La peste ou le choléra

Cyril Coatleven

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Peste ou le Choléra

Par Cyril Coatleven

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Note dintention

Ceci est la 3ème pièce que j’écris, dés le départ le sujet de la politique s’est imposé, du fait du contexte actuel. Le but était dés le début de proposer un texte drôle avec un peu de fond. Mes objectifs étant de proposer un texte qui ne soit pas politiquement correct, qui n‘épargne personne, et ne prenant pas parti pour un camp ou l‘autre. C’est pour toutes ces raisons que la pièce s’inspire de quelques faits réels et que les noms des personnages renvoient à des personnalités.

Pour ce qui est de la mise en scène de cette pièce, j’imagine quelque chose de sobre, bien que ce voulant une caricature, je pense qu’il n’est pas utile de trop grossir le trait. En effet, ceci pourrait rendre le tout indigeste et atténuer l’aspect satire. Seuls les actes 3 et 4 sortent un peu de l’ordinaire.

Dans l’acte 3 la scène est divisée en deux parties représentant les deux camps, l’action alternant d’un côté à l’autre. Quand l’action se termine d’un côté, elle se fige et est plongée dans l’obscurité pour laisser la place à l’opposition, et inversement.

Dans l’acte 4 l’action se déroulant sur un plateau de télévision, la position du public représente l’objectif de la caméra, les personnages pouvant alors s’adresser à eux, lorsque nécessaire, comme si il s’agissait des téléspectateurs.

L’acte final quant à lui dépend du choix du public, via un vote à la fin de l’acte 4. Se vote peut se faire de la façon désirée, à main levée ou autre. Ces deux fins représentant les deux candidats de l’élection. La fin du candidat choisi est jouée à la fin du vote. Bien sûr l’autre fin peut quand même être jouée, lors d’un rappel par exemple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Résumé

 

 

 

 

En France, une campagne présidentielle fait rage, les coups bas, manipulations, petites phrases, mensonges, et provocations s’enchainent. Les deux candidats, Jean-Nicolas Zarosky et Agrippine Raynal, se démènent pour attirer l’œil des caméras et draguer les électeurs. De la déclaration des candidatures à l’élection finale, le chemin ne se fera pas sans fracas.

Toutes ressemblances avec des faits réels n’est bien entendu qu’une pure coïncidence! Où Pas…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personnages

 

 

Narrateur : Il permet de situer le contexte, et l'évolution des évènements.

 

Henri Jaino : Conseiller de Jean-Nicolas, arrogant et cynique. Habillé en costume.

Julien Lemard : Journaliste de presse écrite, il a des convictions et une éthique. Toujours habillé de manière classique et décontractée.

Marion Noclin : Journaliste radio ambitieuse. Habillée avec une certaine classe.

Jean-Nicolas Zarosky : Candidat de droite, il est petit et nerveux. Il gesticule sans arrêt, et maltraite la langue française. Ses tics nerveux s'aggravent en cas d'anxiété.

Martin : Assistant maladroit et timide de madame Raynal. Habillé en costume modeste et porte des lunettes.

Agrippine Raynal : Candidate de gauche, elle est hautaine et parle d'un ton strict. Elle est habillée d'une manière guindée.

Laurent Lepion: Animateur de journal télévisé. Porte un costume.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Décors

 

 

Acte 1 : Salle de réunion de Zarosky

Elle est composée d'une grande table et de quelques chaises. Il y a deux sorties, une allant dans le bureau de Zarosky, l'autre à l'accueil du QG de campagne.

Acte 2 : Bureau d'Agrippine Raynal

Il y a un bureau sur lequel se trouvent quelques papiers, et un téléphone.  Il y a deux sorties, une allant dans la salle d'autorité d'Agrippine et l'autre vers l'accueil du QG de campagne.

Acte 3 : QG de campagne

La scène est divisée en deux, d'un côté Agrippine Raynal avec le même bureau, et les mêmes accessoires que dans l'acte précédent, et de l'autre Jean-Nicolas avec un bureau, un téléphone et 3 chaises.

Acte 4 : Le plateau de télévision

Il est composé d'une grande table, une chaise à chacune des extrémités, et 3 chaises derrière la table, faisant face au public.

Acte 5 : Bureau du président

Composé d'un bureau et 3 chaises. Sur le bureau des grosses piles de papiers, des dossiers et un téléphone.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ACTE 1 : Début de campagne

 

L'acte débute dans le noir complet.

 

Narrateur : Petit message d'avertissement : Toutes ressemblances avec des personnages ou des faits, existant ou ayant existé, n'est que pure coïncidence! Ou pas…

Notre histoire débute en France, une France du passé? Une France du présent? Une France de l'avenir? Peu importe! C'est le genre d'histoire qui se répète sans cesse, un refrain usé que plus personne ne veut entendre, mais que tout le monde continue d'écouter. C'est dans cette France que l'on connait trop bien, qu'une campagne présidentielle se prépare.

Un petit homme nerveux, sorte de Napoléon sous caféine, ou autres produits qu'il est interdit de nommer ici, s'est autoproclamé candidat de la droite. Ce petit roquet hargneux à l'attitude bling-bling, s'est fait une place dans le tourbillon médiatique grâce à une arme qu'il maitrisait parfaitement, la peur. La peur des jeunes, de l'insécurité, des étrangers, des banlieues. Il veut plus que tout au monde être président, il y pense depuis tout petit, même s'il n'a pas beaucoup grandi depuis… C'est avec ce superman en talonnettes que commence notre histoire.

 

La scène s'éclaire, Julien entre dans la pièce précédé par Henri Jaino, ils viennent de l'accueil du QG.

 

Henri Jaino : (Avec un certain mépris.) Voilà, attendez ici! Il est en réunion, il ne devrait plus tarder.

Julien : Très bien, merci. (Il regarde sa montre.)

Henri Jaino frappe à la porte du bureau de Zarosky et y entre. Après un instant, le téléphone portable de Julien sonne, il répond.

Julien : Allo? Oui, j'y suis arrivé, en trainant les pieds, mais j'y suis arrivé… D'ailleurs, heureusement que je ne me suis pas stressé, parce que visiblement il est en réunion…

Une réunion de quel genre? Qu'est-ce que tu veux que j'en sache? Je viens d'arriver! Ils doivent probablement élaborer des stratégies! Tu sais, histoire de faire passer leur candidat pour Robin des bois, auprès de l'électeur crédule. Ou alors, il cherche juste à redorer son blason après ses divers dérapages verbaux…

Tu sais, je ne comprends vraiment pas pourquoi tu m'as choisi pour suivre cette campagne! Ce n'est pas mon domaine, les politiciens me fatiguent avec leur langage mielleux et leurs airs de pas y toucher! Quoi?! Oui, je sais… Tu crois que sous prétexte que je n'aime pas ce milieu, mon regard sera plus proche de celui de nos lecteurs… Ce que j'en pense? Je trouve ça tordu! Voilà ce que j'en pense! (La porte s'ouvre.) Ah, je crois qu'il arrive… Je te tiens au courant!

Julien éteint son téléphone et le range. Marion entre avec le sourire, elle sort du bureau de Zarosky, son sourire s'efface dès qu'elle voit Julien.

 

Marion : Julien…

Julien : (Froid.) Marion…

Marion : Alors c'est toi qu'ils envoient? Ton rédacteur en chef ne manque pas d'humour…

Julien : C'est vrai qu'il est très drôle… Ton patron lui, sait très bien ce qu'il fait…

Marion : Ce qui veut dire?

Julien : Qu'il ne risque pas de se faire des ennemis en t'envoyant.

Marion : On se retrouve à peine, et tu fais déjà des insinuations!

Julien : Je n'insinue rien, je constate.

Marion : Tu n'as pas changé…

Julien : Je crains que non. Toi non plus visiblement… Ça doit pourtant être éreintant de cirer des pompes à longueur de journée!

Marion : Plus fatigant que d'être un journaliste anonyme pour un site internet!

Julien : Je vois que ton coach t'as fait travailler le sens de la répartie!

Marion : Amusant… Toi tu ne t'es pas encore décidé à travailler ton code vestimentaire! Tu sais, tu n'es pas à la fête foraine là!

Henri Jaino entre dans la pièce, il reste près de la porte sans rien dire, surpris par les propos qu'il entend.

Julien : Je ne risque pas de m'y croire! Les ballons de baudruches sur lesquels on tire, ont plus de contenu que la vieille tocante qui te sert de cœur!

Marion : Bon… Et bien je crois qu'on en a fini avec les politesses!

Julien : Ça m'en a tout l'air!

Marion : Je suppose qu'on se reverra bientôt…

Julien : J'attends ce moment avec l'enthousiasme d'un porc qu'on mène à l'abattoir.

Marion : (Avec un sourire triomphant.) Tu es réaliste sur l'image que tu renvois, c'est encourageant!

Marion sort de la salle.

Julien : Quelle conne! (Henri Jaino se racle la gorge pour rappeler sa présence.) Oh! Excusez ce spectacle peu glorieux!

Henri Jaino : Les journalistes se parlent toujours avec autant de sympathie?

Julien : (Avec un sourire malicieux.) Oui, c'est comme ça qu'on apprend à être humiliés en public par les politiciens.

Henri Jaino : (Vexé.) Je vois…

Julien : En fait, Marion et moi avons été ensemble par le passé. Comme vous avez pu le constater, ça n'a pas été une franche réussite.

Henri Jaino : Oui, j'ai cru apercevoir une légère animosité…

Julien : Je vois que vous êtes fin psychologue! En tant que conseiller principal de Zarosky dans cette campagne, ça doit vous être utile…

Jean-Nicolas entre dans la pièce en pianotant sur son téléphone portable.

 

Henri Jaino : (Désignant Julien.) Jean-Nicolas, voici monsieur Lemard. Le journaliste du site que tu aimes tant…

Jean-Nicolas lève à peine la tête de son téléphone pour regarder Julien.

Jean-Nicolas : Ah! C'est vous…

Henri Jaino : Bon, et bien je vous laisse. Au revoir monsieur Lemard.

Julien : Merci, au revoir Monsieur Jaino.

Henri Jaino sort de la salle par la porte menant à l'accueil du QG. Jean-Nicolas continue de tapoter le clavier de son téléphone un moment.

Jean-Nicolas : Voilà! J'ai terminé! (Indiquant vaguement une chaise, en ne quittant pas l'écran de son téléphone des yeux.) Installez-vous!

Julien : Merci…

Jean-Nicolas fait patienter Julien encore un moment, puis pose son téléphone sur la table.

Jean-Nicolas : (S'asseyant à côté de la table, non loin de son téléphone.) Voilà, c'est bon! Alors comme ça c'est vous, le journaliste d'ce fameux site…

Julien : Oui…

Jean-Nicolas : J'dois dire que j'apprécie pas particulièrement c'qu'on peut y lire.

Julien : J'avoue que ça ne m'étonne pas! Mais si ça peut vous rassurer, votre cible électorale ne fait probablement pas partie de nos lecteurs.

Jean-Nicolas : Et j'm'en félicite! Vot' acharnement envers moi, et le gouvernement auquel j'ai participé est inacceptable. Même scandaleux! Toutes ces calomnies en vue d'me salir sont nauséabondes!

Julien : Qu'est-ce qui vous dérange le plus, ce qu'on dit, ou le fait qu'on en ait le droit?

Jean-Nicolas : (Agacé. Ses tics se font plus fréquents l'espace d'un instant.) Et bien… Ah! J'ai un exemple concret!

Julien : Lequel?

Jean-Nicolas : (Repris par ses tics.) L'acharnement médiatique dont votre site et d'autres organismes de presse font preuve, envers l'actuel ministre de la justice!

Julien : Ah! Vous voulez dire sur le fait qu'il est eu ses diplômes dans une pochette surprise?

Jean-Nicolas : (Toujours pris de tics.) Par exemple! C'est typiquement le genre de journalisme qui rappelle la presse des années 30!

Julien : Je ne vous savais pas si vieux…

Jean-Nicolas : (Il s'emporte.) J'vous trouve bien insolant!! Savez qu'vous parlez au futur président d'la république?!

Julien : Vous mettez la charrue avant les bœufs…

Jean-Nicolas : (Vexé.) Non mais vous m'avez bien r'gardé?! Est-ce que j'ai une tête à travailler dans les champs?!

Julien : C'est une expression monsieur…

Jean-Nicolas : Oh, ça va! J'les connais vos p'tits trucs de journaliste! Toujours à vouloir embrouiller les gens!

Julien : (Se levant.) Bon! Je crois qu'on en a terminé! Je vais prévenir mon patron qu'il envoie quelqu'un d'autre que moi!

Jean-Nicolas : (Surpris par la réaction de Julien.) Mais qu'est-ce que vous faites?!

Julien : (Enervé.) On vous enverra quelqu'un de plus apte à écouter vos remontrances!

Jean-Nicolas : (Vexé.) Oh! Vous manquez d'humour mon cher!

Julien : Sans doute…

Jean-Nicolas : Certains d'vos confrères sont plus ouverts à c'niveau là! Tenez, l'autre jour, en conférence de presse, j'ai charrié l'un d'eux en le qualifiant de pédophile, et tout le monde a beaucoup ri!

Julien : Ils devaient avoir un sens de l'humour très développé… Maintenant si vous voulez bien m'excuser, je m'en vais!

Jean-Nicolas : (En se levant et d'un ton strict.) Non, restez! (Reprenant son calme.) Excusez-moi, nous sommes pas partis du bon pied. On est des adultes, on va pas s'arrêter à ça quand même!

Julien : (Il se calme un instant.) Bon! Je suis là pour faire un boulot, je vais le faire. Mais avant, je tiens à mettre certaines choses au clair!

Jean-Nicolas : (Plus calme. Ses tics s'atténuent beaucoup.) J'vous écoute…

Julien : Pour commencer, n'attendez pas de moi que je sois à votre botte. Je suis là pour faire un travail, je tiens à le faire sérieusement, et ce n'est pas parce que j'ai mes opinions et mes idées, que je ne suis pas capable de produire quelque chose d’honnête!

Jean-Nicolas : J'comprends… D'après c'qu'on m'a dit vous êtes pas habitué à suivre les politiciens… Ça s'voit!

Julien : Je prends ça comme un compliment!

Jean-Nicolas : J'vous en prie, asseyez-vous!

Julien : Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de mon patron, il pense que nos lecteurs veulent un regard différent. Selon lui, le fait que la politique ne soit pas ma tasse de thé est un plus.

Jean-Nicolas : Ça a le mérite d'être original…

Julien : (Il finit par s'assoir.) Il faut le reconnaitre, il est hors du commun dans ce domaine.

Jean-Nicolas : Bon! Et bien commençons not' entretien, et oublions not' p'tit différent.

Julien : Allons-y.

Jean-Nicolas : Alors, par quoi qu'c'est qu'on commence?

Julien sort un calepin et un stylo de sa veste.

 

Julien : Alors voyons… (Julien réfléchit un instant, pendant ce temps Jean-Nicolas consulte son téléphone portable. Julien le regarde excédé. Julien pose sa question d'un air triomphant.) Vous semblez vouloir orienter votre campagne sur l'insécurité, pourtant votre bilan en tant que ministre de l'intérieur n'est pas particulièrement flatteur. N'est-ce pas finalement un handicape de se centrer sur ce thème?

Jean-Nicolas : (Il détache l'attention de son téléphone et regarde Julien d'un air médusé.)  Ah bah vous, vous commencez fort!

Julien : (Avec un sourire malicieux.) C'est que je ne voudrais pas perdre votre attention.

Jean-Nicolas : Vous en faites pas pour ça! Pour répondre à vot' question, ch'ais pas si vous vous rendez bien compte à quel point ce métier difficile est difficile!

Julien : J’imagine que non…

Jean-Nicolas : Savez-vous que la politique c'est une affaire de temps? On obtient pas les choses d'un coup de baguette magique! M'enfin vous verrez que bientôt y aura des résultats, mais là vous en parlerez pas!

Julien : Et ce bientôt, il est proche?

Jean-Nicolas : Que voulez vous que j'vous dise? Vous croyez que mon boulot ç'aurait pas été d'm'en occuper d'ça?

Julien : Pardon?

Jean-Nicolas : (Enervé, il gigote.) Et bien quoi?! J'parle pas français?!

Julien : Sans vouloir vous offenser, l'espace d'un instant j'ai eu un doute!

Jean-Nicolas : Oh! (Il regarde sa montre.) Merde! J'ai encore oublié d'prendre mon Valium!

Jean-Nicolas se lève et va dans son bureau, il revient après un instant avec une boite de chocolats dans une main et sa gélule dans l'autre. Il avale sa gélule rapidement.

Jean-Nicolas : Voilà, ça d'vrait faire effet bientôt! (Il tend la boite de chocolats à Julien.) Z'en voulez?

Julien : Non merci.

Jean-Nicolas : Z'êtes sûr? C'est pas n'importe quoi! Moi j'peux pas en manger hélas!

Jean-Nicolas pose la boite de chocolats sur la table.

Julien : Et pourquoi ça?

Jean-Nicolas : Consigne de mon conseiller en nutrition! Il m'oblige à m'en tenir à 5 fruits et légumes par jour! Vous parlez d'un régime!

Julien : Je vois… Vous avez beaucoup de conseillers?

Jean-Nicolas : Attendez euh… (Il réfléchit un instant.) Oui, voilà, c'est ça! Quinze!

Julien : Pardon?

Jean-Nicolas : J'ai quinze conseillers!

Julien : Quinze?!

Jean-Nicolas : Non, pardon, seize! J'ai oublié le conseiller en maquillage!

Julien : En maquillage!?

Jean-Nicolas : Oui! En maquillage! Ça vous surprend? Il faut bien être présentable à la télé, non?

Julien : (Avec ironie.) Oui, mais j'ignorais qu'il y avait un conseiller attitré pour ce genre de sujet capital…

Jean-Nicolas : Ça rigole pas vous savez! C'est une sacrée part du budget prévu pour la campagne!

Julien : Vraiment?

Jean-Nicolas : Oui! Rien qu'pour le maquillage, on estime une dépense de 35 000 euros!

Julien : Il y a tant que ça à cacher?!

Jean-Nicolas : J'vous d'mande pardon?

Julien : Non, rien. Je pensais à voix haute!

Jean-Nicolas : Ah…

Julien : Vous pouvez me donner la fonction de vos conseillers?

