Coule la scène

Fanny Chouette

Il y a les bateaux qui font naufrage, les Rose et les Jack qui chantent du Céline Dion en heurtant un gros glaçon. Il y a les fragiles embarquations qui se retournent sous le poids des vagues, les brushing de ces dames font la gueule, tu parles d'un forfait nature-découverte. Et puis il y a cette péniche.

Les heures diurnes s'égrainant, la belle excuse son imposante silhouette boisée. Elle sait se faire discrète au regard des passants. Les rayons solaires lacérant le fleuve ont toujours été incapables de perser ne serait-ce qu'une pointe de son mystère. S'ils savaient. S'imaginent-ils seulement qu'une fois profondément endormis, la Nuit se fait chef d'orchestre, maquillant la ville avant de l'envoyer tutoyer les vagues-miroirs ?

Alors, les berges bercent les premiers rêves, des mains s'attrapent quand tout le reste lâche prise. Bientôt Morphée oublie la sagesse des nuits ensablées. Trois marches plus bas, le coeur de la ville bat déjà son plein. Une poignée de silhouettes s'anime au rythme de cette tachycardie enivrante. Les envies pour unique baromètre, le pont recueille la terre entière, qu'elle soit nicotine, poésie ou amoureuse. Le temps n'existe plus, alors prenons-le.

Jamais cette péniche ne soufflera les milliers de scénarios que toutes les nuits, inlassablement, elle abritera jusqu'à la dernière.

Comme si c'était, pour toujours, la première.


(c) 2013.
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