Géométrie des molécules

Lotüs Zoppa'leïnh

La fenêtre de la salle donne sur les terrains de sport dont les tracés au sol se sont, à force de temps, partiellement effacés. Je cherche à regarder ailleurs: je n'ai aucune envie de voir des gens bondir derrière un ballon.
Hagards, mes yeux s'arrêtent à la portée d'un édifice en béton délabré et entouré d'une clôture de fer rouillé, qui fut jadis une œuvre d'art.
Autour, de grands arbres vert foncé -peut être des conifères- ont pris le lieu pour croitre.
Un peu plus loin encore, au delà des bâtiments gris et sales du lycée, se dessinent des collines et des champs de canne à sucre. Le vert domine. J'aime cette couleur.

Je n'avais pas remarqué la grande grue orange plantée au milieu de ce merveilleux décor. Mon décor, mon évasion. Quelle horrible tour grossière. Elle fait pourtant partie de nos vies à tous, ici. Tout en ne laissant pas la vision s'évaporer, je la compare à l'incroyable rigidité de l'Homme, et me rappelle ce besoin irrésistible qu'il a de tout contrôler, de tout aménager, changer; vider et remplir... sans cesse.
C'est peut être parce qu'il se "sait", qu'il se croit supérieur. Pourtant... tout en est si loin, et nous davantage encore.
Darwin n'avait pas tort en assurant que nous étions des singes évolués. Oui, il avait sûrement raison: mais quelle évolution...!
Quant à Dieu, si c'est bien lui qui a créé le monde, ne doit assurément pas considérer l'Homme comme une réussite; il ne l'a d'ailleurs certainement pas fait à son image.
Ceux qui ont inventé, ceux qui se sont fait révéler ces délires mystiques que sont les cultes religieux ne connaissaient pas la nature de l'Homme; ils ne la connaitront jamais.
Une tâche dans le paysage. Une grue: voilà ce que nous sommes. Il n'est rien de mieux que nous puissions apporter au monde.

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