Jean-Nicolas : Bien sûr! Alors, y a mon conseiller principal, Henri Jaino, qu'vous avez rencontré tout à l'heure. Ensuite, le conseiller en nutrition, le conseiller en maquillage, le conseiller en footing, le conseiller vestimentaire, le conseiller en médications…

Julien : Conseiller en médications?

Jean-Nicolas : Oui, c'est lui qui m'prescrit l'Valium, entre autre choses. Nous avons aussi le conseiller en langue française…

Julien : Il doit être débordé…

Jean-Nicolas : Comment vous l'savez?!

Julien : Juste une impression comme ça…

Jean-Nicolas : Ah… Bon… Nous avons aussi le conseiller en image, le conseiller en salutations, le conseiller en coiffure, le conseiller en gestion du temps…

Julien : Il ne doit pas perdre son temps celui-ci…

Jean-Nicolas : (Epaté.) C'est incroyable! Vous avez un don!

Julien : Allez savoir…

Jean-Nicolas : À ce propos, j'ai un conseiller en astrologie, il faudra que j'vous l'présente!

Julien : (Sans conviction.) Avec plaisir…

Jean-Nicolas : Alors ensuite, le conseiller en goûts culturels…

Julien : (Surpris.) Conseiller en goûts culturels?!

Jean-Nicolas : Oui, il m'oriente sur tout ce qu'est tendance, d'après lui, mes goûts sont ringards.

Julien : Et qu'aimez vous au juste?

Jean-Nicolas : Didier Barbeletvieu, Jane Moisson, Michel Saindou et Johnny Holbiday. D'la grande musique quoi!

Julien : Mozart doit l'avoir mauvaise…

Jean-Nicolas : J'sais pas, j'ai jamais vu ses films!

Julien : Ah… Et vous aimez lire?

Jean-Nicolas : Bof… Pas trop…

Julien : Vous avez une préférence parmi les grands classiques?

Jean-Nicolas : J'sais pas… Quoi par exemple?

Julien : Et bien, je ne sais pas… Vous avez lu «Les Misérables »?

Jean-Nicolas : C'est illustré?

Julien : Non!

Jean-Nicolas : Alors non.

Julien : Tintin, vous aimez?

Jean-Nicolas : Ah! Oui! J'ai adoré « Tintin au Congo »?

Julien : J'avoue que ça ne me surprend pas! Tintin et vous, vous vous ressemblez, vous êtes toujours partout à la fois.

Jean-Nicolas : Je vous remercie!

Julien : Ce n'était pas un compliment…

Jean-Nicolas : (Vexé.) Ah… Passons! Bon, où en étions-nous?

Julien : Vous me faisiez la liste de vos conseillers.

Jean-Nicolas : Ah! Oui! C'est vrai! Alors euh… Où j'en étais… Ah! Oui! Le conseiller en photogénie, le conseiller en sourire factice et enfin le conseiller… (Il réfléchit un instant.) Ah c'est pas vrai! Je l'oublie tout le temps celui-ci! Ah! Le conseiller en politique!

Julien : C'est surprenant que vous l'ayez oublié celui-là…

Jean-Nicolas : Oui, je sais pas pourquoi, je l'oublie tout le temps!

Julien : Pour en revenir aux questions, les socialistes n'ont pas encore choisi leur candidat pour la présidentielle. Y a-t-il parmi eux quelqu'un qui vous semble être un adversaire plus sérieux?

Jean-Nicolas : J'pense qu'il faut prendre tout l'monde au sérieux!

Julien : Les derniers sondages semblent indiquer que le choix se portera sur Agrippine Raynal, qu'en pensez-vous? 

Jean-Nicolas : J'pense pas qu'ça soit à moi de dire qui s'ra le mieux placé pour m'battre. C'est leur problème à eux. Parlons plutôt d'moi, mon projet, mes idées!

Julien : Si vous y tenez!

Jean-Nicolas : Merci!

Julien : Ne me remerciez pas, pas tout de suite! En misant tout sur la peur et l'insécurité, n'avez-vous pas l'impression de marcher sur les terres de l'extrême droite?

Jean-Nicolas : Alors vous, vous manquez pas d'air! Ce sont les médias qui se limitent à cet aspect d'ma candidature!

Julien : Oui… Je crois comprendre que vous n'aimez pas beaucoup les journalistes…

Jean-Nicolas : Mais pas du tout! Il y a beaucoup de journalistes que j'apprécie!

Julien : Même ceux qui ne travaillent pas au Figaro ou sur la première chaine?

Jean-Nicolas : Mais bien sûr, par exemple cette charmante Marion Noclin que j'ai rencontrée tout à l'heure.

Julien : Je ne suis guère surpris!

Jean-Nicolas : Je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire par là! (Le portable de Jean-Nicolas sonne pour signaler un message.) Ah! Excusez-moi!

Jean-Nicolas regarde son téléphone et pianote à nouveau sur le clavier.

Julien : Vous semblez très demandé!

Jean-Nicolas : (Continuant de tapoter le clavier du téléphone.) Oui, vous n'imaginez pas à quel point!

Julien : Oh je crois que si… On doit avoir beaucoup de nouveaux amis dans ce genre de circonstance!

Jean-Nicolas : (Écrivant toujours son sms.) En effet! Même ceux sur qui j'ai pu dire les pires saloperies!

Julien : C'est bon de se savoir entourer par des êtres aimants…

Jean-Nicolas : (Ne comprenant pas l'ironie.) C'est bien vrai! (Il y a un court instant de silence, durant lequel Jean-Nicolas termine de tapoter le clavier de son téléphone.) Voilà! C'était un animateur de télévision qui tenait à m'apporter son soutient! Mais revenons-en à notre discussion! Les journalistes! Bien sûr que je les aime! Mais je n'ai pas compris votre remarque sur madame Noclin, elle semble pourtant très professionnelle!

Julien : C'est vrai, elle l'est! Quand il s'agit de caresser dans le sens du poil… À tel point, qu'on devrait la qualifier de shampouineuse.

Jean-Nicolas : Et bien, vous avez la dent dure!

Julien : Je comprends que ça vous choque, vous avez des choses en commun.

Jean-Nicolas : Comme quoi?

Julien : Elle aussi c'est une obsédée de la promotion.

Jean-Nicolas : (Il rit.) Ah ce que vous êtes amusant!

Julien : Je suis surpris que vous preniez ça aussi bien!

Jean-Nicolas : C'est le Valium qui fait effet!

Julien : Donc votre sens de l'humour tient dans une gélule?

Jean-Nicolas : On peut dire ça comme ça, oui!

Julien : Tant mieux, vous en aurez sûrement besoin, j'ai d'autres questions à vous poser.

Jean-Nicolas : Oui, je vous écoute?

Julien : Beaucoup de gens vous reprochent votre langage et les mots que vous employez, comme l'utilisation du mot « racaille » par exemple. Qu'en pensez-vous?

Jean-Nicolas : Et bien je comprends pas qu'on me reproche de parler comme les français l'font!

Julien : Je doute que les français parlent de la sorte…

Jean-Nicolas : Ah, mais c'est parce que vous êtes en dehors des réalités! J'sais comment ils parlent les français! Moi je les ai beaucoup côtoyés!

Julien : À Neuilly?

Jean-Nicolas : Mais oui, les habitants de Neuilly sont des français comme les autres, ils parlent comme tout le monde.

Julien : Vous les avez probablement confondus avec leurs domestiques…

Jean-Nicolas : (Serrant les dents.) Amusant…

Julien : J'aimerais vous poser quelques questions sur l'actuel président de la république. On dit dans la sphère médiatique, que vous le surnommez le vieux, est-ce vrai?

Jean-Nicolas : Mais pas du tout! Je me permettrais pas! C'est encore des calomnies propagées par certains d'vos confrères. J'ai beaucoup trop de respect pour le président d'la république, pour tenir de tels propos!

Julien : Si vous le respectez à ce point, pourquoi ne pas avoir attendu son éventuelle candidature avant de prononcer la votre?

Jean-Nicolas : Et bien je pense que je propose une alternative, j'incarne la rupture, une rupture tranquille, mais une rupture quand même!

Julien : Bien… Concernant toujours l'actuel président de la république. Ce n'est un secret pour personne, il est soupçonné dans diverses affaires, pensez-vous qu'il devra se présenter devant la justice après avoir quitté le pouvoir?

Jean-Nicolas : Ècoutez, à titre personnel, je ne le souhaite pas, le président de la république a servi son pays avec courage et honneur, nous lui devons beaucoup. Après tant d'années données au peuple français, qui l'apprécie, j'estime qu'il a le droit à la paix. Mais vous comprendrez que je ne peux m'exprimer plus à ce sujet.

Julien : Evidement… Pour changer de sujet justement… Depuis que vous vous êtes déclaré candidat, votre femme semble prendre des distances, quel rôle jouera-t-elle dans la campagne?

Jean-Nicolas : (Il est agacé et est pris de tics nerveux de plus en plus fréquents.) Il est évident qu'elle me soutiendra, je n'ai aucun doute à avoir là-dessus! (Il secoue le bras et en profite pour regarder sa montre.) Bon! Je vois que le temps passe, je vais devoir mettre fin à notre entretien. J'ai encore beaucoup de travail qui m'attend!

Julien : Jolie montre.

Jean-Nicolas : (Exposant fièrement sa montre luxueuse.) N'est-ce pas? On peut dire que j'ai pas raté ma vie!

Julien : (Se levant.) Avec l'argent du contribuable…

Jean-Nicolas : (Se levant à son tour.) Pardon?

Julien : Je disais, c'est indéniable!

Jean-Nicolas : Ah! Bon, et bien ce petit entretien était intéressant, je suppose qu'on se reverra durant la campagne. Je vous inviterai sûrement à certains évènements.

Julien : C'est trop aimable. Au revoir.

Ils se serrent la main. Julien sort de la pièce.

Jean-Nicolas : P'tit con!

Jean-Nicolas recommence à pianoter sur son téléphone portable. Après un instant, Henri Jaino revient.

 

Henri Jaino : Alors? Ça s'est bien passé?

Jean-Nicolas : J'ai survécu…

Henri Jaino : Qu'en as-tu pensé?

Jean-Nicolas : C'est un sale petit gauchiste! Je préfère la petite là!

Henri Jaino : Marion Noclin?

Jean-Nicolas : Oui. Elle ira loin!

Henri Jaino : Tu sais qu'ils ont été ensemble?

Jean-Nicolas : Qui ça?!

Henri Jaino : Elle et le gauchiste!

Jean-Nicolas : Bordel! Tu t'fous de moi?!

Henri Jaino : Non, non! Je t'assure!

Jean-Nicolas : Ça peut nous servir?

Henri Jaino : Possible…

Fin de l'acte.

ACTE 2 : Raynal entre en piste

 

La scène est dans le noir complet.

 

Narrateur : Alors que Zarosky part à la rencontre des électeurs et des gogos, ce qui n'est pas forcément incompatible, les socialistes viennent tout juste de choisir leur candidate, Agrippine Raynal. Candidate semblant sponsorisée par « Émail diamant », tant son sourire efface son programme. Sorte de mélange entre une instit catho et un gourou de secte, elle prend un air béat à chaque discours comme si la vierge lui apparaissait. Cette image de Sœur sourire n'est là que pour les caméras, masquant son vrai visage, celui d'une mère fouettarde.

 

La lumière revient, Il n'y a personne sur scène.

Agrippine : (Au loin.) Oh oui! Oh oui! Fais grimper! Fais grimper! Fais grimper mes sondages! Une bonne cote! Une bonne cote!

Le téléphone sonne.

Agrippine : Allez répondre Martin!

Martin : Oui maitresse!

Après un instant, Martin entre dans la pièce, il sort de la salle d’autorité. Il porte un caleçon, il a une sorte de collier de chien autour du cou avec une laisse qui traine sur le sol. Il se dirige vers le bureau en enfilant ses lunettes. Il répond au téléphone.

Martin : Allo? Oui… Oui! Madame Raynal, votre rendez-vous est arrivé!

Agrippine : (Criant.) Rendez-vous? Quel rendez-vous?!

Agrippine sort de la salle d'autorité en tenue sado-maso, une cravache à la main.

Martin : Madame Noclin…

Agrippine : (Se dirigeant vers Martin.) Quoi?! Poussez-vous Martin!

Martin : (Il s'écarte rapidement.) Oui, Maitresse!

Agrippine : (Elle prend le combiné après avoir posé la cravache sur le bureau.) Allo? Faites la patienter un moment! (Elle raccroche.) Martin!

Martin : (Réajustant les lunettes sur son nez.) Oui, Maitresse?

Agrippine : Madame! Martin, madame! On a fini de jouer pour l'instant!

Martin : Bien maitresse! (Agrippine lève la main pour gifler Martin. Martin se protège le visage.)

Madame! Madame!

Agrippine : Voilà qui est mieux! Bon! Venons-en au cœur du problème! Vous vous êtes encore trompé dans les plannings!! Vous ne faites pas preuve de sériositude!

Martin : Excusez-moi madame!

Agrippine : J'ai pourtant été claire il me semble! Mais visiblement pas assez pour votre misérable tête de linotte!!  Alors je vous le répète une dernière fois! Le lundi c'est déplacement sur le terrain, le mardi c'est coaching, le mercredi c'est serrages de mains, le jeudi c'est interviews, et le vendredi?

Martin : Le jour du poisson?

Agrippine : Oui… Mais pas seulement! Le vendredi c'est aussi séance d'autorité! Et quel jour sommes-nous Martin?

Martin : Euh… Vendredi…

Agrippine : Bien! Et le samedi c'est?

Martin : Raviolis?

Agrippine : Repos! Martin! Repos!

Martin : Ah oui! Repos!

Agrippine : Bien! Le dimanche?

Martin : La messe!

Agrippine : Bon! Ça commence à rentrer! Allez vous habiller maintenant!

Martin retourne dans la salle d'autorité. Agrippine enfile un long imperméable, qu'elle prend sur le porte-manteau, pour cacher sa tenue. Elle décroche le téléphone, puis appuie sur une touche.

Agrippine : Vous pouvez faire entrer madame Noclin.

Agrippine raccroche. Après un instant on frappe à la porte.

Agrippine : (D'un ton sec.) Entrez!

Marion entre dans la pièce. Agrippine se lève.

Agrippine : (Serrant la main de Marion.) Bonjour!

Marion : Bonjour.

Agrippine : Installez-vous!

Marion : (Elle s'assoit.) Merci.

Agrippine : (Elle s'assoit à son tour.) Excusez-moi pour l'attente, mon assistant est un incompétent!

Marion : Ce n'est rien!

Agrippine : (Elle crie, ce qui fait sursauter Marion.) Martin!

Martin arrive dans la pièce, il porte une chemise et un pantalon, sa chemise dépasse de la braguette et il porte toujours le collier pour chien.

 

Agrippine : (Embarrassée.) Mais enfin Martin! Qu'est-ce que c'est que cette tenue?! (Martin se regarde et ne sait pas quoi dire.) Allez chercher du café! Et arrangez-vous un peu je vous prie! On n'est pas au zoo!

Martin : Oui, maitresse! (Embarrassé.) Pardon… Madame!

Martin sort d'un pas précipité vers la sortie menant à l'accueil du QG.

Agrippine : Excusez-le, ce pauvre petit est atteint de débilité congénitale! Mais comme je sais avoir du cœur, je lui ai offert une seconde chance en le prenant sous mon aile.

Marion : C'est vraiment très gentil de votre part.

Agrippine : Oh vous savez, il faut savoir faire preuve de tolérance. Même pour ce genre de cas désespéré!

Marion : Vous avez raison!

Agrippine : Bon, et bien je ne pense pas que vous soyez venue pour ça…

Marion : Non, j'aimerais seulement faire le point, pour l'interview que je dois mener avec vous la semaine prochaine. J'aime discuter du contenu de l'émission à l'avance.

Agrippine : C'est aimable à vous.

Marion : C'est bien normal, mon temps d'antenne étant assez court, j'aime me concentrer sur l'essentiel.

Agrippine : J'écoute parfois votre émission, je ne comprends pas pourquoi on ne vous accorde pas plus de temps.

Marion : Hélas, je dois faire avec.

Agrippine : Oui. Et bien je vous écoute!

Marion : (Ravie.) Merci, c'est gentil à vous!

Agrippine : (Stricte.) C'est maintenant que je vous écoute!

Marion : Ah! Pardonnez-moi! Merci! (Elle regarde la cravache sur le bureau.) Vous faites de l'équitation?

Agrippine : (Ne comprenant pas.) Je vous demande pardon?!

Marion : Je vois que vous avez une cravache, vous faites de l'équitation?

Agrippine : (Gênée.) Ah… Euh oui! C'est tout récent!

Marion : Comment s'appelle le cheval?

Agrippine : (Embarrassée.) Le cheval?

Marion : Oui, son nom.

Agrippine : (Elle cherche un instant.) Ah! Bravitude!

Marion : C'est joli! C'est original!

Agrippine : C'est normal, j'ai trouvé ça toute seule! Bon, oublions les chevaux et revenons en à nos moutons!

Marion : (Perdue.) Moutons?

Agrippine : Quoi? Vous avez une question sur les électeurs?

Marion : Ah! Oh non, excusez-moi, j'avais perdu le fil de la conversation.

Agrippine : Je vous en prie.

Marion : Merci… (Pressée de passer à autre chose.) Donc, notre interview de la semaine prochaine, j'ai préparé les sujets que j'aimerais aborder avec vous.

Agrippine : Je peux les connaître?

Marion : Mais bien évidement! (Marion sort de son sac un téléphone portable qu’elle pose sur le bureau, puis un bloc-notes qu’elle parcourt un instant.) Je comptais aborder l'histoire dont on parle beaucoup en ce moment…  Au sujet de cette personne qui vous accuse de harcèlement moral…

Agrippine : C'est ridicule! (Martin revient, il a retiré le collier de chien et est habillé correctement. Il apporte deux tasses de café, qu'il sert à Marion et Agrippine.) Ce n'est pas trop tôt Martin! Vous avez moulu le café au casse-noix?!

Martin : Non madame! Excusez-moi!

 

Marion : Merci.

Martin commence à se diriger vers la sortie, Agrippine boit une gorgée de café.

Agrippine : (Calmement.) Martin?

Martin : Oui madame?

Agrippine : Qu'est-ce que c'est que ça?!

Martin : Du café madame!

Agrippine : Je vois bien que c'est du café! Est-ce que je prends du sucre avec mon café?!

