Clochers dans la brume

masque

Par un matin d'été

Comme soufflait la bise

Et que s'étendait, calme

La mer

Le bruit de nos pieds nus

Frôlant la mousse humide

M'apparut

Comme à travers la robe

Racée d'un vieux vin

Ou le vitrail usé

D'une grande cathédrale

Comme quand les clochers

A l'horizon dessinent

Leurs formes singulières

Et que dans le brouillard

Nous ne distinguons guère

Que des lambeaux de rêve

Lorsqu'il pleut

Soudain

L'eau coule

S'étend, ruisselle

A travers les vallées.

Elle franchit les collines

Les bois et les forêts.

Elle dort aussi, parfois. Et le soir venu,

Elle chuchote

A l'oreille

Des pierres.

De même le cœur des hommes

Est comme de l'eau de pluie

Comme un clocher d'ardoise

Dans la brume d'été.

Il s'étend et ruisselle

Dans l'océan salé.

De même certes,

Nos passions nous dévorent

Mais parfois un matin

Le jour nous inonde

Comme un vent de rosée

Et puisque

Comme Ulysse

Nous sommes des errants,

La route est longue, hélas

Et nombreux les obstacles.

Tant de malins cyclopes

De rusées magiciennes

Sur nos routes creusées

De trous gorgés d'épines.

Tant de clochers dressés

Sur nos chemins brouillés.

Nous passons

Mais nous aimons nous attarder

Et contempler le ciel

Plonger notre regard

Anxieux et affamé

Dans celui des étoiles

Qui peuplent le cosmos

De perles d'obsidienne

Comme de lointains volcans

Comme les clochers

Qui au loin se dessinent

Dans la brume d'été.

Car non

Certes les hommes

N'ont pas les yeux des aigles

Eux qui tutoient les Dieux

Du haut de leurs sommets

Ils n'ont pas le sang froid

Des nochalents reptiles

Ni même

L'élégance fragile

Des longues araignées.

Mais

Leurs âmes peuvent espérer

Un jour toucher le ciel

Comme un clocher d'ardoise

S'étend dans le levant

Et par l'aube nouvelle

S'accomplit en chantant.

Alors rien n'est plus beau

Que l'air frais du matin

Sur nos vieux visages

Qui par trop ridés

Ont connus les naufrages

De notre humanité.

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