La troisième dimension. Partie 2.

Kanon Gemini

John se réveille dans un état lamentable. Il tente de reprendre ses esprits après une nuit visiblement agitée.

     Ça y est, je vois la lumière. Je suis mort ? Ah non, vu la putain de migraine que je me tape. Ou alors, j'ai la mort la plus pourlingue qu'il soit et je suis en enfer. Je décolle tant bien que mal mes paupières et m'aperçois que cette lumière, c'est juste ce putain de soleil rasant d'hiver. En essayant de bouger, je me rends compte que je suis assis et encore plus plié en quatre. Ah ouais, OK, je me suis endormi dans ma voiture. Si cette nuit, j'avais mal partout, là, c'était pire. J'étais plus proche du clic-clac que de l'être humain. Les souvenirs de mon réveil me reviennent, mais pas ce qui s'est passé avant. Je fouille machinalement ma caisse, mes poches. Rien, si ce n'est des restes de junk food éparpillés. Je voulus voir où j'étais et visiblement, j'étais dans un bled qui s'appelait Louvres, dans le 95. Au moins une bonne nouvelle, ça n'était qu'à 20 minutes de chez moi. Frustré, la meilleure idée qui me vint à ce moment fut le combo doliprane, café douche pour essayer d'y voir plus clair et d'avoir moins l'impression d'être un clodo.


     10h34. Je recommençai à me repérer dans le temps. Arrivé à mon bureau, je passais telle une épave la porte qui affichait fièrement John Cache, détective privé. Et ouais, je suis détective privé. Ça en jette hein ? Vainqueur à un concours de circonstance, je m'étais retrouvé à embrasser cette carrière. Enfin carrière, c'était vite dit. L'intérieur de mon bureau, qui faisait office d'appartement, me ramenait ainsi que le client éventuel, à la réalité. Quand je voyais ça, je me disais que j'étais le prochain à passer dans « c'est du propre ». Remarque, les deux femmes dedans, ça pouvait être sympa comme plan à 3. Sûr qu'avec leurs airs BCBG, c'était des furies. Je mis un peu d'ordre rapidement le temps que ma cafetière se remplisse. En jetant un coup d'œil au journal, je vis qu'on était jeudi. J'avalais mon doliprane, puis ma cafetière complète. Je me dessapai et me glissai sous la douche. L'eau chaude, limite bouillante, termina de me réchauffer et de retrouver vaguement mes esprits. Une fois sorti, j'enfilai mon pantalon de costume gris avec une chemise noire passée et me décidai à ouvrir mon agenda. Rien hier. Avant hier ? Juste un nom était indiqué : M. Maquartnet Paul. Ça ne me disait rien. C'était gênant. Je me voyais mal appeler ce Monsieur pour lui demander : au fait, vous pouvez juste me redire pourquoi vous m'avez embauché ? Non, il allait falloir que je fasse un effort. Je googlelai son nom et un visage apparut. Ah, ça commençait à me causer.


     Faut dire qu'un physique comme ça, même un fonctionnaire de l'état civil, il s'en souvient. Le mec était le résultat d'un coton tige qui aurait forniqué un chou-fleur. Sur les différentes photos que je voyais, il était très grand, proche du double mètre. Mais épais comme un coup de trique. Sur son visage de lame de couteau reposait une tignasse grise bouclée et épaisse, limite coupe afro. Il apparaissait toujours dans un costume avec des couleurs douteuses et un nœud papillon. Quelque soit la saison de la photo, il était pale comme un cul et d'énormes lunettes avec des verres encore plus épais étaient enfoncées dans son nez. Je venais de rebrancher mon téléphone portable quand la vibration d'un SMS me fit sursauter. Dans la bulle, c'était le client. Oh putain !!


- Bonjour Monsieur Cache. Comment avance l'enquête pour retrouver mon fils ?


Et merde. Il allait falloir que je lui joue l'air de la flûte enchantée.


-Bonjour M. Maquartnet. Je suis en planque depuis deux jours pour suivre une piste qu'un indic que j'ai un peu secoué m'a donné. Encore un qui ne parlera plus à grand monde. Je vous tiens au courant dès que j'ai une avancée concrète. Bonne journée.


     Et voilà le travail. Pro, action, baston. Avec un message comme ça, s'il n'était pas rassuré, je ne pouvais plus rien pour lui. Bon, en tout cas, visiblement, j'étais parti à la recherche de son fils. Ça me changeait de mes traditionnelles histoires de cocus. Des brides de notre rencontre me revenaient. Un fils, 22 ans, disparu depuis 1 an. Ils n'étaient pas très proches, je ne sais plus trop pourquoi, mais les flics avaient pris cette indifférence pour expliquer l ‘éloignement du fils. En gros, il avait fugué. Le père avait trouvé ça un peu léger. Pas moi. Mais quand j'avais vu le chèque, je m'étais rappelé que si le client est roi, l'argent est dieu et j'avais mis mes considérations de côté. Le tout était de me souvenir comment je m'étais retrouvé au pieu avec cette fille. Le mal de tête était passé. Bizarre pour une gueule de bois remarquai je. Je me dis qu'avec le message que j'avais envoyé au casse couille, j'avais un peu de temps pour terminer de récupérer. De plus, le jeudi soir, c'était dîner chez ma mère. C'était la tradition. Elle me préparait un petit plat avec tout son savoir faire, sorti du congélateur et passé au micro-onde, le tout accompagné d'une bouteille de Jack Daniel's juste pour moi. On s'installait dans son canapé, devant la télé, et on s'envoyait un film qu'elle avait loué au vidéo club à côté. On était proche avec ma mère. Déjà parce que j'étais fils unique. Et parce que je n'avais jamais connu mon père (une sombre histoire sur laquelle elle n'avait jamais été très claire. J'imaginais sans mal un plan cul dans les chiottes du Macumba). Et puis on s'aimait. On s'appelait une fois par jour. Elle était heureuse d'entendre mes enquêtes et de…. Putain, mais que je suis con. Maman doit être au courant de l'histoire. Et je mange avec elle dans… 6H. Génial, une sieste sur mon canapé, de toute façon, je n'avais pas de lit.

     Ah oui, l'aménagement chez moi était spartiate. J'avais été obligé de faire ce choix pour caser un bureau qui fasse un minimum sérieux dans ce qui aurait du être ma salle à manger. Sur celui-ci trônait un ordinateur, un carnet, un stylo. L'étagère, sur la gauche, était remplie de cartons à archives de mes enquêtes. La plupart étaient vides, mais c'était comme Tintin au pays des Soviets, seule l'apparence comptait. Dans ma cuisine, j'avais fixé au mur une table escamotable pour pouvoir y manger malgré qu'elle soit plus proche d'un couloir qu'autre chose. Enfin, ce qui aurait du être ma chambre était mon salon avec un canapé, une télé et une table basse. J'avais investi lourd sur le canapé car dans mon cas, le confort était vital. Et je me devais de garder la totalité de mes exceptionnelles capacité physique pour traquer les amants et maîtresses en tout genre.

     Sur ces considérations de décoration d'intérieur, je me sentis m'enfoncer dans mon canapé pour épouser un sommeil qui, cette fois-ci, je l'espère, sera réparateur.


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