Martin : Non madame…

Agrippine : (Colérique.) Dans ce cas, pouvez-vous m'expliquer pourquoi il est sucré? J'imagine que non! Vous êtes vraiment bon à rien mon pauvre Martin! Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de vous?! Bon, pour la peine, allez faire le ménage dans la salle d'autorité!

Martin : Oui madame! Tout de suite madame!

Martin part dans la salle d'autorité.

Agrippine : Où en étions-nous? Ah! Oui! Cette histoire de harcèlement! C'est tout simplement ridicule! Je me demande où ils vont chercher tout ça!

Marion : Oui, c'est ce que je me demande aussi…

Agrippine : C'est un coup de Zarosky et de sa bande! Ils ne savent plus quoi faire pour me déstabiliser!

Marion : Et vous allez riposter?

Agrippine : Bien sûr! Je ne vais pas me laisser piétiner par ce nain de jardin en « Ray-Ban »!

Marion : J'imagine que non.

Agrippine : Non mais franchement! Vous l'avez bien regardé? Qui voudrait d'un culbuto comme président? Je vous le demande!

Marion : Vous n'avez pas l'air de beaucoup l'estimer.

Agrippine : Ça se voit tant que ça?!

Marion : Un peu.

Agrippine : Martin! (Martin accourt rapidement.) Prenez note je vous prie! (Martin sort un carnet.) « Parler de Zarosky avec plus de tact. » (Martin note, puis reste planté un instant.) C'est bon, vous pouvez disposer et retourner à vos occupations!

Martin : Bien madame!

Martin retourne dans la salle d'autorité.

 

Agrippine : Alors, parlez-moi un peu de cette interview.

Marion : Oui! Et bien déjà, il faudra exposer les principaux points du programme socialiste.

Agrippine : Le programme socialiste?! Et le mien alors?!

Marion : Le votre?

Agrippine : Oui! Le mien!

Marion : Ce n'est pas le même?!

Agrippine : Ah non!

Marion : Ah… Le votre c'est quoi?

Agrippine : Bah c'est le mien!

Marion : Oui… Alors il n'est pas socialiste?

Agrippine : Qui?

Marion : Votre programme!

Agrippine : Lequel?! Le mien ou celui des socialistes?!

Marion : Le votre!

Agrippine : Non! Celui des socialistes non plus d'ailleurs…

Marion : (Un peu perdue.) Ah… Concrètement, quelle est la différence entre les deux?

Agrippine : Le mien, c'est celui que je porte. Celui des socialistes, c'est celui que je me traine.

Marion : Ah…

Agrippine : Enfin, tout ça c'est un peu complexe.

Marion : J'ai l'impression, oui…

Agrippine : Ah c'est ça la politique, j'imagine que ça doit pas être facile à comprendre pour une simple journaliste.

Marion : (Vexée.) En effet…

Agrippine : Enfin bon! Je vais essayer de ne pas être trop technique pour répondre à vos prochaines questions!

Marion : Merci à vous… Quels sont les points de votre programme que vous voulez aborder durant l'interview?

Agrippine : La démocratie participative, ça me tient à cœur! C'est l'argument principal de mon programme!

Marion : Très bien, en quoi ça consiste?

Agrippine : C'est très simple et c'est novateur! En gros, c'est une démocratie et les gens participent!

Marion : Oui… Et?

Agrippine : Je n'ai pas été assez claire?! Bon! Alors pour faire simple, prenons l'élection présidentielle. L'électeur a le choix entre plusieurs programmes, pourtant il a parfois le sentiment que sa décision est limitée. Vous me suivez pour le moment?

Marion : Oui, parfaitement.

Agrippine : Bon, et bien, c'est là que la démocratie participative fait toute la différence. Avec cette brillante idée qui m'est venue, vous donnez la parole aux gens, vous les écoutez.

Marion : Et vous construisez un programme en conséquence, c'est ça?

Agrippine : Ah non, pas du tout!

Marion : Mais alors quel est l'intérêt?

Agrippine : C'est pourtant simple, s'ils ont le sentiment d'être écoutés, ils se sentent utiles, donc ils n'ont aucune raison de se rebiffer ou de contester.

Marion : (Perplexe.) Ah… C'est ingénieux…

Agrippine : N'est-ce pas? Quand je vous disais que c'était novateur!

Marion : En effet… Mais vous devriez nuancer vos propos, ça pourrait faire peur…

Agrippine : Ah… Martin!

Martin revient aussitôt.

Martin : Oui madame!

Agrippine : Prenez note : « Ne pas oublier que les électeurs sont moins bêtes qu'ils en ont l'air. » Merci Martin. (Martin continue d'écrire, Agrippine le regarde.) Vous avez terminé? Martin?! Martin! C'est fini! Martin je vous parle! Martin!!!

Martin : (Il finit par lever la tête.) Oui madame?

Agrippine : Où en êtes-vous?

Martin : (Il lit ses notes.) J'en suis à « Vous avez terminé? Martin?! Martin! C'est fini! »

Agrippine : (Agacée.) Martin c'est fini!

Martin : (Sûr de lui.) Vous l'avez déjà dit madame!

Agrippine : (Haussant le ton.) Martin! Vous pouvez arrêter d'écrire!

Martin : (Se sentant bête.) Ah! Pardon madame!

Agrippine : (Lassée.)  Bon allez, dégagez!

Martin : Bien madame, tout de suite madame!

Martin quitte la pièce.

Agrippine : Bon! En ce qui concerne mon programme, je tiens à aborder un autre sujet important!

Marion : Oui?

Agrippine : Les camps de redressements militaires pour jeunes délinquants!

Marion : Est-ce en réponse au programme de Zarosky?

Agrippine : Tout à fait, je ne voudrais pas qu'on pense qu'il est le seul à avoir des réponses en termes de sécurité!

Marion : Je comprends.

Agrippine : Je n'ai pas terminé!

Marion : Excusez-moi…

Agrippine : Je veux être la candidate de l'ordre ordonné et de la justice juste!

Marion : Ce n'est pas ce que veut monsieur Zarosky selon vous?

Agrippine : Bien sûr que non, lui, il veut diviser pour mieux régner, moi je propose un pacte aux français!

Marion : Un pacte?

Agrippine : (Fière.) Oui, le donnant-donnant!

Marion : Qu'est-ce que c'est?

Agrippine : (Comme si c'était une évidence.) C'est du gagnant-gagnant!

Marion : Oui… Et?

Agrippine : Je suis encore trop technique? Bon et bien c'est un pacte basé sur les droits et les devoirs de chaque français, qui s'appuie sur les valeurs auxquelles je crois.

Marion : Et qu'en pensent les socialistes?

Agrippine : Ils n'ont pas à penser, ils n'ont qu'à suivre.

Marion : Si je vous pose cette question, c'est que certains électeurs ne vous estiment pas assez à gauche pour les représenter.

Agrippine : (En colère.) Comment? Mais c'est absurde! Comment pouvez-vous déclarer une chose pareille?!

Marion : (Gênée.) Excusez-moi, je ne fais que vous rapporter ce que j'ai pu entendre d'ici de là!

Agrippine : Merde! (Marion est surprise par cette soudaine vulgarité.) Excusez-moi! Martin! Martin bon dieu! Magnez-vous!

Martin arrive en courant, un plumeau à la main.

Martin : Oui madame?! Que se passe-t-il?

Agrippine : Des gens se sont rendus compte que je n'étais pas de gauche! Qu'est-ce que vous avez encore fait de travers?!

Martin : Mais rien madame!!

Agrippine : Y a pas un bug sur le site de notre mouvement?!

Martin : (Se souvenant d'un détail.) Ah mince!

Agrippine : Quoi que se passe t-il?

Martin : (Embarrassé.) J'avais oublié de vous le signaler…

Agrippine : (Agacée.) Quoi donc?! Accouchez bon sang!

Martin : Et bien en fait, des petits malins ont piraté le site hier, et l'ont renommé « Désir du pire! »

Agrippine : (Se levant.) Quoi?!

Martin : Mais c'est réparé maintenant!

Pendant ce temps Marion boit son café en se faisant toute petite.

Agrippine : J'espère bien! On sait qui a fait ça?!

Martin : Non madame…

Agrippine : (Se rasseyant.) Je suis sûre que c'est un coup des jeunes de droite!

Martin : Ça existe les jeunes de droite?!

Agrippine : Mais bien sûr Martin! Ils parlent comme des vieux cons et sont habillés comme en 1970, mais ils existent! Et nos jeunes à nous ils font quoi?

Martin : Ils dépriment!

Agrippine : Quoi?! Mais pourquoi?!

Martin : Parce qu'eux ils sont vraiment jeunes, dans un parti dirigé par de vieux éléphants séniles, qui ne savent plus rien des réalités de la vie.

Agrippine se lève brusquement, prend la cravache et frappe Martin.

Agrippine : Vous n'avez pas honte?!

Marion regarde Agrippine avec stupéfaction. Agrippine tourne ensuite la tête vers Marion qui détourne le regard et fait comme ci elle n'avait rien vu.

Martin : Mais madame! Me frappez pas, je ne fais que répéter ce que j'ai entendu dans la bouche d'un de nos jeunes militants!

Agrippine : (Menaçant Martin avec la cravache.) Vous avez son nom?!

Martin : Oui madame…

Agrippine : Vous me le donnerez, on l'inscrira dans la liste des contrôles fiscaux si je suis élue!

Martin : Oui madame!

Agrippine : Vous pouvez disposer Martin!

Martin : Tout de suite madame!

Martin retourne dans la salle d'autorité.

 

Agrippine : Vous voyez à quoi je dois faire face?

Marion : Oui… Ça n'a pas l'air facile à gérer…

Agrippine se rassoit et pose la cravache sur le bureau.

 

Agrippine : Je ne vous le fais pas dire! Je sais que ce n'est pas votre rôle, mais puis-je vous demander votre avis sur certaines choses?

Marion : Bien sûr, de quoi s'agit-il?

Agrippine : Vous avez dit qu'on ne me trouve pas assez à gauche, vous n'avez pas des idées pour que j'ai l'air de l'être un peu plus?

Marion : Et bien c'est délicat…

Agrippine : N'ayez pas peur, je suis prête à tout entendre!

Marion : Bien…

Agrippine : Merci!

Marion : Vous devriez aller plus à la rencontre des gens, donner le sentiment d'être plus proche d'eux.

Agrippine : Oui…

Marion : Et si je puis me permettre…

Agrippine : Oui?

Marion : Vous devriez sourire plus naturellement…

Agrippine : (Faisant un sourire crispé.) Comme ça? 

Marion : Peut-être un peu plus joyeux…

Agrippine : (Faisant un sourire excessif.) Comme ça alors?

Marion : Non, là c'est un peu effrayant. Atténué peut-être?

Agrippine : (Un sourire ne laissant voir que les dents du haut.) Et là?

Marion : Non… Le mieux serait peut-être un sourire plus simple, sans montrer les dents.

Agrippine : Ah non pas question! Je les ai fait refaire exprès pour la campagne! Faut que je les montre!

Marion : Ah… Dans ce cas, je ne sais pas trop quels conseils vous donner…

Agrippine : Bon… Tant pis, merci quand même.

Marion : Je vous en prie!

Court instant de silence.

Agrippine : Bon, vous voulez savoir d'autres choses? Parce que sans vouloir être impolie, j'ai encore du travail qui m'attend…

Marion : Une dernière, ensuite je pense que ça ira.

Agrippine : Très bien, je vous écoute.

Marion : Voilà, votre mari étant premier secrétaire du parti, je me demandais si vous vouliez parler un peu de lui?

Agrippine : Non, je n'aime autant pas pour être franche!

Marion : Bien, je comprends…

Agrippine : Je vous remercie.

Marion : Bon, et bien je pense savoir toutes les choses dont j'avais besoin. Je vais vous laisser travailler!

Agrippine : Merci! J'ai des courbes à redresser!

Agrippine et Marion se lèvent, les deux femmes se serrent la main.

 

Marion : Merci de m'avoir donné un peu de votre temps.

Agrippine : De rien, merci pour vos conseils, je saurai m'en souvenir.

Marion : De rien. Au revoir. Et bon courage.

Agrippine : Merci, à vous aussi.

Marion quitte la salle par la porte menant à l'accueil du QG. Agrippine retire son imperméable, le jette à terre aussitôt et prend la cravache sur le bureau. Elle commence à se diriger vers la salle d'autorité, on frappe à la porte d'entrée, Marion entre aussitôt.

 

Marion : Excusez-moi, j'ai oublié mon… (Elle est surprise de voir Agrippine dans cette tenue.)

Agrippine reste plantée un instant sans rien dire, les deux femmes sont gênées.

Agrippine : Excusez ma tenue, mon mari a des penchants bien particuliers et il doit me rendre visite sous peu!

Marion : (Très gênée.) Je comprends… Je suis désolée! Je n'aurais pas dû entrer comme ça! Je prends mon portable et je pars aussitôt!

Agrippine : (D'un ton digne.) Mais je vous en prie.

Marion : (Allant rapidement reprendre son téléphone sur le bureau.) Merci.

Agrippine : J'apprécierais beaucoup si vous pouviez rester discrète à ce sujet…

Marion : Vous pouvez compter sur moi!

Agrippine : Merci!

Marion : Et bien, bonne journée?

Agrippine : Oui, à vous aussi, merci!

Marion quitte la pièce.

Agrippine : Martin!

Martin : Oui madame?

Agrippine : À poil! On a du pain sur la planche!

Fin de l'acte.

 

 

ACTE 3 : Droite, gauche, droite, gauche…

 

Dans cet acte la scène est divisée en deux parties, avec à gauche Agrippine et Martin, puis à droite Jean-Nicolas et Henri Jaino.  L'acte commence avec la scène plongée dans le noir.

Narrateur : La campagne est lancée, les coups bas et les manipulations vont bons trains. Les médias mettent en avant Agrippine et Jean-Nicolas, qui font tout et n'importe quoi pour attirer les objectifs. Agrippine croit en ses chances après quelques sondages en sa faveur. De son côté Jean-Nicolas se démène pour faire oublier son récent divorce.

L'acte débute du côté de Jean-Nicolas où la scène s'éclaire, il est nerveux et s'agite dans tous les sens en faisant les cent pas, Henri Jaino entre dans la pièce.

 

Henri Jaino : Bonjour Jean-Nicolas.

Jean-Nicolas : (Faisant toujours les cent pas.) Salut…

Henri Jaino : Ça ne va pas?!

Jean-Nicolas : (S'arrêtant de marcher.) Ah ça non alors! Pas du tout!

Henri Jaino : Que se passe t-il?

Jean-Nicolas : J'ai convoqué un journaliste! Tu sais celui qu'on a reçu à l'époque où j'me suis déclaré candidat, le gauchiste du site à la con là!

Henri Jaino : Julien Lemard?

Jean-Nicolas : Oui! C'est ça, voilà! Je lui ai d'mandé d'venir aujourd'hui! J'ai deux mots à lui dire!

Henri Jaino : Ah… Au sujet de son dernier article?

Jean-Nicolas : Evidement! Il va m'entendre!! Non mais, pour qui y s'prend c'petit con?!

Henri Jaino : Et c'est pour ça que tu es si nerveux?

Jean-Nicolas : Non, ça c'est à cause de cette garce d'Agrippine Raynal! Elle va finir par m'donner des calculs cette saloperie! Tu sais ce que c'est, quand j'suis nerveux ça m'donne envie d'pisser!

Henri Jaino : Oui… Et bien écoute, vas-y, ne reste pas dans cet état!

Jean-Nicolas : J'y vais! Mais l'autre là, y va m'entendre! Et cette pourriture d'Agrippine qui enfonce le clou!!! (Sortant de la pièce.) Non mais quelle bande d'enculés!!!

La lumière revient du côté d'Agrippine, L'acte se poursuit avec elle. Agrippine est assise devant son bureau, Martin est debout près d'elle.

Agrippine : Martin, vous remontez dans mon estime! C'était une merveilleuse idée de qualifier Zarosky de gamin pourri gâté et irresponsable!

Martin : Merci madame! Mais ce n'est pas de moi…

Agrippine : Je me disais aussi…

Martin : Je l'ai juste lu dans un article!

Agrippine : (Exaspérée.) Martin! Vous me décevez! Je vous demande de penser est-ce trop vous demander?! Moi je ne peux pas tout faire! Je dois déjà penser à sourire et avoir l'air sympathique! Ça me prend tout mon temps!

Martin : Je suis vraiment désolé madame! J'ignorais que vous reprendriez cette phrase en public…

Agrippine : Maintenant tout le monde va croire que je ne peux pas faire des phrases toute seule!

Martin : Je ferai plus attention maintenant!

Agrippine : Vous avez intérêt!  Enfin… Voyons les choses du bon côté, ça doit quand même bien agacer Zarosky cette histoire! Et ça, ça me donne du baume au cœur! J'aurais presque envie de vous faire la bise!

Martin : (Flatté.) Mais je vous en prie!

Agrippine : (Froidement.) J'ai dit presque Martin!

Martin : (Embarrassé.) Ah…

Retour du côté de Zarosky. Il revient dans la salle.

 

Jean-Nicolas : Ah! Ça va mieux! J'vais pouvoir me r'mettre au boulot!

Jean-Nicolas s'assoit devant le bureau où se trouve un petit cahier.

Henri Jaino : Sur quoi tu travailles?

Jean-Nicolas : (Fier.) Mon gouvernement!

Henri Jaino : Mais! Tu n'es pas encore élu tu sais?

Jean-Nicolas : (Agacé.) Et alors?! Ce n'est qu'une question d'temps! Non?

Henri Jaino : Mais tu devrais peut-être travailler sur d'autres choses, par exemple on doit encore faire le point sur tes soutiens dans la campagne!

Jean-Nicolas : (Il se lève avec mécontentement.) Après! D'abord je veux faire mon gouvernement! (Se mettant à trépigner en sautant à pieds joints.) Je veux l’faire! Je l'ferai!

Henri Jaino : Écoute Jean-Nicolas! Je vois bien que tu t'enfermes dans le boulot pour oublier le départ de Célia, mais fait gaffe! Tu vas nous faire un malaise vagal! 

Jean-Nicolas : Mais j'pète la forme! C'est pas un divorce, un journaliste hargneux, et une candidate coincée du cul qui vont m'arrêter! Mais n'empêche… (Il reste un instant sans rien dire, puis va pleurer dans les bras d'Henri Jaino.) Pourquoi elle m'a quitté?!

