Il capucetto rosso

dravic

Voici un petit remake morbide du conte du même nom (le petit chaperon rouge).


Il était une fois une ange qui fut déposée dans un village forestier, calme et serein, loin des villes et de leurs débordements. La pauvre petite ange vint nue jusqu'à la place du hameau et une Vieille Dame, prise de pitié, lui offrit sa cape de velours rouge pour qu'elle n'ait pas froid. Ainsi vêtue, elle parcourut entièrement le village où tous décidèrent de la surnommer ''Petit Chaperon Rouge''.

L'Enfant Angélique apportait la joie dans les différents foyers qu'elle visitait. Où qu'elle aille, elle s'efforçait d'être un réconfort pour les habitants qui l'avaient recueillie, comme n'importe quelle Ange se doit de l'être. Elle apportait son aide chargée d'espièglerie pour être, en chaque occasion, un rayon de soleil, rouge.

Un jour, elle apprit que la Vieille Dame qui lui avait couvert les épaules de sa cape était très malade et incapable de se déplacer. Le Chaperon Rouge décida d'aller lui rendre visite et de rester auprès d'elle le temps que la maladie la quitte.

La vieille femme habitait au-delà du village, dans un coin sombre de la forêt et l'Ange flamboyante devait s'y rendre à pied, en passant par des sentiers qu'elle connaissait mal et peu sûrs. Avant son départ, les villageois lui firent de nombreuses recommandations :

— Reste sur le sentier !

— Ne te détourne pas de ton chemin !

— Ne t'adresse à personne…

— …les habitants de la forêt ne sont pas dignes de confiance !

— Mais surtout, prend garde au Loup !

Forte de ces prévenances, le Petit Chaperon Rouge rassura ses protecteurs et se mit en chemin. Une forêt n'est jamais silencieuse : le jour, cela rassure, la peur s'installant la nuit. Les oiseaux s'égosillaient en chants qui n'étaient compréhensibles que par une oreille angélique et la beauté des fleurs n'avait de sens que pour les êtres célestes. On s'émerveille d'un rien lorsque personne ne nous a donné de raison d'être inquiète…

— Où va-tu donc, Petit Ange Rouge ?

Elle se retourna, surprise par la douce voix qui l'avait accostée. Le jeune homme qui lui faisait face était de grande taille, tout de noir vêtu, paré uniquement d'un sourire engageant.

— Qui êtes vous ?

— Les villageois disent de moi que je suis un carnassier…

— Un carnassier ?

— Un prédateur…

— Un prédateur ?

— Disons que j'ai de grandes dents et peu de scrupules. Enfant, tu n'as pas répondu à ma question.

— Je vais voir la Vieille Dame du bois qui est malade et j'ai promis au village de faire attention et de ne pas m'arrêter en chemin !

— Puisque tu as raison, je vais t'escorter.

Le Petit Chaperon Rouge ne savait que faire, ce monsieur semblait gentil et plein de bonnes intentions. Même s'il était étrange qu'un monsieur en costume soit dans une forêt sans raison apparente.

— Que faites-vous loin de toute habitation ? Êtes-vous perdu ? Si c'est le cas, je peux vous aider…

— Tu souhaites m'aider ? Quelle délicieuse petite Ange ! Mais tu me disais que la vieille du chalet est malade ?

— Oui, je vais lui proposer un peu de ma santé pour la soulager.

— Quelle Ange exquise !

Parlant, marchant, petit à petit, l'homme éloigna le petit Ange de son chemin, il l'a guidait dans des recoins obscurs, de plus en plus sombres.

Soudain, ils arrivèrent devant un précipice si profond que l'on aurait pu croire qu'il descendait jusqu'en enfer.

— Je me suis éloignée et me voilà perdue ! Je devrais déjà être auprès de la Vieille Dame, elle a besoin de moi !

— Allons, allons… Il est vrai que nous sommes devant un précipice mais nous serions bien bêtes de nous jeter dedans. Et tu n'es pas perdue, tu es avec moi !

— Je ne connais même pas votre nom …

— Un nom n'est jamais qu'un nom, bien mal en prend à ceux qui ne se fient qu'à la dénomination.

— Vous ne vous appelez pas «carnassier» ?

— Non.

— Et pas «prédateur» non plus ?

— Effectivement.

— Alors vous vous appelez peut être «Loup»…

Le Loup (car c'était bien lui) regarda la jeune enfant avec insistance…

— Un nom est toujours un nom, conclut la fillette. Il a sa part de vérité…

— Encore faut-il se donner le temps de connaître cette vérité. Pourquoi faudrait-il être loup pour être méchant et méchant pour être loup ?

Le Petit Chaperon Rouge ne sut que répondre. Un Loup pouvait-il être raisonnable ? Elle voulut retirer sa main de celle du Loup mais il avait refermé ses griffes sur son petit poignet blanc.

— Viens, viens, mon Enfant, allons voir le monde. Viens, viens, que je te montre des choses que tu n'as jamais vu. Des créatures à grands yeux, d'autres à grandes oreilles, mais surtout, beaucoup à grandes dents. Le reste de ta vie sera un jeu.

Voir le monde ne semblait pas si dangereux et le Petit Chaperon Rouge ne voulait pas vexer le Loup en refusant son invitation.

— D'accord, mais avant, allons voir la Vieille Dame.

— Puisque c'est ce que souhaite ma savoureuse petite Ange, nous ferons donc un détour.

Le Loup et le Petit Chaperon Rouge s'éloignèrent, main dans la main, suivant le précipice jusqu'à un autre bois. Là, ils s'enfoncèrent dans l'obscurité qui les dévora...

*

Qu'importa que les villageois, paysans ou chasseurs battirent les monts et les vaux, jamais, jamais le Petit Chaperon Rouge ne revint au village.



FIN

2005, http://dravic.wix.com/artiste

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