Joyeux Noël

ttr-telling

Il faisait encore nuit lorsqu'il ouvrit les yeux. Le calme régnait dans la maison. Le silence était à peine fragilisé par le faible crépitement des restes de braises qui rougeoyaient timidement dans l'âtre.

Il pris quelques minutes pour savourer l'instant, avant de se redresser dans le canapé moelleux. Il plia minutieusement le plaid dans lequel il s'était emmitouflé pour la nuit - Liv détestait qu'il laisse du bordel - et commença à s'étirer doucement devant la cheminée. Après s'être décrassé les articulations, il mis un peu d'ordre dans les braises pour y rajouter du petits bois et deux beaux morceaux de bûches. Il aida la reprise du feu par quelques longues et expertes soufflettes dirigées sur les braises. Des flammes apparurent rapidement, prêtes à grignoter le bois encore un peu humide qui gémissait des crépitements sonores et fumants.

Il se redressa devant son œuvre, manifestement satisfait du résultat, avant de remettre la grille de protection devant l'âtre, sensée protéger le salon des sautillements incandescents du petit bois mécontent - Liv avait toujours peur qu'une flamiche vienne mettre le feu à la maison.

Il pris la direction de la cuisine, traversant l'entrée dans laquelle trônait un petit sapin chichement décoré. Malgré sa petite taille, une bonne odeur de pin émanait du conifère. Liv avait insisté pour avoir un vrai sapin. Il avait d'abord émis des réserves : Pourquoi couper un pauvre sapin juste pour l'exposer durant quelques semaines avant de le jeter? Et en plus il allait mettre des épines partout...

Il ne put s'empêcher de sourire en regardant le sapin. Il était content que Liv ait insisté. Elle avait raison. Comme d'habitude.

Il se prépara une tasse de thé - le préféré de Liv - qu'il sirota en regardant le ciel nocturne à travers la fenêtre. Le breuvage brûlant lui réchauffait les entrailles, alors qu'il s'apprêtait à sortir dans la fraicheur matinale.

Une fois le blouson enfilé, le bonnet vissé sur la tête, et le casque de musique sur les oreilles, il quitta la petite maison pour se mettre en direction de la plage, située à une dizaine de minutes à peine en marchant. Le ciel était encore sombre, mais le nombre d'étoiles diminuait petit à petit, alors que l'horizon blanchissait doucement, préparant l'arrivée du soleil.

Le sable presque gelé crissait sous ses pas, alors que le bruissement de la mer avalant la plage emplissait l'air. Il alla jusqu'à un petit rocher qui restait inflexible face à l'océan. Liv venait souvent s'y assoir pour admirer le paysage. Elle adorait les levers de soleil en hiver. Il frissonna un instant avant de prendre place sur le trône rocheux.

Il laissa son esprit s'échapper, fixant l'horizon qui rougissait de minute en minute, jusqu'à paraître dévoré par un incendie gigantesque. Il était immobile, pendant que le soleil prenait place dans son domaine, non sans frissonner de temps à autres, saisi par le vent marin.

Il fini par reprendre la route de la maison, alors que la pâleur du jour avait éclipsé les rayons d'or rougeoyants qui honoraient les derniers instants du règne lunaire.

Sur le retour, il s'arrêta devant un tapis de pensées fraichement écloses. Il hésita un instant à en ramasser pour préparer un bouquet, avant de se raviser. Les allergies de Liv avaient toujours limité son attrait pour les fleurs.

Une fois rentré, il se mis à préparer le petit déjeuner. Il avait prévu de faire un format brunch avec tout ce qu'elle aimait. Une heure plus tard, il avait du guacamole maison, du saumon fumé, du pain aux graines, ce vieux fromage premier prix, du bleu, qu'elle affectionnait sans qu'il ai jamais réussi à comprendre pourquoi, du chocolat chaud maison, de la brioche, et pour finir, une bouteille de Moscato d'Asti, un vin blanc pétillant italien dont elle raffolait. Dont ILS raffolaient, en vérité. Il mis le tout dans un panier, satisfait, avant d'aller se préparer pour son rendez-vous.

Il resta un long moment sous la douche brûlante, laissant ses pieds et ses mains gonfler et rougir, alors que la vapeur envahissait la petite salle de bain. Il repensait à leurs étreintes, et au plaisir vicieux qu'elle prenait à l'ébouillanter avec des températures qu'il trouvait inhumaines à l'époque. Il avait fini par s'y habituer, et même à apprécier.

Il était enfin prêt, habillé d'un chino beige, d'un pull noir et d'une chemise épaisse à carreaux, façon "bûcheron", en guise de blouson. Liv avait toujours aimé ce style, mais il ne s'en était équipé que trop rarement. Il le regrettait un peu, parfois. Il aurait aimé lui faire plaisir un peu plus.

Il mis le panier chargé des victuailles amoureusement préparées dans la voiture, avant de prendre la direction du lieu de rendez-vous. Il sentait son pouls s'accélérer. Il avait un peu le trac, comme à chaque fois, malgré les années.

Il arriva enfin. Il pris une bonne minute pour respirer et se calmer, avant de quitter la voiture, le panier sous le bras. Il passa sous une arche en pierre, et pénétra dans ce lieu toujours fleuri, peu importe la saison. Il se dirigea vers l'allée principale. Elle était toujours bien entretenue. Son cœur battait de plus en plus fort, à mesure qu'il se rapprochait. Il essaya de se contenir, mais il senti ses yeux gonfler malgré lui. 

Elle était là. Elle l'attendait, comme toujours. Il se força à ne pas la regarder directement avant de s'être installé. Il déplia un drap devant elle, sur lequel il déposa le panier, avant de s'y asseoir. Il pris une dernière inspiration, et s'autorisa à la regarder.

- "Bonjour, mon amour." Fit-il, les yeux rouges.

Il pris le temps de lui raconter les évènements passés depuis leur dernier rendez-vous. Il lui raconta tout, dans les moindres détails. Il chérissait ces moments qui lui permettaient de tout lui partager. Elle avait toujours aimé qu'il lui raconte ses histoires. Il parlait tellement rarement de lui.

Il fini par arriver à la fin de son récit, énumérant les denrées qu'il avait préparé pour l'occasion, tout en les sortant du panier au fur et à mesure pour les lui montrer.

- "Allez, je suis sur que tu n'attends que ça." Fit-il avec un sourire. Il ouvrit la bouteille de vin, qu'il versa dans une flute à champagne. "A cette nouvelle année qui se termine. A cette nouvelle année à laquelle j'ai survécu. A notre amour, qui dure toujours." Il leva son verre en son honneur.

"Joyeux Noël, Liv."

Il pris une gorgée, avant de verser le reste de son verre sur la pierre tombale de sa bien aimée.




TTR.


Signaler ce texte