Henri Jaino tapote le dos de Jean-Nicolas d'un air embarrassé. L'action revient du côté d'Agrippine.

 

Agrippine : Ah je suis fière tout de même!

Martin : Pourquoi madame?

Agrippine : (Exaltée.) Parce qu'avec cette petite phrase, il doit l'avoir mauvaise le Zarosky! On lui a niqué sa race! Il doit pleurer sa mère!

Martin : (Choqué.) Mais qu'est-ce qui vous prend madame?!

Agrippine : Et bien j'essaie de parler jeune! Ça ne se voit pas?!

Martin : Ah…

Agrippine : Quoi?! Ce n’est pas comme ça qu'ils parlent les jeunes?!

Martin : Je ne pense pas, non…

Agrippine : Qu'est-ce que vous en savez Martin?! Ça fait longtemps que vous n'êtes plus jeune après tout…

Martin : Sans doute…

Agrippine : Quel âge avez-vous d'ailleurs?

Martin : Et bien, j'ai 26 ans madame.

Agrippine : Quoi?! Mais ça ne va pas du tout ça!

Martin : Pourquoi madame?!

Agrippine : Il va falloir faire des efforts Martin! Je vous donnais quinze ans de plus!

Martin : (Vexé.) Ah… Désolé…

Agrippine : Vous me rappelez mon mari… ça fait des mois que je lui dis de faire un régime. J'ai beau le lui dire, il ne comprend pas qu'il fait tache, sur les photos de nous dans Paris Match!

Martin : Peut-être qu'il pense simplement que ce n'est pas l'essentiel.

Agrippine : Mais bien sur que si! C'est essentiel! L'image, c'est important! Regardez, Zarosky qui fait son footing en short pour montrer ses mollets! C'est de l'image! Si ça fait vendre du papier, c'est que ça plait à l'électeur! Mon pauvre Martin… Vous avez encore beaucoup à apprendre!

Martin : (Blasé.) Oui, madame…

Agrippine : Enfin bon, je veux bien admettre que même si mon mari fait un régime, ça ne m'aidera pas beaucoup. Il faut voir la vérité en face, il a autant de classe qu'un pot de yaourt avarié. Qui va faire confiance à la crémière dans ces conditions?

Martin : La crémière?!

Agrippine : (Exaspérée.) Oh Martin…

Retour du côté de Zarosky. Jean-Nicolas quitte les bras d'Henri Jaino et respire un grand coup.

 

Jean-Nicolas : Bon! Il faut que je me ressaisisse! Il va pas se faire tout seul mon gouvernement!

Jean-Nicolas se dirige vers le bureau et s'assoit devant le cahier.

 

Henri Jaino : Ça avance comment?

Jean-Nicolas : Oh, je viens de m'y mettre, j'ai seulement quelques idées en tête.

Henri Jaino : T'as des préférences pour ce qui est du premier ministre.

Jean-Nicolas : Oui, j'ai bien envie de choisir François Fuillon!

Henri Jaino : (Surpris.) T'es sûr?

Jean-Nicolas : Pourquoi? T'es pas convaincu?

Henri Jaino : Il fait un peu croque-mort, à moins d'avoir quelqu'un à enterrer, je vois pas l'intérêt! Il est plus sinistre que ministre!

Jean-Nicolas : Oh! Comme tu y vas!

Henri Jaino : Tu dois bien reconnaître, que ce gars est plus froid que l'iceberg qui a fait couler le Titanic!

Jean-Nicolas : C'est pas de sa faute! Il est sarthois!

Henri Jaino : Ça n'excuse pas tout!

Jean-Nicolas : Mais il a une qualité indéniable!

Henri Jaino : Laquelle?

Jean-Nicolas : C'est un lèche-bottes! Il saura rester à sa place.

Henri Jaino : C'est vrai que sur ce point, c'est indiscutable!

Jean-Nicolas : Oui, le premier ministre se doit d'être la serpillère sur laquelle le président s'essuie les pieds!

Henri Jaino : Tout à fait!

Jean-Nicolas : Il prendra les coups pour moi sans broncher, c'est idéal!

Henri Jaino : C'est vrai!

Jean-Nicolas : (Avec un large sourire.) Quelle bonne poire ce mec!

Retour du côté d'Agrippine.

Agrippine : Bon, c'est pas le tout! Faudrait peut-être qu'on se mette un peu au boulot Martin!

Martin : Oui madame!

Agrippine : Faisons le point sur le programme de la semaine à venir!

Martin : Bien madame!

Agrippine : Je vous écoute!

Martin : Bien! Alors, lundi, vous devez faire une visite chez Rudex!

Agrippine : C'est quoi ça?!

Martin : Un fabriquant de préservatifs…

Agrippine : Quoi?! Vous voulez que je rende visite à une boite de capotes?!

Martin : (Honteux.)  Désolé…

Agrippine : Non mais vous vous rendez bien compte que pendant ce temps, Zarosky va faire des visites dans des hôpitaux, pour verser une larme aux pieds des mourants?!

Martin : Oui madame…

Agrippine : Bon et bien alors! Ils sont où mes mourants à moi? Ou au pire une maison de retraite avec de vieux grabataires baveux, ça fera l'affaire! Par ce que je vais avoir l'air de quoi moi, avec mes bouts de caoutchouc?

Martin : Je ne sais pas madame…

Agrippine : (Autoritaire.) Je n'ai pas terminé Martin!

Martin : Pardon, madame!

Agrippine : Il faut bien vous rendre compte, que Zarosky va marquer des points là-dessus! y a des licenciements de prévus dans votre boite là?

Martin : Non madame…

Agrippine : Ah! En plus! Mais alors qu'est-ce que vous voulez que j'y foute?! Il me faut des gens dans la merde, comment je fais ma promo sinon?! Alors Martin, vous allez vous arranger pour me trouver ça!

Martin : Oui madame! Je dois annuler cette visite?

Agrippine : Non, J'irai de cinq à sept, trouvez moi juste des malheureux à caser avant.

Martin : Bien madame!

Agrippine : Bon, ensuite?

Martin : Mardi, c'est votre coaching d'expression orale, avec Dominique Besnebard.

Agrippine : Oh… Mais qui a eu l'idée à la con, d'aller chercher un type avec un cheveu sur la langue, pour me faire travailler mon élocution?

Martin : C'est moi madame…

Agrippine : Je me demande pourquoi j'ai posé la question…

Martin : Désolé…

Agrippine : Non mais vous m'imaginez faire une déclaration du genre : (En zozotant.) « Française, français, ze suis la seule représentante d'une gausse sociale et solidaire! » (Parlant de nouveau normalement.) Franchement, ce n’est pas malin!

Martin : (Gêné.) Oui…

Agrippine : Et c'est tout ce que vous trouvez à dire?!

Martin : Oui, madame…

Agrippine : Quel manque de créativité Martin! Continuons!

Martin : Bien! Mercredi, vous devez aller à la rencontre des français sur un marché et aussi faire un passage à la fête du chabichou.

Agrippine : Encore des mains à serrer…

Martin : Oui…

Agrippine : Vous avez renouvelé le stock de lingettes essuie-mains Martin?

Martin : Oui madame!

Agrippine : Tant mieux! Je vais en avoir besoin…

Martin : Oui!

Agrippine : Ah! Pendant que j'y pense, notez ceci : « Penser à manger léger jusqu'à Mercredi. » Ils vont tous vouloir me gaver avec leur chabichou, c'est encore une journée à finir chèvre!

Martin : (Notant.) Bien madame!

Agrippine : Martin…

Martin : Oui madame?

Agrippine : Vous n'aimeriez pas être à ma place, vous n'imaginez pas à quel point c'est éreintant!

Martin : J'imagine…

Agrippine : Je vous dis que non justement! Toutes ces mains à serrer, ces sourires à renvoyer. Et je vous passe tout les crasseux et  les « pue-du-bec » qu'on croise inévitablement parmi la masse.

Martin : On a tous notre fardeau…

Agrippine : (Regardant Martin avec pitié.) Ah! Si seulement j'en avais qu'un…

Retour du côté de Zarosky. Henri Jaino s'approche de Jean-Nicolas et jette un œil sur le cahier.

 

Henri Jaino : (Pointant du doigt un nom sur le cahier.) Tu ne comptes quand même pas le prendre celui-là?

Jean-Nicolas : Non, rassure-toi! Il est dans la liste des indésirables!

Henri Jaino : Je suis rassuré!

Jean-Nicolas : Il est trop proche du vieux, puis il a mouillé dans trop d'affaires louches. C'est plus des casseroles qu'il a au cul, c'est une cuisine équipée! Y a plus que chez « Mobalpa » qu'on voudra de lui!

Henri Jaino : T'as raison, vaut mieux éviter ce genre de boulet.

Jean-Nicolas : Et comment que j'ai raison! On doit avoir l'air clean pour trancher avec le vieux.

Henri Jaino : Puisque tu parles du président, tu ne penses pas qu'il pourrait te causer des soucis à l'avenir?

Jean-Nicolas : Oh non, t'en fais pas! Lui avec ses H.L.M, ses emplois fictifs et tous les autres trucs restés sous le tapis, on le tient par les burnes!

Henri Jaino : Oui, ça ne serait pas dans son intérêt de trop l'ouvrir.

Jean-Nicolas : (Sûr de lui.) Oui, t'en fais pas. J'ai eu sa peau. Enfin… Je réserve quand même les crocs de boucher pour quelques uns de ses amis.

Henri Jaino : Tu ne comptes pas en faire rentrer au gouvernement alors?

Jean-Nicolas : (Avec arrogance.) Non, hors de question. Leur temps est passé, maintenant c'est le mien!

Henri Jaino : Tu peux toujours donner des postes à ceux qui pourraient être trop loquaces en dehors d'un gouvernement.

Jean-Nicolas : À qui tu penses par exemple?

Henri Jaino : Par exemple… Michèle Faillot-Marie!

Jean-Nicolas : Ouais… Mais je vois pas ce que je peux faire d'elle…

Henri Jaino : Je ne sais pas, un truc où on voyage, elle aime les jets privés.

Jean-Nicolas : Pas con! Merci, j'y penserai!

Henri Jaino : De rien. (Il regarde le cahier un instant.) Tiens, je vois que tu as mis Jean-François Toqué dans les indésirables.

Jean-Nicolas : Oui! C'petit morveux pense déjà à m'piquer la place alors que j'suis même pas encore élu!

Henri Jaino : Va falloir l'avoir à l'œil, chaque président a son Brutus!

Jean-Nicolas : Oui, J'en sais quelque chose! J'en serais pas là où j'suis, si j'avais pas allègrement poignardé l'vieux dans l'dos! (Petit instant de silence, durant lequel il regarde le cahier.)  Dis-moi, j'aimerais avoir ton avis sur un truc.

Henri Jaino : Oui?

Jean-Nicolas : Je pensais faire un ministère de la santé et de l'emploi.

Henri Jaino : Réunir ces deux budgets?

Jean-Nicolas : Oui, tout le monde sait que le travail c'est la santé! Du moins, c'est ce que disent mes amis du MEDEF. Mais j'me suis dit que ça faisait trop à gérer pour celui que je voulais y placer.

Henri Jaino : Qui ça?

Jean-Nicolas : Jean-Louis Boiloo.

Henri Jaino : En effet… Puis la santé, pour un mec qui risque la cirrhose, je suis pas sûr que ça parle aux français. Et ça va faire un budget cacahuètes pharamineux en plus! Et un budget cacahuètes, si on veut faire une réforme de la sécu, ça risque de déplaire!

Jean-Nicolas : Oui, t'as raison, j'vais l'mettre au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi alors! On regardera moins à la dépense. Puis ça peut être un plus pour l'emploi, à lui seul il peut relancer la filière viticole!

Henri Jaino : C'est une idée! Mais du coup, tu vas mettre qui à la santé?!

Jean-Nicolas : Ça m'emmerde, mais du coup je vois que Roselyne Bachetot…

Henri Jaino : Ah… En effet, c'est emmerdant…

Jean-Nicolas : Oui, tu la connais… C'est le genre à vouloir prendre la température de tout le monde. Imagine qu'on se retrouve avec un virus! J'te dis pas la psychose avec elle! Enfin, l'avantage, c'est qu'au milieu des caisses de vaccins, on aura pas de mal à la retrouver! Avec les rideaux de douche qui lui servent de robes…

Henri Jaino : Oui, t'as raison, c'est le côté pratique!

Jean-Nicolas : Ah! Faudra aussi que j'trouve un poste à Xavier Fernand! Il est bien lui, il peut pas faire une apparition télé sans taper sur la gauche! Ça va les énerver! Faudra juste qu'il revoit un peu ses arguments… Parce que dire que le réchauffement climatique, c'est à cause d'la réduction du temps de travail, j'suis pas sûr que ça passe…

Henri Jaino : Oui, il a encore besoin d'entrainement. Mais une chose est sûre, c'est un brave toutou aussi celui-ci!

Jean-Nicolas : Ah ça! Il a pas peur de se mouiller pour rapporter la baballe! J'ai même pas à d'mander quoi que ce soit, il prend toujours ma défense. J'pourrais braquer une banque qu'il m'trouverait quand même une excuse. Un brave type!

Henri Jaino : Ah c'est toujours utile d'en avoir un comme ça dans la poche.

Jean-Nicolas : Comme tu dis! Par contre, y'en a d'autres, on s'en passerait…

Henri Jaino : Qui par exemple?

Jean-Nicolas : Christine Bouquetin! J'sais pas quoi foutre de cette vieille bigote! Mais si j'la case pas, j'l'aurai tout le temps dans les pattes pour m'faire des sermons! Tiens quand Célia est partie, c'te vieille folle est arrivée pour m'faire dire des « je vous salue Marie »! (Autoritaire.) J'vais la mettre au logement tiens! Ça l'occupera y a des gens plein les rues!

Henri Jaino : Les pauvres!

Jean-Nicolas : Quoi les pauvres?!

Henri Jaino : Ils ont déjà pas de toit, si en plus ils doivent supporter ça…

Jean-Nicolas : Justement! Ça les motivera! Toute façon, les gens sont pas dupes. Ils comprendront bien vite qu'avec la façade qu'elle se paie, son poste au logement, c'est un vice caché!

Henri Jaino : Oui, il y a des choses qui ne trompent pas!

Jean-Nicolas : Bon, à part ça, je pense mettre Eric Boerth au budget, comptes publics et fonction publique. Par contre faudra l'avoir à l'œil lui!

Henri Jaino : Et pourquoi ça?

Jean-Nicolas : Il a un penchant pour les vieilles séniles toquées aux colliers de perles, et au portefeuille bien rempli. Et pour couronner le tout, il a la légion d'honneur facile!

Henri Jaino : C'est celui qui a une attirance pour les retraités?

Jean-Nicolas : Oui, il les adore! Mais y'en a de trop, il sait plus où donner de la tête… Et pas que de la tête!

Henri Jaino : Si tu veux réformer les retraites, c'est le pigeon idéal!

Jean-Nicolas : Pas con! Il a les motivations pour!

Henri Jaino : T'as un paquet de bonnes idées déjà en tout cas!

Jean-Nicolas : (Content de lui.) Attends! J'ai gardé le meilleur pour la fin!

Henri Jaino : C'est pas vrai?

Jean-Nicolas : Si! Je pense débaucher deux socialistes!

Henri Jaino : Quoi?!

Jean-Nicolas : T'as bien entendu! Eric Tesson et Bernard Koucher! De quoi bien humilier les socialos!

Henri Jaino : Mais qu'est-ce que tu vas faire d'eux?

Jean-Nicolas : Je vais les caser dans des trucs où ils n'auront en réalité aucune influence.  Bon Koucher, je me fais pas trop d'illusions, c'est un expert dans le retournage de veste. Il finira par se tirer. Mais l'autre, c'est du bon! Un arriviste qui reniera sans problèmes ses anciennes idées pour une bonne place! Si tenté qu'il est eu des idées un jour!

Henri Jaino : Tu ne crains pas que ça se retourne contre toi?

Jean-Nicolas : Mais non! T'en fais pas! J'maitrise! Et je t'ai pas encore dit le meilleur!!!

Henri Jaino : Ah?!

Jean-Nicolas : Oui! Je vais faire un ministère de l'immigration avec mon ami Mortevieux à la tête.

Henri Jaino : Mais ça ne passera jamais!

Jean-Nicolas : Mais si! J'ai mon alibi!

Henri Jaino : Un alibi?!

Jean-Nicolas : Des alibis, pour être précis! Et ils s'appellent, Rama, Fadela et Rachida! Avec elles, on pourra pas me taxer de raciste! Tu comprends la subtilité de mon idée?

Henri Jaino : Jean-Nicolas, tu m'épates! Quel fin stratège! Je n'y aurais jamais pensé par moi-même!

Jean-Nicolas : (Content de lui.) Tu peux le dire, je suis formidable! Bon bien sûr, on leur donnera des postes de pacotilles, sans budget et sans parole. Excepté pour Rachida, je pense la mettre à la justice, par la même occasion elle fera de la pub pour Dior et Chanel. J'ai un ami qui a placé des actions!

Henri Jaino : Je n'ai qu'une pensée! Vivement que tu sois élu!

Jean-Nicolas : Merci, merci!

Retour du côté d'Agrippine.

Agrippine : Ah Martin! Martin!

Martin : Madame?

Agrippine : Je me demande comment vous faites pour vous lever le matin…

Martin : Pourquoi donc madame?

Agrippine : Vous n'avez aucune perspective d'avenir! Regardez! Zarosky, il pense au pouvoir tous les matins en se rasant, moi j'y pense tous les matins en me maquillant, et vous? À quoi pensez-vous?

Martin : Et bien…

Agrippine : À rien! Et oui! C'est ça votre problème Martin! Mais grâce à moi, je suis certaine que vous apprendrez à avoir un but!

Martin : Je n'en doute pas madame…

Agrippine : Bon, reprenons notre planning, voulez-vous?

Martin : Bien madame! Alors jeudi, vous avez plusieurs interviews avec des journalistes.

Agrippine : Je déteste les jeudis!

Martin : Pourquoi?

Agrippine : Parce que je déteste les journalistes! Ils posent trop de questions! Et en plus, ils osent me couper la parole!

Martin : Je comprends madame.

Agrippine : De plus, ils préfèrent Zarosky! Forcement, il est ami avec tous les patrons des médias! Comment voulez vous que j'aime les journalistes dans ces conditions!

Martin : Ça ressemble à un cercle vicieux.

