Fouchard n'avait pas envie de rigoler.

george-w-brousse

Barry Fouchard fut soudain saisi de ce qu’on appelle communément une rage folle. En bondissant hors du lit, il envoya valser son ordinateur à l’autre bout de la chambre. Le PC alla s’écraser contre les portes de la petite penderie, et on n’entendait déjà plus glousser les deux actrices qui, nues, s’étaient évertuées à les faire bander, lui et sans doute des milliers d’autres, depuis quinze minutes. En chemin vers la salle de bain, sa chemise accrocha malencontreusement le tableau suspendu dans le couloir. L’aquarelle -que le grand-père de Barry lui avait offertes quelques années avant sa mort, quand il n’était encore qu’un enfant-chancela un instant. Barry la saisit, stoppa son mouvement et la remis en place. Il la regarda un court instant, l’ôta du crochet qui la fixait au mur puis y replongea son regard. Elle représentait de petits bateaux de pêche, dans un port anonyme, sans doute de Bretagne. C’était la reproduction d’une photographie de carte postale que les voisins de son grand-père lui avaient envoyées lors d’un séjour dans le Morbihan. Rien ne prouvait pour autant que le port se trouvait dans ce département. Le maintenant à hauteur de son visage avec sa main gauche, le jeune Fouchard martela le souvenir d’enfance de coups de poings avant de le balancer, troué, à travers l’appartement. Il fulminait encore en entrant dans la petite salle d’eau, ouvrit le robinet d’eau chaude, attendant qu’elle atteigne la température adéquate, puis ferma la bonde. Se fixant une dernière fois dans le miroir, il saisit le rasoir manuel, y mit une nouvelle lame et commença à tailler dans la masse de poils qui lui obscurcissait la majorité du visage depuis des mois. Cela n’allait pas assez vite à son goût. A la cuisine, il saisit un couteau à viande, puis retourna finir le travail devant la glace. A grands coups de lames, il découvrait un peu plus son visage. Une fois le gros-oeuvre terminé, Barry reprit son rasoir. Il se débarbouilla la face avec de l’eau fraiche, passa la serviette à mains dessus et releva enfin les yeux vers le miroir. Il y vit une bête hurlante, les cheveux hirsutes, les yeux rouges, exorbités. Effrayé, Barry fit un pas en arrière avant de réaliser qui était le fou furieux qu’il regardait dans les yeux. C’en était assez pour cette nuit. C’en était assez.

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