En lisant Tranströmer

Susanne Derève

Tranströmer, qui habite de passion

le silence et change les pierres brûlantes

de l'été en chiens de traîneau

sur la neige,

a fait renaître en moi le souvenir

des blancs trois-mâts ailés, des mers glacées

du Groenland,  

de la morue salée dans les caves de terre.

 

Mais la terre a bu le silence, les gargotes mouché

leurs chandelles.  

Demeure un cri d'oiseau, mouette

annonçant le vent, la longue coulée du vent

qui gratte à la porte du soir,

lion céleste, qui fouette de sa  crinière  le cirque

des nuages,

lève d'un front hagard des murs d'écume                        

sur l'océan.

 

Et puis le vent malingre, englué de brouillard,

qui noie les cornes de brume,

le vent défait, chaloupes grises, 

somnambules,  doris épars,

cherchant leur route aveugle

dans l'œil sournois de la banquise

sans en reconnaître aucune  …                               

 

Ma mère me le disait : ainsi avait vécu son père, 

mais le vieil homme en avait fini

de remâcher ses prouesses et ses rêves.

 

La cave de terre était fraîche l'été,  l'hiver

la frangeait de givre,  j'y fouillais en vain                       

comme on tourne les pages d'un livre

les marques du passé  …

J'étais venue trop tard.

 

 Peinture : Roger Chapelet (peintre de la Marine) 


https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2022/02/18/en-lisant-transtromer-susanne-dereve/


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