Agrippine : Pire que ça! C'est une tornade! Enfin, heureusement qu'il y a internet! Et mon site! À ce sujet, on a pas essayé de nous le pirater à nouveau?

Martin : Non madame! On y veille!

Agrippine : Bien! Vous avez remarqué le succès de ma dernière déclaration vidéo?

Martin : Oui, Madame!

Agrippine : Des milliers de français l'ont vue! Que feraient-ils sans ma parole sacrée?

Martin : Je l'ignore madame…

Agrippine : Oh je crois qu'ils seraient de pauvres âmes égarées hélas!

Martin : (Peu convaincu.) Sans doute madame…

Agrippine : Un peu plus de convictions Martin!

Martin : Désolé!

Agrippine : (Extasiée.) Vous n'imaginez pas l'ampleur de cette dernière déclaration! J'ai même songé en faire une pièce de théâtre! Ça s'appellerait Fra-Ter-Ni-Té! Ou Fraternitude? Ça fait plus jeune! Qu'en pensez-vous Martin?

Martin : Je ne sais pas trop madame, vous savez que je ne suis plus vraiment jeune…

Agrippine : C'est vrai… Vous faites bien de me le rappeler!

Martin : Oui, madame.

Agrippine : Vous n'imaginez pas ce que c'est d'entendre une foule acclamer votre nom! (Se levant d'un air béat, les bras tendus vers le ciel.) Répéter vos mots et vos formules! Lire l'euphorie sur les visages! Vous ne pouvez savoir à quel point c'est bon d'avoir tant de pouvoir sur une masse de demeurés! Pardon! (Une main sur le cœur.) Je voulais dire de militants! Je m'emporte…

Martin : Vous voulez un verre d'eau madame?

Agrippine : (Se rasseyant.) Non, ça va aller, je vous remercie Martin. Revenons en à notre boulot!

Martin : Bien! Alors jeudi, vous avez également le 20h de la deuxième chaine avec David Pijudas.

Agrippine : Oh non! Pas lui! Il a autant de charisme qu'un « Playmobil »! Niveau audience c'est zéro… Je vais perdre mon temps! Pff, enfin! Passons! Vivement Dimanche, que j'aille chez Brucker et son chien! Pour booster l'audience je pourrai le caresser!

Martin : Brucker?!

Agrippine : Mais non! Son chien!

Martin : Ah! Mais à vrai dire, l'émission est enregistrée jeudi.

Agrippine : Quoi?! Mais pourquoi elle s'appelle vivement dimanche alors?! C'est idiot!

Martin : C'est la télé…

Agrippine : Martin, prenez note : « Être très en forme jeudi, la journée va être longue! »

Martin : (Prenant note.) Bien!

Agrippine : Ensuite?

Martin : Vendredi… Séance d'autorité…

Agrippine : Parfait!

Martin : À ce propos… Je ne pense pas pouvoir être présent ce jour là…

Agrippine : Quoi?! Vous n'essaieriez pas de vous défiler une fois de plus?

Martin : Non madame! Je vous le jure!

Agrippine : Quel est le motif de votre absence?!

Martin : Ma grand-mère est morte…

Agrippine : (Sceptique.) Je vois… Depuis quand?!

Martin : Depuis peu!

Agrippine : Martin!

Martin : Oui madame?

Agrippine : Je vais vous poser une série de questions. Vous allez y répondre le plus vite possible, sans prendre la peine de réfléchir! Ce qui ne devrait pas être trop difficile…

Martin : Bien madame!

Agrippine : Bien Martin, êtes-vous prêt?

Martin : Oui madame!

Agrippine : (Dés cet instant les répliques se font du tac au tac.) Quel est votre prénom?

Martin : Martin!

Agrippine : Quel est le mien?

Martin : Agrippine!

Agrippine : Vos parents sont-ils divorcés?

Martin : Non, madame!

Agrippine : Et vos grands-parents?

Martin : Non plus madame.

Agrippine : Combien avez-vous de grand-mères?

Martin : Deux!

Agrippine : Comment vont-elles?

Martin : Très bien, merci!

Agrippine : (Fin des répliques au tac au tac.) Celle qui est morte aussi…

Martin : (Embarrassé.) Ah…

Agrippine : Je compte sur vous sans faute vendredi!

Martin : (Déçu.) Bien madame…

Agrippine : Bon, dimanche je suppose que c'est le programme habituel.

Martin : Oui, messe!

Agrippine : Faites-moi quand même penser à brûler des cierges, ça peut servir!

Martin : Bien madame!

Retour du côté de Zarosky.

 

Jean-Nicolas : Allez, assez de compliments pour le moment! Venons-en à mes soutiens!

Henri Jaino : Oui! Je t'ai préparé une liste!

Henri Jaino sort la liste de sa veste et la pose devant Jean-Nicolas qui reste un moment à la lire.

 

Jean-Nicolas : Ça ne va pas du tout ça!

Henri Jaino : Qu'est-ce qui se passe?

Jean-Nicolas : Mes soutiens sont des has-been voilà ce qui se passe!

Henri Jaino : Je pensais que c'était des personnes que tu estimais!

Jean-Nicolas : Oui, mais bon, y a des limites quand même! Non mais regarde moi ça, où penses-tu que je vais aller avec un rappeur défoncé qui a les impôts au cul, une vieille grenouille de bénitier qui chante faux, l'idole des vieux, et un aveugle? Et encore, je te passe le comique graveleux et les évadés de la téléréalité!

Henri Jaino : Mais tu sais bien que les français sont des beaufs! Ils les aiment ces ringards! Alors c'est du tout bon pour toi!

Jean-Nicolas : Oui, si on voit les choses comme ça, ça se tient.

Henri Jaino : Oui, tu verras, les français vont être ravis qu'on sorte tous ces types de la naphtaline.

Jean-Nicolas : Tant que ça me donne des voix, ça me va!

Le téléphone sonne, Jean-Nicolas répond.

Jean-Nicolas : Oui? Ah! Oui! Faites-le entrer!

Henri Jaino : C'est lui?

Jean-Nicolas : Oui!

Henri Jaino : Tu veux que je vous laisse tous les deux?

Jean-Nicolas : Non, on ne sera pas trop de deux pour le mâter ce petit journaleux!

Henri Jaino : Bien!

On frappe à la porte.

Jean-Nicolas : Oui, entrez!

Julien entre dans la salle. Henri Jaino reste près de Zarosky.

 

Julien : Bonjour…

Jean-Nicolas : (Froid.) Installez-vous!

Julien s'installe.

 

Julien : (Avec un sourire mesquin.) Je crois savoir pourquoi je suis là! Mon dernier article non?

Jean-Nicolas : Quand je disais que vous aviez un don de clairvoyance!

Julien : Il faut croire, en effet.  Alors où est le problème?

Jean-Nicolas : Le problème?

Julien : Et bien, si je suis là, c'est qu'il doit y en avoir un… J'imagine que vous ne m'invitez pas à prendre le thé!

Henri Jaino : Ne soyez pas si arrogant!

Julien : Excusez-moi monsieur Jaino, je pensais que l'arrogance était un luxe que vous étiez le seul à maitriser…

Henri Jaino : Vous trouvez ça drôle?!

Julien : Que vous soyez dépourvu de sens de l'humour? Parfaitement!

Jean-Nicolas : (Agacé.) Ça suffit! Assez d'enfantillages! Venons-en au vif du sujet! En d'autres termes, votre article dégueulasse!

Julien : Je vous écoute, quel est le problème?

Jean-Nicolas : Le problème?

Julien : Le problème!

Jean-Nicolas : Le problème? Et bien le voilà le problème! Je vous cite (Il lit une note prise sur un bout de papier.) : « Monsieur Zarosky n'est autre qu'un sale gosse pourri gâté et manipulateur, dont même la plus aimante des mères ne voudrait pas! »

Julien : Je vois… Je me doutais que vous vous arrêteriez à ça… C'est pourquoi j'ai apporté mon édito, dont je vais vous lire un extrait. Juste histoire d'éclaircir les choses! (Il sort un papier de sa poche qu'il déplie, puis le lit.) « Les deux candidats principaux, nous abreuvent du matin au soir de petites phrases moralisatrices. À leurs yeux, l'électeur est un enfant indiscipliné dont ils veulent être les parents. Hors, toute personne se voulant moralisatrice se doit d'abord d'être irréprochable. Et c'est bien là tout le problème… Monsieur Zarosky n'est autre qu'un sale gosse pourri gâté et manipulateur, dont même la plus aimante des mères ne voudrait pas! Quant à madame Raynal incapable de supporter la moindre contradiction, elle semble confondre les meetings politiques et les réunions pour témoins de Jéhovah. Dans un tel contexte, « les enfants » que nous sommes doivent se poser une question. Avons-nous vraiment envie d'avoir comme chefs d'états, des « parents » que n'importe qui de censé s'empresserait de dénoncer à la DDASS? » (Il remet le papier dans sa poche.) Voilà, avouez que ça change tout, quand ce n'est pas sorti du contexte.

Jean-Nicolas : Pour moi ça ne change rien! Non mais vous trouvez ça drôle?! Moi pas!

Julien : Prenez un « Valium »…

Henri Jaino : Vraiment quelle impertinence!

Julien : Vous vous y ferez monsieur Jaino, vous vous y ferez…

Jean-Nicolas : (Pris de tics fréquents.) Non mais franchement, vous abusez! Vous me caricaturez! Mais vous êtes à côté de la plaque! Parce qu'en attendant mon petit, mes idées plaisent même à des gens de gauche!

Julien : Vraiment? Et quel genre d'idée?

Jean-Nicolas : La discrimination positive par exemple!

Julien : L'idée serait louable si elle n'était pas juste là pour faire oublier tout le reste.

Jean-Nicolas : Que voulez-vous dire?!

Julien : Que cette proposition c'est de la poudre aux yeux, pour ratisser un peu plus large dans votre électorat. Et si je puis me permettre les mots « discrimination » et « positive » ne peuvent pas s'assembler. Si tel était le cas, certains auraient déjà inventé, le suicide joyeux, le meurtre utile, et le viol à l'amiable…

Jean-Nicolas : Je vois… Vous doutez de ma sincérité n'est-ce pas?

Julien : Oui, comme je doute des publicités pour lessives.

Jean-Nicolas : (Enervé, les tics le parcourent.)  Comment pouvez-vous me comparer à un vulgaire paquet de lessive?!

Julien : Vous avez raison, la comparaison est absurde pour une personne qui accumule les taches…

Jean-Nicolas : (Agacé.) Bon, je vois qu'on ne se comprendra pas!

Julien : En effet, c'est peine perdue.

Jean-Nicolas : Au moins, nous nous sommes expliqués…

Julien : Oui…

Jean-Nicolas : (Froidement.) Je n'ai plus rien à ajouter. Vous pouvez y aller!

Julien : (Se levant.) Merci! Mais la prochaine fois que vous avez un problème, un simple coup de fil suffira. Je ne suis pas à votre disposition!

Julien quitte la pièce, Jean-Nicolas et Henri Jaino le regardent avec stupéfaction.

 

Henri Jaino : Quel sale petit connard!

Jean-Nicolas : Je te le fais pas dire! Les journalistes de nos jours! Ils n'ont plus d'éducation! Quand j'arriverai au pouvoir ça va changer! C'est moi qui te le dis!

Henri Jaino : J'espère bien, il y en a un paquet à remettre dans le droit chemin!

Jean-Nicolas : Tu peux me faire confiance! Ça va marcher à la braguette!

Henri Jaino : Tu veux dire à la baguette?

Jean-Nicolas : Merde! Oui, c'est ce que je voulais dire!

Henri Jaino : Je crois que c'est l'heure de ton Valium!

Jean-Nicolas : Oui! Je vais le prendre avant de confondre à nouveau inflation et fellation! J'ai déjà fait cette bourde devant Rachida! Heureusement que c'est pas contagieux!

Retour du côté d'Agrippine. Le téléphone sonne, Agrippine répond.

 

Agrippine : Oui? Je vous écoute! Quoi?! (Martin regarde Agrippine avec inquiétude.) Vous êtes sûre? Bon sang! Merci…

Agrippine raccroche, puis reste silencieuse et pensive durant un instant. Martin, qui reste debout près d'elle, la regarde sans comprendre ce qu'il se passe.

Agrippine : (Brusquement.) Martin!!

Martin sursaute.

Martin : (Peu rassuré.) Oui madame?

Agrippine : Vous avez fait une bêtise!

Martin : Encore?!

Agrippine : Comme vous dites! Encore! On vient de me parler de quelque chose… Pour me  signaler, que l'article que vous avez utilisé pour qualifier Zarosky de gamin pourri gâté, contenait aussi des propos déplacés à mon égard!!

Martin : Je vous demande pardon!

Agrippine : C'est donc tout ce que vous savez dire Martin!!!

Martin : Je suis désolé!!!

Agrippine : Changez de disque! Vous n'auriez pas dû oublier de me signaler un tel article! Franchement qui est le journaliste qui a osé?!

Martin : Je l'ignore!

Agrippine : Mais vous ne servez donc à rien mon pauvre?! Tenir les portes semble être la seule chose que vous êtes apte à accomplir! Et ne me dites pas que vous êtes désolé! (Elle regarde Martin un long moment, il n'ose plus rien dire.) Mais dites quelque chose bon sang!!

Martin : Je ferai plus attention madame!

Agrippine : Encore une phrase pleine d'originalité! Vous pouvez remercier ma grande bonté! D'autres vous auraient mis dehors il y a bien longtemps!

Martin : Merci madame! Merci!

Agrippine : (Énervée.) Ah! Enfin un peu de reconnaissance de votre part! Il était temps! Ce n'est pourtant pas trop demandé!

Martin : Pardon, madame, pardon!

Agrippine : Bon! Il faut que je me calme! (Elle souffle profondément.) Il faut que je reste digne! (Elle rajuste ses vêtements.) Je ne dois pas céder à la pression! C'est une bataille qui m'attend! (Levant les bras au ciel.) Les électeurs me désirent! (Faisant un sourire béat.) Ils n'attendent que moi!

Martin : Oui, Madame!

Agrippine : (Ravie.) Pour une fois, nous sommes d'accord!

Fin de l'acte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ACTE 4 : Le débat

Narrateur : Le premier tour de l'élection est passé, Zarosky et Raynal se sont qualifiés pour la dernière ligne droite, avant que l'un d'eux ne soit royalement logé aux frais de la princesse.

Raynal se prend encore pour une sorte d'élue du ciel et passe toujours ses nerfs sur Martin. Quant à Jean-Nicolas il s'est refait une santé en épousant une pseudo chanteuse, anciennement mannequin, qui a du kilométrage au compteur amoureux, nommée Clara Bruno.

Le grand débat pour départager les deux candidats se prépare à commencer, sous les yeux des  téléspectateurs, parmi lesquels on compte : les fans des deux camps, les blasés, les indécis et une poignée d'ignares croyant regarder un nouveau jeu de téléréalité. 

Marion et Jean-Nicolas sont au fond de la pièce, ils discutent tous les deux. L'animateur du débat attend  sur le devant de la scène. Julien arrive après un instant.

Julien : (Arrivant précipitamment.) Désolé, je suis en retard.

Laurent Lepion : Non, ne vous en faites pas, on est dans les temps. On attend madame Raynal.

Julien : (Regardant Zarosky.) Je vois qu'il est déjà arrivé lui…

Laurent Lepion : Oui, ça fait un moment qu'il est arrivé. Il a distribué le dernier album de sa femme à tout le monde. Il va sûrement vous donner un exemplaire.

Julien : Ça tombe bien, j'ai justement un pied de meuble à caler!

Laurent Lepion : Ah… (Il y a un court instant de silence, puis Laurent fait un mouvement de tête vers Marion et Zarosky.) Ils ont l'air de bien s'entendre tous les deux.

Julien : Rien de surprenant. Cette peste de Marion lèche les culs comme on respire.

Laurent Lepion : Ah! Vous non plus vous ne l'aimez pas?

Julien : Non, pourquoi? Qui d'autre?

Laurent Lepion : Moi! D'habitude c'est à moi que monsieur Zarosky parle! Mais regardez la monopoliser l'attention cette peste de Noclin! Je suis persuadé qu'elle veut me piquer la place au journal de 20h!

Julien : C'est son rêve secret, c'est vrai. Mais qu'est-ce qui vous fait penser ça?

Laurent Lepion : Pas besoin d'être devin, monsieur Zarosky est ami avec le directeur de la chaine, et c'est à sa demande que Marion Noclin participe au débat.

Julien : Vous en êtes sûr?

Laurent Lepion : Oui, mais gardez ça pour vous!

Julien : (Regardant Jean-Nicolas.) Quel enfoiré!

Laurent Lepion : Et vous, pourquoi vous la détestez tant cette Noclin?

Julien : (Regardant Marion et  Zarosky discuter.) On a été ensemble.

Laurent Lepion : (Surpris.) Quoi?! Mais ça ne va pas vous faire bizarre?!

Julien : Ça ira! C'est ce fumier de Zarosky! Il savait que ça m'énerverait. C'est son moyen de régler des comptes.

Laurent Lepion : J'ai intérêt de faire aussi gaffe que d'habitude alors! Il pourrait me ridiculiser!

Julien : Pourquoi?!

Laurent Lepion : Il connait mon vrai nom…

Julien : C'est quoi votre vrai nom?

Laurent Lepion : Vous jurez de ne pas rire?

Julien : Bien sûr!

Laurent Lepion : Lefion…

Julien ne peut s'empêcher de rire.

Laurent Lepion : Mais! Vous ne deviez pas rire!

Julien : (Reprenant son sérieux avec difficulté.) Désolé! Enfin, en même temps, le nom complet de Zarosky, c'est Jean-Nicolas Zarosky de la Guignoleret, ça ne l'empêche pas d'être là où il est!

Laurent Lepion : C'est vrai!

Julien : Et ça lui va bien!

Laurent Lepion : Vous avez l'air de l'avoir dans le nez.

Julien : On peut dire ça oui. Je n'aime pas sa façon de ratisser large pour attirer les électeurs! Et il est si sûr de sa personne, j'ai horreur de ça!

Laurent Lepion : Ne croyez pas ça, il n'est pas aussi sûr de lui qu'il en a l'air.

Julien : Que voulez-vous dire?

Laurent Lepion : Je l'ai entendu discuter avec son conseiller, Henri Jaino.

Julien : Henri Jaino est là?

