe lourdement sur le sol. Il faut quelques instants à la jeune femme avant qu’elle ne puisse se redresser. Le corps agité de spasmes elle réussit à 26

rentrer dans sa voiture qui par bonheur n’a pas été abîmée dans la chute. Elle reste assise sans bouger pendant presque une heure. Son pouls redevient normal ainsi que sa température et ses muscles arrêtent de trembler. Lorsqu’elle s’en sent capable elle reprend la route.

Le lendemain Anaïs a du mal à reprendre le travail, ses muscles sont endoloris comme si elle avait couru un marathon. Quand elle rentre chez elle, dans son courrier entre la pub et les factures, elle trouve une invitation pour l’ouverture d’un casino. D’habitude la jeune femme n’aime pas trop les jeux d’argent, mais vu que l’invitation indique qu’il y aura une somme offerte de 100 € (à utiliser dans le casino), elle se dit après tout pourquoi pas.

Le jour j elle se rend à l’établissement. Normalement une amie devait venir avec elle, mais elle a décommandé à la dernière minute, ce qui la contraint à prendre le bus et à marcher un peu. Le casino est immense. A l’entrée une hôtesse accueille Anaïs et la guide jusqu’à un guichet où elle échange son bon contre de quoi jouer. Elle s’installe ensuite pour la première fois devant une machine à sous. Elle se prend au jeu et espère même décrocher le jackpot. Et puis tout bascule, des gens se mettent à crier et à courir. Anaïs tante de comprendre ce qui se passe. Un son perçant stoppe toute l’agitation. Un à un les gens s’écroulent, les mains sur les oreilles, les yeux révulsés. Anaïs tombe comme les autres. Son nez commence à saigner, elle a le sentiment qu’elle ne supportera pas longtemps ce bruit, et d’ailleurs, lorsqu’elle regarde autour d’elle, elle se rend compte que tout le monde est sur le point d’imploser. Le son devient si puissant que les vitres des machines à sous 27

se mettent à vibrer puis explosent, blessant les personnes au sol qui se mettent à hurler. Tant bien que mal et avec le peu de force qu’il lui reste, Anaïs tente de trouver l’origine de ce bruit qui paralyse tout le monde. C’est là qu’elle aperçoit un jeune homme debout la bouche grande ouverte. C’est lui… c’est lui qui crie et qui semble sur le point de tuer tout le monde. Il faut agir et vite…

" Extrait de ça commence en 2012, disponible aux Editions Edilivre"

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