La teigne

Jean Claude Blanc

comme ces gosses méchants comme la gale, sauf que l'animal sévit "à l'insu de son plein gré"

                                        La teigne

 

On l'appelait la teigne, emmerdeur comme la gale

Une larve répugnante, sortie de son cocon

Pourtant pas un athlète, mais son arme fatale

C'était enquiquiner, les petit avortons

 

Par-dessus ses lunettes, la mine renfrognée

Il guettait dans son coin, un bambin à gifler

Une fesse à pincer, un gros mot mal placé

Les pauvres marmousets, victimes désignées

 

Se plaindre à la maitresse, on s'y précipitait

Le visage éploré, amour propre blessé

Le funeste gredin, fier de son forfait

Répondait sans broncher, « madame, j'ai rien fait »

 

Aurait fallu bien sûr, le prendre sur le fait

C'était un gros malin, simulait la pitié

Devant toute sa cour, tendait main solidaire

Mais dès le dos tourné, brandissait doigt en l'air

 

La teigne, c'est le nom, d'une famille de criquets

Termites, doryphores, sauterelles missionnaires

Qui ravagent les récoltes, les vignes, les pommes de terre

Quand la horde est passée, tout est ratiboisé

 

Aussi l'appellation, d'un drôle de champignon

Qui infeste lentement, le cuir de ton citron

Si tu le laisses faire, va te faire ta fête

« Maman, y'a une bête qui me gratte la tête »

 

Belle comparaison, avec l'autre obsédé

L'acharné écolier, qu'est têtu comme un âne

Il a pour idée fixe, te dévorer le crâne

Pour gâcher ton sommeil, infecte tes pensées  

 

On se demande pourquoi, y'en a qui sont méchants

Peut-être est-ce dans leurs gènes, hérités des parents

Hargneux petits roquets, sont les souffres douleurs

Traités comme des chiens, accablés de malheurs

 

Ce n'est pas une raison, pour détester le monde

On ne peut accepter, leur conduite furibonde

Car plus on prend de l'âge, plus on a de besoins

Pourraient bien devenir de sinistres vauriens

 

Ont le mal dans la peau, veulent toujours se venger

Du sort qui leur est fait, de tendresse privés

Ils ne voient que du monde, son côté vicelard

Pour les réconcilier, je crois bien, c'est trop tard  

Tu sais sont repérés, ces fauteurs de troubles

Ils se croient ignorés, c'est pour ça qu'ils nous doublent

En dehors de l'école, personne à qui parler

On les tient à l'écart, pas bons à fréquenter

 

Sont pas si éloignés, de l'insecte pourvu d'ailes

Comme eux veulent dévorer, toute la ribambelle

De minots, gouttes au nez, qui n'ont rien demandé

Qu'ensemble s'amuser, surtout pouvoir rêver

 

Elle n'a pas de limite, leur agressivité

Comme on soigne les teignes, on voudrait les tanner

Aujourd'hui, si tu touches, à leur enfant chéri

Les parents portent plaintes, « police académie »

 

Jadis pas de quartier, dans nos écoles sauvages

L'instituteur matait, les idiots du village

Leur flanquant des fessées, devant toute la marmaille

Même les plus effrontés, en prenaient pour leur grade

 

Dans les fermes modèles, sans attendre, on agit

Il vaut mieux prévenir avant que de sévir

Pas très écologique, la méthode chimique

On sulfate les bestioles qui pourrissent la vie

 

En classe comme ailleurs, y'a toujours un artiste

Un crâneur grand dadais, qui joue les dictateurs

Dans nos boulots d'adultes, on a aussi nos pitres

Qui tentent de faire la nique, en ouvrant grand leur gueule

 

Y'a que la fin qui compte, il faut raison garder

Les mites qui grignotent, te taillent un costard

Seront surprises un jour, de se voir piégées

Les muscles des fiers à bras, se dégonflent tôt ou tard

 

Comme quoi cette teigne, nous emmène bien loin

D'un seul mot évoqué, on en fait une fable

Y'a certaines espèces, qu'il faut lorgner en coin

A croire qu'elles sont nées, pour être sans foi, ni loi

 

Quand je pense à la teigne, je revois le lascar

Qui m'en a fait baver, au cours préparatoire

J'étais son obligé, timide supplicié

Jamais pu le saquer, ni même le dénoncer

 

Ne fais pas comme moi, faut te faire respecter

Pas à coups de châtaignes, seulement le mépriser

Va dire à la maitresse, qu'il te cherche des noises

Avant de t'endormir, confie ce qui t'angoisse

Y'A papa et maman, te comprendront, crois-moi…

JC Blanc          février  2023 (petit conseil en passant…)

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