Laurent Lepion : Oui, il est parti chercher quelque chose pour monsieur Zarosky.

Julien : De quoi discutaient-ils?

Laurent Lepion : De l'abstention, Ils semblaient craindre que les abstentionnistes se déplacent en faveur de madame Raynal.

Julien : Peut-être qu'ils s'abstiendront encore…

Laurent Lepion : Ne pas aller voter… (D'un ton moralisateur.) Ces gens là sont des irresponsables!

Julien : On ne peut pas leur en vouloir. Quand on a le choix entre la peste et le choléra, le meilleur remède est peut-être de rester au  lit!

Agrippine arrive dans la salle précipitamment, elle se retourne.

 

Agrippine : Dépêchez-vous Martin!!!

Martin arrive en courant avec une pile de feuilles dans les mains.

 

Martin : (Essoufflé.) Je fais ce que je peux madame!

Agrippine : Et ne répondez pas je vous prie!!

Agrippine se retourne et regarde Julien. Elle s'approche de lui.

Agrippine : Vous êtes Julien Lemard?

Julien : Oui, c'est moi.

Agrippine : J'ai eu écho de votre article il y a quelques semaines, croyez-moi je m'en rappellerai! (Elle regarde Laurent Lepion.) Où dois-je m'assoir?

Laurent Lepion : (Indiquant la chaise à l'extrême gauche de la table.) Juste là.

Agrippine : Mes notes Martin!

Martin donne la pile de papier à Agrippine qui va s'assoir. Martin se met dans un coin de la scène.

Julien : Quelle bêcheuse! Pour qui elle se prend celle-là?!

Laurent Lepion : Oui… (Indiquant Martin d'un mouvement de tête.) Vous avez vu comment elle parle à ce pauvre type?

Agrippine : Ne restez pas planté là Martin, allez me chercher un verre d'eau!

Martin : Oui madame!

Martin quitte la pièce.

Julien : Oui, j'ai vu… Je connais pas l'orientation sexuelle de ce gars, mais se coltiner cette mégère c'est le meilleur moyen de ne pas rester hétéro!

Zarosky et Marion cessent de parler. Zarosky se dirige vers Agrippine, ils discutent froidement ensemble. Marion se dirige vers Julien et Laurent.

Laurent Lepion : Oui, il a du mérite! (Regardant Marion.) Ah voilà votre amie…

Marion : De quoi parlez-vous?

Julien : De ta faculté à te coucher devant les puissants…

Marion : Tu ne vas pas remettre ça! (Elle regarde Laurent.) Vous pouvez nous laisser s'il vous plait?

Laurent Lepion : (Gêné.) Bien sûr!

Marion : Merci. (Elle attend que Laurent s'éloigne pour parler.) Tu ne crois pas qu'il est temps de passer à autre chose?! On ne va pas se bouffer le nez chaque fois que l'on doit se rencontrer!

Julien : Ne te fais pas d'illusions! Tout ça n'a rien à voir avec notre passé en commun! C'est juste toi, ce que tu es, ton arrivisme qui me dégoûtent au plus haut point!

Marion : J'ai déjà entendu cet air!

Julien : Faudra t'y faire, c'est l'air que tu siffles quand je te vois faire ton nid!

Marion : Oh tu m'agaces! Après tout, je n'ai pas de leçon à recevoir de toi! Moi, j'ai un nom! Et toi? Tu as quoi?

Julien : Une conscience?

Marion : Tu me fatigues!

Marion va s'assoir à gauche de Laurent. Julien quitte la salle.

 

Jean-Nicolas : (S'adressant à Agrippine avec nervosité.) Et à par ça, pas trop stressée?

Agrippine : Pas du tout, je suis sûre de mes convictions! Et vous?

Jean-Nicolas : (Parcouru de tics nerveux.) Moi ça va! Ça va!

Agrippine : Vous êtes sûr? Vous avez l'air d'avoir des fourmis rouges dans le pantalon…

Jean-Nicolas : (Regardant sa montre.) C'est qu'il fait chaud ici!

Agrippine : (Sceptique.) C'est sans doute ça, oui…

Jean-Nicolas : (Regardant nerveusement vers l'entrée.) Oui, oui!

Après un court un instant Henri Jaino arrive avec un verre d'eau et une gélule.

Jean-Nicolas : (S'adressant à Agrippine.) Veuillez m'excuser!

Agrippine : (Indifférente.) Je vous en prie…

Jean-Nicolas va vers Henri Jaino.

Henri Jaino : Désolé, j'ai fait aussi vite que j'ai pu!

Jean-Nicolas : (Il avale rapidement la gélule.) Je te remercie, j'étais en manque! Si je m'balance comme un string sur un fil à linge pendant cette émission, on va penser que j'suis pas à la hauteur!

Laurent Lepion : Monsieur Zarosky, on a pensé rehausser votre fauteuil avec un coussin!

Jean-Nicolas : (Se parlant à lui-même.) Connard!

Henri Jaino : Calme-toi, ne cède pas à la haine! La dernière fois ça a aggravé tes tics, et tu nous as fait un salut hitlérien.

Jean-Nicolas : Merde! T'as raison! Quelle angoisse!

Henri Jaino : Va t'assoir, ça vaut mieux!

Jean-Nicolas : Oui, t'as raison!

Jean-Nicolas va s'assoir à l'extrême droite de la table. Henri Jaino reste près de l'entrée. Après un instant, Julien revient, des notes à la main, il passe à côté d'Henri Jaino qui le regarde, il l‘ignore. Julien se dirige vers Zarosky.

 

Julien : (S'adressant à Zarosky.) J'imagine que le fait que Marion et moi sommes les interviewers est une simple coïncidence?

Henri Jaino répond à son téléphone.

 

Jean-Nicolas : Bonsoir!

Julien : Attendez avant de déclarer que ce soir est bon…

Julien va s'assoir à droite de Laurent Lepion. Henri Jaino raccroche son téléphone et vient voir Jean-Nicolas.

 

Henri Jaino : (Désignant Julien d'un geste de la tête.)  Qu'est-ce qu'il voulait?

Jean-Nicolas : Rien d'important.

Henri Jaino : J'ai une bonne nouvelle!

Jean-Nicolas : Ah?

Henri Jaino : Le prochain sondage du Figaro te donne gagnant!

Jean-Nicolas : C'est normal, c'est moi qui l'ai commandé.

Henri Jaino : (Surpris.) Ah?!

Jean-Nicolas : C'est l'cadeau que j'me suis fait pour être arrivé au second tour.

Henri Jaino : Et t'as déjà pensé à ce que tu feras si tu es élu?

Jean-Nicolas : Oui! Une soirée au Fouquet's avec tout l'gratin du showbiz et des vacances sur le yacht d'un d'mes richissimes amis.

Henri Jaino : Ça sera mérité!

Laurent Lepion : Nous allons bientôt commencer.

Henri Jaino : Ça va aller?

Jean-Nicolas : Oui t'en fais pas! Noclin restera à sa place, Lepion n'en parlons pas, au bal des faux culs c'est le meneur de danse! Quant à Lemard, la présence de son ex, va le déstabiliser. Regarde-le, il fait moins le fier là!

Henri Jaino : J'espère que tu dis vrai!

Jean-Nicolas : T'en fais pas!

Henri Jaino : Bonne chance!

Jean-Nicolas : (Regardant Agrippine.) J'en aurais pas besoin, tu vas voir, je vais la pulvériser la mère supérieur!

Henri Jaino : Je n'en doute pas!

Henri Jaino quitte la pièce. Après un court instant, Martin revient avec le verre d'eau qu'il apporte à Agrippine.

Agrippine : (Avec calme.) Merci. (Elle jette l'eau au visage de Martin. Tout le monde regarde la scène avec stupéfaction.) Voilà qui devrait vous faire comprendre que quand je veux quelque chose je le veux immédiatement!

Martin : Oui, Madame…

Agrippine : Fichez-le camps maintenant!

Martin quitte la salle honteux. Tout le monde regarde Agrippine avec inquiétude. Il y a un court instant de silence.

Laurent Lepion : (Embarrassé.) Nous allons commencer. Tout le monde est prêt?

 

Agrippine : (Avec froideur.) Oui.

 

Marion : (Tendue.) Oui.

 

Julien : (Blasé.) Oui

Jean-Nicolas : (Avec détermination.) Je suis prêt!

Laurent Lepion : Bien… (Il se concentre un instant puis regarde droit devant lui.) Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bonsoir! Merci de nous rejoindre pour ce grand débat du second tour de l'élection présidentielle.  Pour animer ce débat, je suis accompagné de Marion Noclin.

Marion : Bonsoir!

Laurent Lepion : Et Julien Lemard.

Julien : (D'un air désintéressé.) Bonsoir…

Laurent Lepion : Nous allons commencer cette émission en proposant aux deux candidats de présenter leurs idées et leur projet. Le tirage au sort que nous avons effectué, a désigné Monsieur Zarosky pour débuter, je lui laisse donc la parole.

Jean-Nicolas : (Maitrisant ses nerfs et sa diction.) Je vous remercie monsieur Lepion. Mesdames, Messieurs, bonsoir! Tout d'abord, il faut que vous sachiez que je veux être le président de tous les français, je tiens à m'adresser à chacun! Je veux être le président, du pouvoir d'achat, celui de la France qui se lève à six heure et demie, et je tiens aussi à être le président de l'ordre, de la sécurité. Mais avant tout, je tiens à dire la vérité aux français, et pour ça je veux être le président de la rupture. La France ne peut pas se permettre l'immobilisme pour répondre aux défis auxquels elle doit faire face! Mais nous relèverons ces défis si je suis élu, le mot fatalité ne fait pas partie de mon vocabulaire!

Julien : (Se parlant à lui-même.) Si seulement c'était le seul…

Tout le monde regarde Julien avec embarras, sauf Agrippine qui reste concentrée.

Laurent Lepion : (Il regarde furtivement Julien avec inquiétude.) Hum… Merci monsieur Zarosky… Madame Raynal, la parole est à vous.

Agrippine : Merci! (Elle prend un sourire crispé qu'elle garde le long de sa déclaration.) Française, français, Je veux être la présidente de l'ordre juste, et de la discipline, la présidente du mérite, et des valeurs. Je vous propose pour ça un pacte républicain, c'est du don-nant don-nant, c'est du ga-gnant ga-gnant!

Julien : (Levant les yeux au ciel.) Depuis quand a-t-on le droit de vote sur l'ile aux enfants?

Agrippine regarde Julien avec autorité, Marion se penche pour regarder Julien en lui faisant signe de se taire, il les ignore.

Laurent Lepion : (Mal à l'aise.) Hum… Euh et bien merci à vous madame Raynal! Hum… Bon… Et bien Passons à la suite… Les questions!

Julien : (Ravi.) Ah!

Laurent Lepion : Hum… Bien! Nous allons commencer par un sujet qui préoccupe les français, l'insécurité.

Julien : Si je puis me permettre, le pouvoir d'achat les préoccupe plus que ça!

Laurent Lepion : (De plus en plus mal à l'aise.) Nous y viendrons…

Julien : Je n'en doute pas, mais ça mérite sans doute mieux que le dernier quart d'heure de l'émission…

Laurent Lepion : Oui… Euh mais nous avons un programme à suivre… C'était prévu…

Jean-Nicolas : Je ne vois pas d'inconvénients à commencer par le sujet du pouvoir d'achat, ayant des propositions à faire dans ce domaine!

Agrippine : Je n'ai pas d'objections non plus monsieur Lepion.

Laurent Lepion : (Il regarde autour de lui d'un air perdu.) Ah? Euh… Bon et bien… On vient de me signaler que ça ne pose pas de problèmes… Allons-y dans ce cas… Marion, voulez-vous poser la première question?

Marion : Avec plaisir. Monsieur Zarosky, pouvez vous nous présenter votre projet en ce qui concerne le pouvoir d'achat?

Julien : (Avec un sourire ironique.) C'est une question ça?

Laurent Lepion : Laissons monsieur Zarosky répondre si vous le voulez bien…

Julien : (S'inclinant vers Zarosky.) Oh bien sûr!

Jean-Nicolas : Je vous remercie! Pour répondre aux problèmes de pouvoir d'achat des français, j'ai « LA » solution! Travailler plus pour gagner plus!

Court instant de silence.

Julien : Travailler plus pour gagner plus? C'est ça la solution?

Jean-Nicolas : Bien sûr!

Julien : Ça va nous changer la vie…

Marion : (Agacée.) Laissons monsieur Zarosky développer!

Laurent Lepion : Oui! C'est ça! Laissons-le développer!

Julien : Oh mais bien sûr! Exprimez-vous monsieur Zarosky!

Jean-Nicolas : Bien! C'est très simple en fait, il n'y a rien à expliquer. Celui qui veut gagner plus devra travailler plus!

Julien : Ah… (Court instant de silence.) Vous avez trouvé ça tout seul?

Jean-Nicolas : Je vous demande pardon?!

Laurent Lepion : (Gêné.) Je vous en prie Julien!

Julien : (S'adressant à Laurent Lepion.) Je ne fais que soulever le simplisme de cette proposition. C'est interdit?

Jean-Nicolas : Simplisme?! Comment osez-vous qualifier cette idée de la sorte?!

Julien : J'ose, parce que c'est une idée idiote! Elle revient à dire à un myope de plisser les yeux pour voir mieux!

Jean-Nicolas : Je n'ai jamais parlé de myope!

Julien : C'était une métaphore!

Jean-Nicolas : Une quoi?!

Julien : Votre conseiller en langue française était-il en vacances dernièrement?

Jean-Nicolas regarde Julien avec colère. Laurent Lepion sort un mouchoir de sa poche.

Marion : (Autoritaire.) Julien!

Julien : Marion?

Laurent Lepion : (S'épongeant le front avec son mouchoir.) Hum… Euh madame Raynal… Quel est votre avis sur le sujet?

Agrippine regarde ses fiches un instant.

Agrippine : (Elle perd son sourire figé.) Excusez-moi, cet abruti de Martin a mal organisé mes fiches!

Laurent Lepion : N'oubliez pas que nous sommes en direct madame Raynal!

Agrippine : Peu importe, ce n'est plus un secret pour personne que Martin est un abruti. Ah! Voilà! (Elle se concentre un moment, et reprend son sourire figé.) Et bien moi je propose une solution juste aux français, du gagnant-gagnant. Moi je pense qu'il faut redonner un sens à la valeur travail. C'est du donnant-donnant.

Court instant de silence.

Julien : Et bien ça valait bien la peine d'avoir des fiches pour dire ça…

Agrippine : (D'un ton autoritaire.) Monsieur Lemard! Je ne vous permets pas d'être aussi insolent envers moi! J'ai la parole et vous me devez le respect!

Julien : (Faisant un salut militaire.) Oui madame!

Agrippine : Et ne m'interrompez pas! Je n'ai pas terminé! J'ai des choses à dire vous savez! Vous n'avez pas à me couper la parole de la sorte!

Laurent Lepion : Madame Raynal, je vous en prie calmez-vous!

Agrippine : Ne me dites pas de me calmer!

Jean-Nicolas : (D'un air mesquin.) Il faut savoir rester calme pour être chef d'état, madame Raynal!

Agrippine : Non je ne me calmerai pas!

Laurent Lepion : Voulez-vous un verre d'eau?

Agrippine : Martin!

Martin arrive précipitamment.

Martin : Oui madame?

Agrippine : Un verre d'eau! Et rapidement cette fois!

Martin repart aussitôt.

Laurent Lepion : Madame Raynal, nous sommes en direct! Vous ne pouvez pas appeler votre conseiller en pleine émission!

Agrippine : (Elle s’emporte vivement.) Ce n'est pas mon conseiller!! C'est mon assistant!

Laurent Lepion : Veuillez m'excuser!!

Agrippine : Vous croyez que j'en serais là où j'en suis si j'étais conseillée par un bulot?!

Laurent Lepion : Je vous demande pardon!

Martin revient un verre d'eau à la main. Il le donne à Agrippine. Julien se baisse sous la table, croyant que le verre d'eau lui est destiné.

 

Agrippine : Merci Martin, vous m'impressionnez! Vous pouvez partir.

Martin : Merci Madame.

 

Martin s'en va. Agrippine boit.

 

Laurent Lepion : (Regardant Julien avec surprise.) Mais qu'est-ce que vous faites?!

Julien : (Se relevant.) Désolé, fausse alerte!

Agrippine : Puisque vous m'avez donné la parole, j'ai des choses à dire!

Laurent Lepion : Mais madame Raynal!

Agrippine : Je vous ai laissé parler monsieur, veuillez ne pas me couper la parole!

Laurent Lepion : Bien madame!

Julien : On croit rêver!

Agrippine : Je tiens à parler de certaines valeurs! D'un certain respect! Choses qu'on ne semble pas connaître sur ce plateau! (S'adressant à Laurent Lepion.) Vous pourriez tenir vos journalistes tout de même monsieur Lepion!

Laurent Lepion : Veuillez m'excuser Madame!

Agrippine : Mon pauvre ami, vous me rappelez Martin! Toujours à vous excuser.

Laurent Lepion : Oui, madame…

Agrippine : Cessez de parler! J'ai des choses à dire!

Marion : Nous vous écoutons Madame Raynal.

Agrippine : Merci à vous madame Noclin!

Julien : (Se penchant en arrière pour s'adresser à Marion.) Chouchoute!

Agrippine : Je tiens vraiment à partager certaines notions de moralité! Pour ça j’aimerais redonner leurs places aux symboles. Que chaque français accroche le drapeau de notre pays aux fenêtres, et que tous ensembles nous chantions la Marseillaise!

Julien : Voilà un point sur lequel vous allez vous entendre avec monsieur Zarosky…

Jean-Nicolas : Et alors?! Il n'y a pas de honte ça!

Julien : Non, ce qui est honteux, c'est de plus se soucier d'un hymne aux paroles poussiéreuses, que des trois simples mots qui font la devise de ce pays… Bizarrement c'est un symbole que vous oubliez vite!

Marion : Julien vous n'allez pas recommencer!

Julien : Depuis quand tu me vouvoies?!

Marion ignore Julien avec embarras.

Jean-Nicolas : J'aimerais réagir à ce sujet!

Laurent Lepion : Je vous en prie monsieur Zarosky!

Agrippine : Moi aussi j'aimerais!

Laurent Lepion : Vous répondrez à monsieur Zarosky dans ce cas.

Agrippine : Mais j'espère bien!!!

Laurent Lepion : Monsieur Zarosky.

