GABRIELLE

Edgar Fabar

Gabrielle n’aimait pas la violence qui émanait du rock, mais le reggae c’était autre chose.

Gabrielle avait quarante ans à la sortie de l'album LIVE ! Elle n'aimait pas la violence qui émanait du rock, mais le reggae c'était autre chose. La ferveur de Bob Marley l'avait ensorcelée : mon dieu qu'il était beau. Imbattable question charisme et petit cuir moulant. C'était en 1975.

Elle s'était levée affreusement tôt ce matin. Enfilant une paire de baskets, elle s'était mise en tête de gravir la butte à pied. Tandis qu'elle soufflait, elle s'était demandée tout compte fait si la vie n'était pas comme la montée vers le Sacré-Cœur, trop longue parfois.

Elle pensait à ses amis morts, à ceux qui avaient quitté Paris pour un climat plus doux ou la tranquillité des montagnes. A part leur donner bonne mine le jour de l'enterrement, ça leur servait à quoi l'air marin et le calme ? Non, à notre âge, c'est de bruit et d'orage dont nous avons besoin, surtout pas de soleil au zénith ou de déjeuner sur herbe.

Elle avait quatre-vingt huit ans, et son temps n'était pas fini. Pour preuve, rigolait-elle, en se regardant dans une vitrine et en soulevant son bras gauche, par ici, il y a encore de la place pour quelques belles rides. Non, je n'ai pas atteint le sommet de ma vieillesse, je peux encore faire mieux.

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