La troisième dimension. Partie 4.

Kanon Gemini

John part à la pêche aux informations.

Chapitre IV : Le garage Peskov


J'émergeais péniblement de ma nuit. Mais au moins, j'étais reposé. Par contre, j'avais un peu la tête qui tournait et le bide en vrac. Les effets de la cuite de la veille. Faut dire aussi que la mater, elle a la main lourde. Les bourbons, c'est la moitié d'un verre à chaque fois. Et comme je n'avais pas mangé… Bon, en même temps, la bouteille y était passée, ça n'aurait rien changé. La première chose à faire était d'aller à ce garage à Courbevoie. Ça va, c'est les beaux quartiers, ça s'annonce tranquille. Réflexion faite, les premières choses que j'allais faire, c'était d'aller égoutter ma sardine, me brosser les ratiches et me prendre un bon café. Dehors, le temps n'avait pas changé d'un iota. Toujours ce froid glacial avec ce vent qui vous fouette la gueule et cette pluie fine qui transperce les vêtements jusqu'aux os. J'allais repasser chez moi pour prendre une tenue adaptée pour éviter de me les meuler toute la journée. Avant les préparatifs de mon expédition commando, je voulus dire au revoir à maman. Je poussais délicatement la porte de sa chambre voir si elle dormait encore. Je n'aurais jamais du. Ma mère ronflait comme un sonneur de cloche, nue comme un vers, la couette ne couvrant que son ventre. Je repartis chez moi en ayant comme première image de la journée les seins et la chatte de ma mère. Génial. Après, je ne pus m'empêcher, avec un certain dégoût pour moi même, de comprendre le succès qu'elle rencontrait auprès des mâles en rûte.

Après avoir repris forme humaine, je sortis habillé comme un bûcheron canadien. Grosses chaussures, grosses chaussettes, jean, surchemise et parka. Mon sac lui contenait mon thermos de café, une bouteille vide pour… pas de dessin, un sandwich, une lampe, un chargeur de téléphone, des jumelles, des couvertures thermiques et étanches et du PQ. J'avais appris douloureusement lors de mes premières enquêtes que des fois, on peut aller frapper à la porte directement, et des fois, il valait mieux rester en planque. Et la planque pouvait s'éterniser. La soif et la faim, c'était dur, mais alors le pire, c'est devoir aller poser une pêche sans pouvoir se torcher. Et mon petit doigt me dit, à la vue du nom, qu'il valait mieux que je reste en planque devant ce garage. Un garage qui s'appelle Peskov et pas point S ou feu vert, ça n'inspire pas la tranquillité. Oui, je sais, ça fait clichés racistes, mais j'assume. Les mecs des pays de l'est, souvent, ils foutent la trouille. Avec eux, tu sens que la vie humaine n'a pas la même valeur que celle que je lui accorde.

Alors Courbevoie, c'est beaucoup de beaux quartiers. Mais pas celui là. J'avais l'impression d'être arrivée dans un secteur où une invasion zombie avait détruit les restes de civilisation. Des bâtiments vides, tagués, plus de fenêtres ni de portes. Putain, mais qui venait faire réparer sa tire par ici ? Plus j'avançais, plus je me dis qu'il serait de bon ton de garer ma voiture rapidement et de finir à pieds si je ne voulais pas être repéré. Je devais être dans le seul engin en état de fonctionner du secteur. Je vis un de ces bâtiments de plein pieds sans porte où j'allais pouvoir cacher ma voiture. Une fois stationné au calme, j'enfilais mon bonnet, mon cache nez et attrapait mon sac. Il allait falloir trouver le garage discrètement puis un point d'observation. En tendant la tête à l'extérieur, je vis que le garage était à deux bâtiments sur le trottoir d'en face. Autant dire qu'il était impossible de s'approcher sans se faire repérer. En étudiant mon parking improvisé, je vis qu'il était doté d'un toit plat. Je fis le tour de la pièce des yeux pour apercevoir une verrière en miette évidemment. J'avançais ma voiture dessous et posais une poubelle sur son toit, me permettant, après un numéro d'équilibriste digne du cirque de Moscou, de me hisser sur le toit. J'allais immédiatement au coin du toit et dépliais mes couvertures, me permettant de m'allonger sur le sol sans être trempé, et mis l'autre par dessus moi, pour me protéger du froid. Je sortis mes jumelles et commençai ma surveillance.