Jean-Nicolas : Merci monsieur Lepion! Bien! Pour commencer, permettez-moi de vous dire, monsieur Lemard, que je vous trouve excessif! Votre intervention était ridicule!

Julien : (Ne laissant pas Zarosky poursuivre.) Liberté : Un flic derrière chaque citoyen, une caméra dans chaque rue!  Egalité : Cadeaux fiscaux pour chanteurs qui nous cassent les oreilles depuis des décennies! Fraternité : Monter sur la gueule de mon voisin pour arriver en haut de l'échelle! C'est un bon résumé?

Jean-Nicolas : Vous vous trouvez drôle?!

Agrippine : Je dois dire que je suis d'accord avec l'analyse de monsieur Lemard!

Julien : (S'adressant à Agrippine.) C'est étonnant… Vous vous n'avez retenu que le mot Fraternité, et encore, en le décomposant!

Agrippine : Mais pour qui vous prenez-vous?!

Laurent Lepion : Du calme! Du calme!

Marion : Tu as fini ton cirque Julien?!

Julien : (Se levant.) Non! Je commence tout juste!

Laurent Lepion : Je vous en prie, assoyez-vous!

Julien : (Exaspéré.) Vous voulez du cinéma, en voilà du cinéma! Vous voulez qu'on se trémousse comme des dindes devant les caméras, pour éclipser le vide de la pensée! (Se dandinant.) Allons-y joyeusement!

Laurent Lepion : (Se levant.) Julien! Arrêtez maintenant, ça suffit!

Julien : Vous le lèche-bottes toutes catégories, la ferme! Mais peut-être que vous voulez que la France  apprenne votre véritable nom…

Laurent se rassoie sans rien dire, embarrassé, il s'éponge le front avec nervosité.

 

Marion : Julien! Je peux savoir ce que tu cherches à part te ridiculiser?

Julien : Ce que je cherche? Mettre fin à cette mascarade! Cette campagne, cette émission! C'est quoi de plus?

Jean-Nicolas : Monsieur Lepion! Qu’attendez-vous pour réagir?! Cette émission part en bille!

Julien : En vrille, inculte! En vrille!

Jean-Nicolas : Oh ça va hein!

Laurent Lepion : Je suis désolé…

Agrippine : Monsieur Zarosky! Tout ce qui se passe dans cette émission est le reflet de la société engendrée par le gouvernement auquel vous avez participé!

Jean-Nicolas : Comment pouvez-vous faire des déductions aussi idiotes!!

Agrippine : Je ne vous permets pas de m'insulter!

Marion : (Se levant.) Ah bravo Julien! Tu as réussi!

Laurent Lepion : (Excédé, il hausse la voix.) Je vous en prie messieurs dames! Reprenez-vous!

Le calme revient. Laurent est surpris. Marion et Julien se rassoient. Laurent respire profondément.

Laurent Lepion : (Regardant droit dans le public.) Je vous prie d'excuser ce moment d'égarement… Si tout le monde veut bien, reprenons le cours de notre débat!

Agrippine : La parole était à moi!

Laurent Lepion : Bien madame Raynal! Nous parlions du pouvoir d'achat.

Agrippine : (Elle reprend son sourire figé.) Merci! Monsieur Zarosky, votre idée du travailler plus, pour gagner plus, n'est pas une solution. Vous semblez oublier le problème du chômage… Moi, avec l'aide de mon pacte républicain, je veux proposer un avenir meilleur aux français. C'est du plus mieux, c'est du juste juste!

Jean-Nicolas : Vous n'apportez aucune réponse madame Raynal, vous ne faites que critiquer! J'ai des solutions pour lutter contre le chômage!

Julien : (D'un air provocateur.) Rétablir l'esclavage?

 

Jean-Nicolas : (Agacé.) Vous trouvez ça drôle?

Julien : Ah mais pensez-y! Avec un peu de chance vous pourrez même renvoyer les gosses dans les mines!

Laurent Lepion : Hum… Bon, Madame Raynal? Que répondez-vous à Monsieur Zarosky?

 

Agrippine : Et bien j'aimerais connaître les propositions claires et concrètes de monsieur Zarosky  au sujet du chômage!

 

Laurent Lepion : Monsieur Zarosky?

 

Jean-Nicolas : J'ai plusieurs fois évoqué mes idées à ce sujet. Ma conviction, est qu'il faut en finir avec l'assistanat!

Julien : Et en tant que possible futur résident de la république, nourri, blanchi, vous vous y connaissez!

Jean-Nicolas : Mais c'est pas possible, ça devient insupportable cette émission! C'est mon procès où quoi?!

Julien : (Se levant, pointant Zarosky du doigt.) Oui, vous êtes accusé d'avoir pistonné Marion Noclin!

Marion : Julien! Monsieur Zarosky ne faites pas attention à ce qu'il dit!

Laurent Lepion : Oh non! Vous n'allez pas recommencer!

Julien se rassoit avec un petit sourire.

Agrippine : J'aimerais bien pouvoir débattre avec monsieur Zarosky!!

Laurent Lepion : Allez-y madame, allez-y!

Agrippine : Bon, et bien…

Julien : (Se penchant en avant pour s'adresser à Marion.) Marion tu disais que je n'ai pas changé, et bien je te confirme que toi non plus!

Laurent Lepion : Calmez-vous!!

Marion : Tais-toi Julien!

Julien : T'as peur pour ta promotion?

Marion : La ferme!

Agrippine : (Elle s'emporte.) Bordel de merde! Est-ce que je peux en placer une?!!

Jean-Nicolas : Tenez vos nerfs madame Raynal!

Agrippine : J'ai pas besoin de gélule pour tenir les miens!

Jean-Nicolas : (Agacé. Ses tics reviennent.) Je ne vous permets pas de faire des insinuations!

Laurent Lepion : Calmez-vous! Calmez-vous!

Julien : (Se levant.) Bon, ça suffit!

Agrippine : Et bien moi je me permets monsieur Zarosky!

Marion : (Se levant à son tour.) Julien!!

Jean-Nicolas : C'est pas comme ça que vous ferrez vos preuves!

Julien : Quoi?!

Marion : Qu'est-ce que tu fais?!

Julien : Je me tire!

Laurent Lepion : (Se levant.) Restez!

Jean-Nicolas : Fermez-là! Incompétent!

Laurent Lepion : (S’adressant à Zarosky avec doutes.)  À qui parlez-vous?!

Jean-Nicolas : À vous Lefion!

Laurent Lepion est choqué, il se met a pleurer et part en courant. Tout le monde se calme et le regarde stupéfait.

 

Jean-Nicolas : (Embarrassé, transpirant et gesticulant.)  Excusez-moi! Je me suis emporté!

Agrippine : (D’un air provocateur.) Faut calmer vos nerfs…

Marion : Tu es content de toi Julien?!

Julien : Quoi?! C'est de ma faute?!

Marion : Qui d'autre?!

Agrippine : Moi j'aimerais bien débattre bon sang!

Jean-Nicolas : À quoi bon! Vous n'avez pas de programme!

Agrippine : Vous mériteriez que je vous lave la bouche avec du savon! Ça vous changerait du « Kärcher »!

Marion et Julien regardent Jean-Nicolas et Agrippine avec stupéfaction.

Jean-Nicolas : Dinde castratrice!

Agrippine : Morpion parkinsonien!

Jean-Nicolas : Pincée du cul!

Agrippine : Asticot névrosé!

 

Jean-Nicolas : Illuminée du Poitou!

Agrippine : Sac à puces cocaïné!

Julien : (S'adressant à Marion.) T'as vu où mène l'ambition?

Marion : Tu vois où ça te mène de ne pas en avoir?!

Jean-Nicolas : (S’adressant à Agrippine avec hargne.)  Garce!

Agrippine : (Se levant.) Couille molle!

Tout le monde se dispute dans un brouhaha inaudible pendant quelques instants.

 

Laurent Lepion : (Criant au loin.) Coupez! Coupez! Coupez!

La scène est plongée dans le noir complet.

Narrateur : Malgré le spectacle déplorable donné par cette émission ce soir là, jamais un débat politique n'aura fait d'aussi bonnes audiences. Aucun des deux candidats n'a pu s'imposer lors de ce grand oral raté, le suspens reste donc entier. Qui prendra le pouvoir? Le nain sur ressorts? Ou bien la prof de catéchisme? C'est à vous de décider…

Fin de l'acte.

Le Choix

 

 

À partir de maintenant, la fin dépend du lecteur ou des spectateurs.

Dans le cas des spectateurs, le vote se fait à la fin de l'acte 4, de la façon voulue, mains levées, papiers, etc.…

Dans le cas où votre choix est « Raynal présidente » reportez-vous à l’acte 5a.

Dans le cas où votre choix est « Zarosky président » reportez-vous à l’acte 5b.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ACTE 5a : Raynal présidente!

 

La scène est plongée dans le noir.

 

Narrateur : Agrippine Raynal a été élue présidente de la république. Après son élection, Marion Noclin a remplacé Laurent Lepion au journal de 20h, celui-ci étant jugé incompétent par la direction de la chaine. Julien Lemard de son côté ne sera plus invité sur des émissions en direct, mais sa prestation donna un sacré coup de pub au site internet pour lequel il travaille toujours. Quatre ans après avoir été élue présidente de la république, un divorce, et un mandat présidentiel parsemé de leçons de morales à tout va, Agrippine pense déjà à sa réélection. Mais les choses ne semblent plus aussi simples, même Martin semble fatigué par l'excessive présidente.

Agrippine est assise devant son bureau, les coudes posés dessus. Elle se tient la tête.

Agrippine : (Redressant la tête et posant les mains sur le bureau.) Martin! (Elle attend un instant sans que Martin n'arrive.) Martin!!!

Martin : (Blasé.) Oui, voilà, voilà!

Agrippine : Martin! Depuis quelques temps vous devenez bien insolent! Le pouvoir vous monte à la tête?!

Martin : Non, madame. C'est vous qui avez été élue, il y a de ça quelques années, pas moi. Mais sans vous offenser je perçois une légère paranoïa chez vous…

Agrippine : Paranoïa?! Mais regardez les sondages Martin! Tout le monde me lâche! Je ne me fais pas d'illusions, vous y viendrez aussi!

Court instant de silence.

Martin : (Sérieux.) Madame, Il faut que je vous parle…

Agrippine : Plus tard Martin! Vous ne voyez donc pas que je suis en pleine détresse?!

Martin : Oui…  Désolé madame.

Agrippine : J'ai fait beaucoup depuis mon élection, et voilà le résultat! Je ne comprendrais jamais ce qui n'a pas marché…

Martin : Les gens attendaient du changement.

Agrippine : Et?

Martin : Et ils l'attendent encore…

Agrippine : Mais et la démocratie participative alors?! Je leur ai donné la parole à ces ingrats! Que demande le peuple?!

Martin : Sans doute plus qu'une consultation de psy gratuite…

Agrippine : Ah! Et l'encadrement militaire?! Ça a porté ses fruits non?

Martin : Si on veut…

Agrippine : Comment ça si on veut?!

Martin : La seule différence, c'est qu'en plus des profs, maintenant les militaires aussi partent en dépression…

Agrippine : Oh quel rabat-joie vous êtes devenu! Tenez! Le drapeau français aux fenêtres! Ça a marché ça!

Martin : Pas vraiment… Ils ne restent aux fenêtres que pour faire les carreaux…

Agrippine : Quoi?!! Mais c'est une insulte à la nation!

Martin : Quoi? Que le drapeau soit devenu bleu, noir, rouge?

Agrippine : De souiller ainsi le drapeau de la nation! C'est un crime!

Martin : Il y a quelques jours, J'ai entendu une personne, utilisant son drapeau de la sorte, répondre à une autre qui s'en offusquait.

Agrippine : Ah! Et je peux savoir quelle réponse ce genre de sauvageon illettré a pu produire?

Martin : Ah… (Il réfléchit.) Si mes souvenirs sont bons, il a dit un truc du genre : « Dans un pays où les élites se torchent avec les principes, il n'est pas surprenant que le drapeau soit un essuie-tout. »

Agrippine : Et vous ne l'avez pas dénoncé?!

Martin : Non…

Agrippine : Inconscient! Où avez-vous entendu ces propos?!

Martin : Dans un bar. On ne peut plus y fumer, mais on peut encore y parler. Vous devriez y faire un tour, vous pourriez apprendre à connaitre vos semblables.

Agrippine : Moi? Avec les péquins de base? Non mais vous rigolez!

Martin : C'était juste une suggestion.

Agrippine : Elle était absurde!

Martin : (L'air de rien.) C'est aussi ce que les gens pensent de vos réformes…

Agrippine : (Agacé.) Non mais je ne vous permets pas! Tenez, la Marseillaise dans les écoles ça marche!

Martin : Et bien en fait, ça non plus ça n'a pas vraiment marché… Les élèves sèchent la première heure de cours pour ne pas avoir à la chanter…

Agrippine : (Autoritaire.) Faisons la chanter avant chaque cours!

Martin : C'est les encadrants militaires qui vont être contents…

Agrippine : Bon sang! J'ai bien réussi quelque chose quand même!

Martin : Oui!

Agrippine : Ah! Vous me rassurez!

Martin : Vous avez réussi a dégoûter les français des élections…

Agrippine : Ne soyez pas si pessimiste! Il faut positiver!

Martin : Les dernières élections ne sont pas encourageantes pourtant…

Agrippine : Mon pauvre Martin, les électeurs se fichent de ces petites élections. La seule qui compte c'est la présidentielle! Les français veulent des gens avec une belle image, un beau sourire! Ils se foutent pas mal d'aller voter pour le péquenaud du coin avec sa gueule en biais!

Martin : Si vous le dites…

Agrippine : Martin, il y a tout de même une chose que j'ai réussi à faire!

Martin : Quoi donc?

Agrippine : Vous changer! Souvenez-vous comme vous étiez neuneu! Aujourd'hui vous êtes quasi normal!!

Martin : Quasi normal?

Agrippine : Oui, vous n'avez pas encore mon niveau, mais avec des efforts, vous y arriverez!

Martin : Merci…

Agrippine : Mais sachez que je suis fière de ce que j'ai fait de vous!

Martin : Madame, je pense m'être fait tout seul. Durant ces dernières années à vos côtés, j'ai tout de même fait 3 dépressions…

Agrippine : (Avec pitié.) Mon pauvre Martin, vous êtes trop sensible!

Martin : Oui, ça doit être ça…

Court instant de silence.

Agrippine : Bon Martin, cessez d'être égoïste et revenons en à moi. Vous pensez que j'ai mes chances si je me représente?

Martin : Honnêtement?

Agrippine : Oui!

Martin : C'est très mal barré! Je sais que vous croyez aux miracles mais quand même!

Agrippine : Vous voyez comme vous êtes! Moi je fais confiance au peuple français! Ils me plébisciteront à nouveau! Ils ont bien réélu des menteurs et des escrocs! Pourquoi pas moi?

Martin : Vu sous cet angle, ça se défend… Mais il y a quand même un hic…

Agrippine : Quoi encore?!

Martin : Et bien les socialistes semblent vouloir des primaires avant la prochaine élection présidentielle.

Agrippine : Je vous en prie Martin! Taisez-vous! Ces primaires ça déprime!

Martin : C'était juste pour que vous évitiez de vous faire trop d'illusions.

Agrippine : On a une idée de qui voudrait se lancer dans ces primaires?

Martin : Votre ex-mari.

Agrippine : Le salop! Je savais que j'aurais dû le garder sous le coude! Mais franchement avec mon statut de présidente, je ne pouvais pas me permettre de me coltiner ce ringard! Enfin bon… Qui d'autre?

Martin : Emanuel Balls.

Agrippine : Merde! Si le fils caché de Zarosky s'en mêle on n’est pas sorti de l'auberge!

Martin : Il y a aussi Dominique… (Il n'a pas le temps de finir sa phrase.)

Agrippine : (Coupant la parole à Martin.) Ah! Personne ne voudra de lui, il privatiserait l'air qu'on respire! À côté de lui je suis Che Guevara!

Martin : Faut le faire!

Agrippine : En plus, il a le périscope baladeur, il est tout sauf furtif!

Martin : C’est donc un concurrent submersible!

Agrippine : Vous faites de l’esprit maintenant?

Martin : Ça m’arrive!

Agrippine : Décidément… Vous avez changé!

Martin : Oui.

Agrippine : Mais on s’écarte du problème Martin! Cessez de vous éparpiller!

Martin : (Levant les yeux au ciel d’un air excédé.) Bien madame…

Agrippine : Ces primaires sont une catastrophe! Tout ça c'est à cause de Martine!!

Martin : Pour une fois que ce n'est pas de la mienne…

Agrippine : Elle m'a volé le parti! Et en plus elle a triché!!!

Martin : Mais vous avez triché aussi madame!

Agrippine : Oh ça va! On ne va pas me faire un procès pour deux ou trois urnes bourrées de bulletins à mon nom!

Martin : On pourrait!

Agrippine : Laissez-moi rire! Et puis elle a fait pareil!

Martin ; Je sais madame, mais ça fait 3 ans, il faudrait aller de l'avant.

Agrippine : C'est une voleuse!

Martin : (Blasé.) Oui, madame…

Agrippine : Ne dites pas ça sur ce ton! J'ai l'impression d'avoir tort! Et j'ai horreur d'avoir tort!

Martin : C'est ce qui arrive quand on a rarement raison…

Agrippine : Comment?!

Martin : Rien, je pensais…

Agrippine : Ah? Et à quoi donc?

Martin : Au spectacle que ça donne aux électeurs.

Agrippine : Quel spectacle?

Martin : Celui d'une bande de nombrilistes gavés, qui ne veulent que la plus haute marche du podium.

Agrippine : Attention Martin! Vous virez anarchiste!

Martin : Excusez-moi, ça doit être l'overdose de beaux discours.

Agrippine : Bon, ne nous égarons pas! Vous avez une idée de quelle orientation prendre pour me représenter?

Martin : Non, mais je vous fais confiance pour trouver.

Agrippine : Quoi? Vous ne comptez pas m'aider?!

Martin : Non, et à ce propos… Je voudrais vous dire une chose…

Agrippine : Oh Martin! Arrêtez donc de toujours tout ramener à vous! Mon avenir est en jeu je vous signale!

Martin : Oui…

Agrippine : Oh, il y a aussi la question du candidat de droite! Je me demande qui va se lancer!

Martin : Zarosky probablement.

