Le monde est rempli de couleurs

elixir

Parfois la nuit, mes peurs papillonnent sous mes paupières et des monstres d'encre s'agitent. Leurs crocs viennent se planter droit dans mon cœur et soulèvent mes larmes : c'est la morsure du passé.

...Mais je chasse maintenant leurs poids et leur présence avec milles pensées d'espoir, et un grand apaisement commence à se nicher dans ma poitrine, tuant les gémissements démunis de l'adolescente que j'ai été. Parfois de la jeune adulte.


Toutes ces nuits passées dans la solitude ont forgé ma détermination, et m'ont permise d'affronter ce qu'il y avait au plus profond de moi. J'aime être seule, j'aime être libre, et j'aime les mots bruts et poétiques, glissant de mon cerveau à ma peau. Comment ai-je pu avoir peur d'être seule ? Comment, toutes ces années, ai-je presque pu arrêter de lire et d'écrire, alors que ma cervelle est imbibée d'encre et de pensées qui tournoient sans cesse, dépeignant des images tantôt fantastiques, tantôt sordides et crues.


J'ai passé tant de temps à essayer de me reconstruire alors que mon essence a toujours imprégné mon corps tout entier sans jamais le déserter. Je n'ai jamais été vide grâce à ce tatouage invisible se déplaçant sans cesse en moi et faisant pulser mes poux avec tant de chaleur, même lorsque j'errais en ayant oublié cette évidence. Il y a longtemps que j'ai compris ce qui m'animait : les couleurs, la vie, la liberté et la réalisation. La Réalisation même, puisqu'il ne s'agit pas seulement de créer mais aussi de s'épanouir en le faisant. L'amour fait aussi parti de mon être, après tout j'ai tant eu envie de donner et de recevoir. J'ai été gourmande d'amour et de mots doux, de sourires affectueux et de gestes tendres.


A en perdre le contrôle. A accepter de donner tant en recevant systématiquement les miettes des efforts que je déployais pour l'autre. Ce ne sont pas de simples mots, dessins, pensées et encouragements que je donnais, mais l'espoir, l'énergie et l'affection qui m'animaient. La douleur a infecté tout mon être, pire que celle de la solitude. Peut-on vraiment avoir naïvement aimé, comme un enfant candide qui se laisserait emporter pour la première fois par ce sentiment, sans connaître ce lent poison si addictif ?


Mais contre la plupart des poisons, il existe des antidotes et des solutions. Se sevrer, c'est accepter d'être adulte et de se tourner vers ce qui rend notre vie meilleure. Il y a tant de drogues destructives dans ce monde : celles qui nous mettent en contact avec la corruption de ce monde, celles qui nous font oublier notre passé ou présent au lieu d'en tirer du courage et de la motivation, et plus généralement celles liées au plaisir immédiat et à la facilité. La nourriture, l'alcool, les jeux vidéos et le sexe démuni de sens sont par exemple des drogues qui peuvent nous ronger de l'intérieur.


Quand il y a perte de contrôle qui mêle la détresse voire la douleur au plaisir et à l'oubli, il y a création d'une addiction qui peut nous enivrer et nous faire dériver en cercles; sans que l'on sache trouver de sens à nos actes et encore moins d'échappatoires.


Pourtant, les solutions sont là, et ne demandent qu'à être prises. Nous créons notre propre naufrage en ne regardant pas les couleurs du ciels et les champs d'herbe s'agitant doucement au gré du vent bercés par les chants mélodieux des oiseaux. Le monde est rempli de couleurs égayantes, de beauté et de rencontres impactantes, ne demandant qu'à être cueillies comme des fleurs. Et quelles fleurs ! Quels effluves merveilleux ! 

Je me laisse porter par eux, sans douter que mes efforts et ma détermination me permettront de me réaliser un peu plus chaque jour. Sentir mon sens artistique s'écouler dans mon sang me réjouit et me fait percevoir le monde d'un oeil rieur et chaleureux, quoique marqué par une certaine dureté au fond de ma pupille. 


Le monde des adultes est si merveilleux, quand nos addictions sont prise en main et que nos peurs de déforment plus nos nuits et encore moins nos jours. J'ai tellement étreint le chaos, que j'avais oublié la splendeur de l'ordre... me privant ainsi de la moitié des couleurs de la palette qu'est la vie.

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