Et bingo ! Quand ça pue la merde, c'est que souvent y'en a. Là, les types qui bossaient avaient tous des têtes de repris de justice, voire de repris de justesse. Scarface en pire. Mais bizarrement, les bagnoles sur lesquelles ils bossaient semblaient bien luxueuses par rapport au bouge que c'était. Ça sentait le trafic de voitures volées. Comment procéder ? Je n'allais pas appeler les flics, je n'avais pas de preuves. Continuer de les espionner ? Ça n'allait rien me donner. Aller frapper à leur porte ? Pour leur dire quoi ? Hey, je recherche le fils d'un mec qui a bossé ici ? Je n'avais ni son nom ni sa photo. D'un coup, l'évidence me frappa. J'étais déjà venu ici, j'avais obtenu des informations et j'avais survécu. Donc autant y retourner et jouer la franchise. Je repliais mes affaires et redescendis à ma voiture, sans me casser la gueule, ce qui tenait du miracle. Je redémarrai pour faire les derniers mètres qui me séparaient de retrouver le fil de mon enquête ou d'une concession au cimetière.

Je m'engouffrais dans la rue, en m'arrangeant pour être bien visible, histoire qu'ils ne paniquent pas. Ils ne mirent pas longtemps à me repérer, telle une meute de hyène. Plus j'approchai et plus je me disais qu'en effet, ils n'avaient vraiment pas des gueules de porte-bonheur. L'un deux m'interpela :


- Qu'est ce que tu viens foutre ici le détective de mes couilles ? Il me semblait que la dernière fois, nous avions été clairs.


Mon sens de l'observation aiguisé et mes années de pratique en langues étrangères dans tout Paris me permirent d'arriver à deux conclusions : j'étais en effet déjà venu ici et, en effet, c'était bien des russes ou tout du moins des mecs des pays de l'est. C'était une énorme avancée. Néanmoins, je commençais à puer la trouille à plein nez. Mes poils se dressaient comme ceux de Spiderman quand son sens araignée se déclenchait. Par contre, ma queue se rétractait et essayait de trouver abri à l'intérieur de mon corps. Malgré le froid, je transpirais à grosses gouttes.


- Bonjour messieurs. Je ne cherche pas les ennuis. J'ai un gros soucis : j'ai une amnésie totale de ce qui s'est passé ces deux derniers jours et je suis obligé de recommencer mon enquête depuis le début. Visiblement, une personne ici m'a donné des informations et j'aimerais pouvoir la rencontrer de nouveau, ré avoir ces informations et disparaître.

- La seule information que nous t'avons donnée, c'est que si tu te pointais de nouveau ici, tu repartirais avec ta bite dans un tupperware.


A son visage, je vis que ce n'était pas une vanne. J'allais rebrousser chemin pour garder mes bijoux de famille quand une voix de stentor, brisant les ricanements des hyènes, retentit.


- Vos gueules !!! C'est toi Cache ?


Putain, j'allais me pisser dessus. Un mec de deux mètres cube sortit du bâtiment et je sentis bien, à l'expression de son visage, qu'il avait été privé de ses céréales préférées au petit déjeuner. Avant même que je réponde, ou voyant que j'étais tétanisé, le colosse me fit signe avec ces doigts de m'approcher. J'imaginais déjà les tortures qu'ils allaient m'infliger, je n'étais plus maître de mon corps. Voyant ma pétrification, il eut une mine étonnée avant de s'avancer vers moi.


- John, ça va ? Tu as la chiasse ou quoi ? Viens dans mon bureau, qu'on aille s'en jeter un au chaud. Je vais te raconter ce que je sais sur ce petit enculé.

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