Agrippine : Vous rigolez? Avec la pâtée qu'il s'est mangé la dernière fois? Allons, soyons sérieux! Après sa défaite, il est parti déprimer un an dans la villa d'un dictateur.

Martin : Peut-être qu’il cherchait l’inspiration…

Agrippine : (Ignorant Martin.) Enfin, il est trop tôt pour s'en faire j'imagine…

Martin : (Froid.) Oui.

Long moment de silence, durant lequel Martin évite Agrippine du regard.

Agrippine : Bon… Je vois que vous n'êtes pas décidé à tenir une conversation, tant que vous n'aurez pas dit ce que vous avez à dire… Alors, je vous écoute…

Martin : Vraiment?

Agrippine : Oui!

Martin : Bon! Et bien madame, je ne veux plus travailler avec vous!

Agrippine : (Choquée.) Pardon?!

Martin : Je me retire, je m'en vais, je mets les voiles!

Agrippine : Vous êtes sérieux?!!

Martin : Oui, tout à fait madame!

Agrippine : Après tout ce que j'ai fait pour vous?!

Martin : Madame, vous m'avez bien fait comprendre durant ces années, à quel point j'étais inutile, vous voilà libéré de ce poids!

Agrippine : Et vous m'annoncez ça comme ça?!

Martin : Il est assez difficile d'introduire un deuxième personnage dans un monologue, madame.

Agrippine : Vous êtes un ingrat! Si vous devez partir, partez maintenant! Je n'aurais pas la force de voir la traitrise personnifiée plus longtemps!

Martin : C'est triste que vous le preniez comme ça… Mais tant pis! (Il se dirige vers la sortie, puis se retourne.) Avant de partir, juste une chose… Ce n'est pas parce que les gens vous lâchent qu'ils sont tous des traitres, certains veulent seulement vous signifier de quel côté se trouve la trahison.

Agrippine ne dit pas un mot, Martin sort de la salle.

Agrippine : (Après un petit instant.) Qu'il s'en aille, je n'ai pas besoin de lui! Je n'ai besoin de personne. (Se levant.) Je sais que je serai réélue! Les français seront tous avec moi dans cette prochaine bataille! (Sourire béat.) Les français m'épauleront! (Elle tend les mains vers le public qu'elle regarde.) Les français me suivront! Les français m'aimeront! Les français… (Elle ne peut pas finir sa phrase.)

Une voix au loin : Les français ils t'emmerdent!

Agrippine se laisse tomber sur sa chaise d'un air dépité.

Narrateur : Malgré tous ses espoirs, Agrippine ne sera pas réélu. Nous ne vivons pas dans un conte de fées. Les électeurs, désabusés, ne croyant plus les belles phrases, ni en leur avenir se tournèrent vers l'abstention et l'extrême droite. Le désespoir et la désillusion, engendrés par l'arrogance, l'ignorance et  le mépris des puissants, se renforcèrent pour ne laisser que le goût amer de la défaite. Pas la défaite d'un parti, ni même celle d'un candidat, mais celle de quelque chose de plus important, la démocratie. Une démocratie abimée par la haine, le mensonge, la corruption et les injustices. Malgré tout, peut-être nous reste t il  encore un choix, trouver un souffle d'espoir, ou se contenter de rester assis sans rien faire. Ce choix là aussi c'est à vous qu'il appartient.

Fin de l'acte.

 

ACTE 5b : Zarosky président!

La scène est dans le noir complet.

Narrateur : Jean-Nicolas a été élu président de la république. Après son élection, usant de ses relations, il s'est empressé de faire renvoyer Laurent Lepion, en appuyant Marion Noclin pour son remplacement. Julien Lemard de son côté travaille toujours pour le même site internet, et écrit régulièrement des articles mettant le petit président dans une colère noire.

Environ 4 ans après son élection Zarosky voit sa côte de popularité chuter dans les sondages, atteignant un score ridiculement bas. Dans ce contexte, l'hyper président devenu hyper impotent, cherche comment redorer son blason.

La lumière éclaire la scène. Jean-Nicolas est assis devant son bureau, un livre y est posé, il le lit. Henri Jaino entre dans la pièce et regarde Zarosky un instant.

 

Henri Jaino : Qu'est-ce que tu fais?

Jean-Nicolas : Je lis! J'en ai marre qu'on me traite d'inculte!

Henri Jaino : Et c'est comment?

Jean-Nicolas : Chiant! J’vois pas quel intérêt les gens trouvent à ça! C'est vraiment rébarbatif!

Henri Jaino : Tu n'as peut-être pas choisi le bon livre.

Jean-Nicolas lève le livre, il s'agit d'un livre de recettes de cuisine.

 

Henri Jaino : (Voyant le livre.) Ah… Hum! Bon, et qu'est-ce qui a déclenché cette soudaine envie de culture?

Jean-Nicolas : On s'est encore moqué de moi! Tout ça parce j'ai répondu à une question idiote!

Henri Jaino : Laquelle?!

Jean-Nicolas : Un imbécile voulait savoir quel était mon livre préféré, heureusement que c'était en off! La honte sinon!

Henri Jaino : Tu as répondu quoi?!

Jean-Nicolas : La maison de Valérie… Mais c'est de la faute de Frédérique Lefèbre! Il m'a donné des conseils, Zadig et Voltaire, les 3 suisses, Lacoste et la maison de Valérie. Comme j'en ai lu aucun, j'ai pris le premier qui m'est venu! Visiblement j'ai pas choisi le bon…

Henri Jaino : En effet… C'est une chance que tu ne l’aies pas nommé à la culture celui-ci!

Jean-Nicolas : T'as raison! (Fermant le livre.) Bon j'en ai assez de ces foutaises! J'ai des soucis plus importants!

Henri Jaino : Ah! Alors tu as vu la dernière enquête d'opinion…

Jean-Nicolas : Encore une?!

Henri Jaino : Ce n'est pas ce qui te tracassait?

Jean-Nicolas : Non! Ma femme a une extinction de voix!

Henri Jaino : (Ne sachant pas comment prendre la chose.) C'est de l'ironie?

Jean-Nicolas : (Ne comprenant pas.) Quoi?!

Henri Jaino : (Embarrassé.) Non, rien…

Jean-Nicolas : Bon alors cette enquête c'est quoi?!

Henri Jaino : Ils viennent d'en parler il y a quelques minutes, c'est pour ça que je suis venu te voir.

Jean-Nicolas : Bon sang! Accouche! Tu me stresses!

Henri Jaino : Et bien si l'élection avait lieu aujourd'hui, tu ne serais pas au second tour…

Jean-Nicolas : (Se levant brusquement.) Quoi?! Mais c'est pas moi qui l'ai commandé ce sondage là?!!

Henri Jaino : Je me doute bien que non…

Jean-Nicolas : Mais c'est pas possible! Et qui seraient les candidats du second tour?!

Henri Jaino : Tous les socialistes en lice se qualifieraient, exceptée Agrippine Raynal qui est dans les choux depuis sa défaite à la présidentielle. Et face à eux, c'est Marine Lapen…

Jean-Nicolas : Quoi?! Mais c'est son père avec une perruque blonde! Qu'est-ce que ça veut dire?! Qu'est-ce que j'ai fait de travers?!

Henri Jaino : Les français sont injustes! Après tout ce que tu as fait pour eux!

Jean-Nicolas : C'est vrai ça! Merde alors! Elle a des soutiens?

Henri Jaino : Oui… Maitre Tollard et Brigitte Fardot!

Jean-Nicolas : (Rigolant.) Un loser et un ancien mythe plein de mites! Tu parles d’un soutien!

Henri Jaino : (Très sérieux.) Tu ne devrais pas en rire! Certains français semblent la préférer à toi!

Jean-Nicolas : (Reprenant son sérieux.) Merde, t’as raison! Comment ils peuvent me faire un coup pareil? Je les ai sortis de la crise! Je leur ai sauvé la peau! Mais bon sang, comment elle fait pour me piquer ma place la fille bulldog?!

Henri Jaino : Les mauvaises langues disent que c'est ta faute…

Jean-Nicolas : J'ai l'dos large! Et j'peux savoir pourquoi?!

Henri Jaino : D'après les gauchos, c'est à cause de ta politique qui divise les gens. De plus, les français ont de moins en moins confiance en la classe politique.

Jean-Nicolas : Bon… J'vois… (Il se calme et se rassoit.) Faut qu'on rejette la faute sur autre chose… (Il réfléchit un instant.) Tiens! La crise économique justement!

Henri Jaino : On peut essayer, mais on a déjà utilisé cette excuse pour réformer les retraites, alors est-ce que ça passera?

Jean-Nicolas : Mais oui! Ils n'y verront que du feu! Bon, par contre va falloir que je dise à Claude Béant de lever le pied sur les déclarations aguicheuses pour les franchouillards.

Henri Jaino : Oui, ça aiderait.

Jean-Nicolas : Je l'appellerai ce soir! Il est en groupe de thérapie aujourd'hui.

Henri Jaino : (Surpris.) Groupe de thérapie?!

Jean-Nicolas : Oui, au Ku Klux Klan anonyme. Je lui ai conseillé après avoir décelé son addiction aux déclarations racistes. Bon, ça marche pas pour tout le monde, Brice Mortevieux s'en est jamais remis… C'est un incurable y parait!

Henri Jaino : C'est triste!

Jean-Nicolas : Oui, mais pas le temps de chouiner! Faut que j'remonte ma cote! Mais là, j'vois pas trop comment faire… L'ouverture à gauche, c'est fait… Fleureter avec l'extrême droite, c'est fait… Non, rien à faire, j'vois pas!

Henri Jaino : Il y a une chose que tu dois faire! Soutenir la révolution contre le colonel Gagafi! Souviens-toi qu'après ton élection, tu lui as déroulé le tapis rouge, qu'il a planté sa tente dans les jardins de l'Elysée. Je te rappelle aussi que pendant ce temps, on a envoyé les C.R.S, le long des quais, pour déloger les clodos et leurs toiles de tentes.

Jean-Nicolas : (Nerveux.) Mais les clodos ils ont qu'à m'acheter des Rafales s’ils veulent planter leurs tentes!!  Faut bien faire tourner la boutique merde!

Henri Jaino : Oui, je comprends. Mais si un journaleux gauchiste du style de Julien Lemard décide de t'attaquer là dessus, tu vas t'enliser. Si tu ne t'opposes pas à Gagafi, ton comportement passé envers lui, te portera un grave préjudice!

Jean-Nicolas : (Inquiet.) Oui, je vois… (S’emportant.) Quel con aussi ce Gagafi! Quelle idée de tirer sur la foule à balles réelles?! Il peut pas faire comme nous? Quelques coups de matraques bien sentis, de la lacrymo plein la tronche, un jet de flotte et le tour est joué! Merde! C'est quand même plus discret et plus respectable. Si Faillot-Marie était encore ma ministre de la défense, elle aurait venté notre savoir faire en la matière!

Henri Jaino : Toute cette histoire ne nous simplifie pas la tâche. Mais il faut la régler! Te souviens-tu de l'article que Lemard a pondu après la visite de Gagafi?

Jean-Nicolas : Non, je fais en sorte d'oublier très vite ses torches culs!

Henri Jaino : Je me souviens qu'il disait : « Dans cet accueil en grandes pompes en l'honneur de Gagafi, il y avait une grande absente, la déclaration des droits de l'homme, et pour cause… Zarosky s'en servait comme estrade. »

Jean-Nicolas : (Tapant du poing sur le bureau.) Le connard! Je l'avais oublié ce coup là!

Henri Jaino : C'est pour ça que je te répète qu'il faut prendre cette histoire au sérieux. Si Lemard déterre ça, d'autres gratte-papiers vont s'engouffrer dans la brèche.

Jean-Nicolas : Quelle bande de salops ces journalistes! Il y a cinq ans, ils m'adoraient, ils me suivaient partout, ils rigolaient à mes blagues qui ne font rire personne habituellement! Et maintenant les voilà qui me crachent dessus! Après tout le papier que je leur ai fait vendre! Ils n'ont aucune considération!

Henri Jaino : L'opinion se détourne de toi, alors ils font de même.

Jean-Nicolas : Va falloir que je passe des coups de fils pour en insulter quelques un, ça me soulagera!

Henri Jaino : Tu devrais aussi tenter de faire pression sur les chaines publiques pour mettre un terme à certaines émissions.

Jean-Nicolas : Lesquelles?

Henri Jaino : Celles où on débat, où on échange. Il suffit de mettre ça sur le dos d'audiences faibles pour que ça passe. Un peu de silence te sera bénéfique.

Jean-Nicolas : Je devrais aussi arrêter de passer à la télé un moment, tu ne crois pas?

Henri Jaino : Tout à fait!

Jean-Nicolas : Ouais, ils doivent être lassés…

Henri Jaino : Peut-être… Il faudrait faire des apparitions plus rares, lors de visites dans des usines par exemple. Histoire d'avoir l'air proche de la populace.

Jean-Nicolas : Oh ça me déprime rien que d'y penser!

Henri Jaino : Courage! On va y arriver!

Jean-Nicolas : Ah t'es un vrai ami toi! Qu'est-ce que je ferais sans toi?

Henri Jaino : Merci!

Jean-Nicolas : Non mais c'est sincère! Je vois bien en ce moment toutes celles et ceux qui retournent leur veste!

Henri Jaino : Oui, ce n'est pas rassurant. Certains pensent même que tu n'es peut-être pas le candidat idéal pour nous faire gagner la prochaine présidentielle.

Jean-Nicolas : Ah oui? Et qui ils vont envoyer alors?!

Henri Jaino : Y’en a certains comme Jean-François Toqué ou François Fuillon qui y pensent…

Jean-Nicolas : Fuillon président? Laisse-moi rire! Il prend un jet privé pour aller dans sa cambrousse profonde! Non mais franchement! Moi au moins quand je prends un jet, je vais là où l'français d'base ne peut pas s'payer des vacances! Sinon, à quoi bon avoir des privilèges?!

Henri  Jaino : Oui, mais méfie-toi tout de même de lui!

Jean-Nicolas : Mais non, t'inquiètes pas va! Par contre Jean-François Toqué faut l'avoir à l'œil!

Henri Jaino : Oui, il ne cache pas son ambition ce petit morveux.

Jean-Nicolas : Si il s'imagine m'évincer comme ça, il rêve! Je vais m'occuper de son cas, je vais te l'rebaptiser moi, c'est Jean-François éclopé qu'on va l'appeler après ça!

Henri Jaino : Si on veut éviter tout ça, on doit à tout prix avoir une stratégie pour remonter ta cote.

Jean-Nicolas : Oui, bon déjà, si je passe moins à la télé, mis à part pour visiter la France d'en bas, ça fait déjà une bonne chose. D'ici que l'élection arrive, il faut qu'on fasse un peu dans le social. Attention, j'ai dit un peu! Faut pas pousser non plus!

Henri Jaino : Oui, bonne idée.

Jean-Nicolas : Tiens, j'ai une idée!

Henri Jaino : Ah?!

Jean-Nicolas : On va inventer une prime!

Henri Jaino : Mais et les dettes alors?

Jean-Nicolas : On s'en fout! On entre en période électorale faut pas jouer les rapiats!

Henri Jaino : Oui, après tout, si ça permet ta réélection, ça ne peut pas être mauvais!

Jean-Nicolas : Bon alors, voilà mon idée! On invente une prime pour les salariés des entreprises qui augmentent leurs dividendes! On l'appelle la prime 1000 euros! Bon, évidement c'est de la broutille qui concernera une poignée de zigotos, puis ils toucheront jamais 1000 euros. Mais en voyant un tel montant, ils retiendront que ça!

Henri Jaino : C'est ingénieux!

Jean-Nicolas : Tu peux le dire! Tu vois j'ai encore de la ressource!

Henri Jaino : Je dois l'admettre en effet!

Jean-Nicolas : (Claquant des doigts.) Mais j’y pense d’un coup! J’ai une carte à jouer de mon côté!

Henri Jaino : Laquelle?!

Jean-Nicolas : Et bien ma p’tite femme qui est enceinte! Les français vont avoir pitié, ils ne mettraient pas de jeunes parents à la porte du palais tout de même!

Henri Jaino : C’est vrai, ils ne peuvent pas être aussi cruels!

Jean-Nicolas : Bon bah avec tout ça, si les électeurs n'affluent pas comme des veaux à la tétine de leur mère, je veux bien me faire bénévole à l'armée du salut!

Henri Jaino : (Surpris.) Vraiment?!

Jean-Nicolas : Non, c'était une blague! Tu sais bien que les pauvres me débectent, ils n'ont aucunes ambitions!

Henri Jaino : Oui, suis-je bête!

Jean-Nicolas : Ah tout ça me requinque le moral!

Henri Jaino : Moi de même!

Jean-Nicolas : Oui, bon, faudra saupoudrer tout ça de soutiens dans le showbiz moins ringards que la dernière fois, et ça devrait passer comme une lettre à la poste!

Henri Jaino : Oui, ça devrait pouvoir se faire.

Jean-Nicolas : Avec ce gros paquet cadeau, la France est à nous! Ah! On va y arriver! On va leur montrer à tous les septiques! Ils seront pas fiers après ça, je te le dis!

Henri Jaino : Je n’en doute pas, mais si jamais ça ne suffit pas à amadouer le chaland?

Jean-Nicolas : Dans ce cas là j'ai la phrase magique!

Henri Jaino : Laquelle?

Jean-Nicolas : (Avec un sourire malicieux.) « J'ai changé! » Ça a marché la dernière fois!

La scène est plongée dans le noir.

 

Narrateur : La phrase magique n'aura aucun effet, Zarosky ne gagnera pas cette élection. Nous ne vivons pas dans un conte de fées.

Les électeurs, désabusés, ne croyant plus les belles phrases, ni en leur avenir se tournèrent vers l'abstention et l'extrême droite. Le désespoir et la désillusion, engendrés par l'arrogance, l'ignorance et  le mépris des puissants, se renforcèrent pour ne laisser que le goût amer de la défaite. Pas la défaite d'un parti, ni même celle d'un candidat, mais celle de quelque chose de plus important, la démocratie. Une démocratie abimée par la haine, le mensonge, la corruption et les injustices. Malgré tout, peut-être nous reste t il  encore un choix, trouver un souffle d'espoir, ou se contenter de rester assis sans rien faire. Ce choix là aussi c'est à vous qu'il appartient.

Fin de l'acte.

 

 

© 2011 Cyril Coatleven. Tous droits réservés.

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