JE NE TE VERRAI JAMAIS GRANDIR

Sylvie Benguigui

Nous t'avions attendu en vain depuis longtemps

Et tu es apparu, si petit et tout blanc 

Mais sitôt arrivé, tu as fait demi tour

Tu n'étais donc pas fait pour la vie et l'amour


Nous nous sommes aperçu que nous avions construit

Autour de toi et de ta belle aura, la vie

Que nous avons ici envie de te chanter

Car tu habites en nous, petit être adoré


Mais… le conditionnel ne se conjugue pas                          

Car il ne vit pas au rythme de tes pas                                 

Et le soleil demain aura cessé de luire

Car je n' te verrai jamais, jamais grandir


On aurait pu soufflé ta première bougie                       

Te regardant manger en espérant aussi            

Que ce beau jour verrait marcher ton premier pas       

Et entendrait le premier de tes mots « papa »  


Puis je t'aurais couché, très tard ce soir d'été

A moitié épuisé par cette dure journée

Et par tous ces efforts pour pouvoir avancer

Sur ce chemin de vie parsemé de baisers


Mais… le conditionnel ne se conjugue pas                          

Car il ne vit pas au rythme de tes pas                                 

Et le soleil demain aura cessé de luire

Car je n' te verrai jamais, jamais grandir


Premier temps de l'école avec ton grand cartable        

Que tu aurais posé en te mettant à table

En dévorant des yeux et des mains ce matfin       

Tout en m'offrant déjà tes plus jolis dessins


Et l'on aurait connu ta si jolie maîtresse  

Cette petite brunette avec ses longues tresses  

Celle qui t'aurait appris le verbe « imaginer »   

Au présent, à l'av'nir et surtout au passé       

              

Mais… le conditionnel ne se conjugue pas                          

Car il ne vit pas au rythme de tes pas                                 

Et le soleil demain aura cessé de luire

Car je n' te verrai jamais, jamais grandir


Première journée de stress, passage d'un examen

Devant lequel je te vois tremblant et sans faim

Mais que tu aurais eu, tout fier et tout ému

De pouvoir constater que tu l'aie  obtenu


Et puis, tu s'rais venu, un jour accompagné

De cette jolie blonde venue pour te voler

Mais on l'aurait compris, on l'aurait même aimée

Comme si elle faisait partie de toi à moitié


Mais… le conditionnel ne se conjugue pas                          

Car il ne vit pas au rythme de tes pas                                 

Et le soleil demain aura cessé de luire

Car je n' te verrai jamais, jamais grandir


Premier boulot oblige mais pour trouver ta voie

Besoin d'un peu de temps pour exprimer ta foi

Tu te serais battu pour pouvoir y arriver

Et te trouver enfin à l'aise dans tes souliers


Tu nous aurais parlé de tous tes grands soucis

De toutes tes tristesses, de toutes tes envies

De tous ces lendemains, les pensant incertains

Et de tes souvenirs qui constituent « demain »


Mais… le conditionnel ne se conjugue pas                          

Car il ne vit pas au rythme de tes pas                                 

Et le soleil demain aura cessé de luire

Car je n' te verrai jamais, jamais grandir

Mais… le conditionnel ne se conjugue pas                          

Car il ne vit pas au rythme de tes pas                                 

Et de tout cela je ne verrai jamais rien

Car malheureusement, tu ne verras pas… demain

 

© Sylvie Benguigui texte

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