L'épineuse question du baptême

same

La question du baptême reste inévitable pour les jeunes parents, même de nos jours. Conviction religieuse, tradition familiale ou cérémonie sociale? Comment j'ai affronté ma mère.

Qui dit Noël, dit famille. Qui dit famille, dit mamies et, qui dit mamies, dit question du baptême. Alors que nous venions de terminer le dessert, une bûche légère à la mousse de framboise, dont le manque de gourmandise, me vaudra à jamais la rancune de mère, voilà que cette dernière, la flûte à la main, lâche, le regard divergeant dans ma direction, LA question: "Quand baptisez-vous Louise? "

La question du baptême remise sur la table. Je souris. Ma belle mère dit qu'elle aimerait bien, timidement. Un ange passe. Tout le monde attend ma réponse.

Qui se souvient de son baptême? Hormis les adultes convertis peu d'enfants se souviennent de ce moment de leur vie. Il est accompli généralement peu après la naissance. J'ai été baptisé à trois ans.

La préparation de mon baptême fut une véritable cacophonie familiale auquel, le temps passant, je finis par prendre part. On ne peut pas dire qu'à trois ans je comprenais tous les tenants et les aboutissants de l'histoire mais, je comprenais que cette question, posait quelques problèmes. Elle déchaînait même les passions. Je ne trouvais ni parrain, ni marraine. Il y avait toujours une "bonne" excuse, un défilé de majorettes ou un concours de gymnastique, pour décliner l'invitation à devenir mon guide spirituel. Un signe?

J'aurais tendance à dire que quand ça veut pas, ça ne veut pas et qu'il est inutile d'insister sur une voie qui ne veut pas s'ouvrir. Au bout de trois ans de tergiversations et d'engueulades, mon grand-père et la sœur la plus âgée de ma mère, se désignèrent, par défaut, jugeant qu'un enfant se doit d'être baptisé, à un moment ou à un autre. La situation n'avait que trop durée.

Ce qu'à trois ans j'aie retenu de cette cérémonie se limite à deux choses: La première est le goût délicieux qu'avait la dentelle du col de ma robe. Un goût sucré que mes papilles pourraient encore reconnaître. Je me délectais de la sensation si agréable que me procurait la succion de ce grand col blanc. Ça rendait ma mère dingue! Elle pestait devant mon plastron trempé de bave et je ne m'arrêtais pas. La seconde chose, dont je me souvienne, est l'allée de la cathédrale de Limoges.  Très longue. Obscure. Froide et vide. J'avais la main dans celle de mon grand-père. Lui, très grand et moi, toute petite. Il y avait très peu de monde. Le reste, j'ai oublié.

Ce fut une formalité, pas une fête. Je ne me souviens pas avoir reçu d'explications sur le pourquoi de ce tralala. La Foi? chez nous, n'a jamais tenu de place en dehors des cérémonies sociales et du livre de catéchisme de ma sœur. Il contenait des personnages bibliques, à découper, que je jalousais. Je l'ai désiré le petit Jésus en carton... Je ne l'ai jamais eu, car, contrairement à ma sœur, je ne suis pas allée dans une école catholique.

L'idée de Dieu dans ma famille répond à une tradition qui a peu à voir avec une réelle spiritualité. C'est une idée qui navigue en surface. Dieu voit tout, entend tout, il est gentil mais il peut se fâcher et surtout il pardonne tout ce qui est bien pratique...  C'est une présence réconfortante à qui on demande le soir dans l'intimité de ses pensées le jack pot de l'Euromillion ou la santé pour ceux qu'on aime. Il sert aussi à concevoir une autre vie dans un haut-delà plus joli.

Comme enfant je passais le plus clair de mon temps à regarder des VHS, c'est en regardant "les Dix commandements", avec Charlton Heston, que je pris connaissance des préceptes de la Foi.  La télévision est bien le seul endroit où j'ai entendu dicter les commandements et Dieu m'impressionnait! Cette voix grave qui scelle par le feu la morale des hommes sur deux tablettes de pierre... L'instant fut si solennel que Moise pris un sacré coup de vieux quand ça lui tomba dessus... La Foi m'intéressait comme la mythologie et les histoires. J'étais curieuse du mystère. Je priais le soir avant de dormir. Je me faisais mon petit mic-mac de mots qui m'aidait à trouver le sommeil les soirs où il ne voulait pas venir. Je n'ai pas été entendu. Alors, je n'ai plus cru. Il ne fallait pas me mentir!

Devant l'absence de réponse de mon compagnon qui, de toute façon, fera ce que je veux car, apparemment, la question du baptême est une question de femmes, je réponds à ma mère: "Nous ne baptiserons pas Louise". Je sais que les mamies sont déçues, je ne veux pas leur faire de peine, alors je tente une explication. Je leur dit que baptiser Louise serait un mensonge. Une sorte de blasphème. Que je ne peux pas prononcer des mots auxquels je ne crois pas juste pour "faire plaisir" ou pour "faire comme tout le monde". Que cela n'aurait aucun sens. Que je n'exclue pas de baptiser ma fille mais seulement pas dans une forme de Foi. Que ce n'est pas à moi de choisir pour elle.

Nous réfléchissons mon compagnon et moi, à un baptême civil. On choisirait un parrain et une marraine pour leur engagement morale auprès de notre fille. Peut être qu'on pourrait faire cela sous un beau ciel étoilé en été. Un ciel de campagne, le firmament ouvert sur la Voie Lactée, près d'un arbre centenaire, symbole du chemin de la Vie, avec les gens qui l'aime, à un moment de sa vie où elle pourrait s'en souvenir. Se serait une belle fête! On chanterait, on danserait, on parlerait, on se retrouverait aussi. On lui dirait notre attachement. Simplement. Elle ferait partie d'un tout...

Et quand viendra le jour où, à son tour, elle se posera des questions sur l'existence de Dieu, je lui répondrai: "Je ne sais qu'une chose, que je ne sais rien". Que je ne sais pas ce qui c'est passé il y a 13,7 milliards d'années, le jour où une formidable explosion créa tout dans l'Univers et que, peut-être, un jour on saura. Qu'à ce moment-là, il s'est créé le mouvement, la beauté absolue et la destruction, la matière et l'antimatière, la lumière et l'obscurité et que la seule chose que je sache c'est que sans lumière aucun être ne peut survivre. Que voilà le seul début de réponse que je suis en droit de lui apporter en bon maître Jédi. Le reste n'est que mystère ou cultures,...

Il n'appartient qu'à elle de faire le reste du chemin;

Tout ça, j'ai tenté de l'expliquer à ma mère qui, bien sûr, n'a rien compris.



  • Ton texte me rappelle bien des souvenirs. Je remercie mon (défunt) père de ne pas m'avoir fait baptiser à une époque où ça n'allait pas de soi. J'en retirais une grande fierté d'être différente et j'admirais mon père ( dans ma classe au collège nous n'étions que deux à ne pas l'être). Ne pas fléchir dans ses convictions , ça fait aussi partie d'un héritage qu'on transmet à ses enfants et c'est peut-être ça le plus important ...

    · Il y a plus de 8 ans ·
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    Susanne Derève

    • Bonjour! Je te remercie pour ton commentaire. Je suis tout à fait d'accord, nos convictions sont notre héritage. A bientôt!

      · Il y a plus de 8 ans ·
      2016 01 24 15 24 47 015

      same

  • Bonjour! "léger, fleuri et jamais chiant" c'est de supers compliments, ce que j'avais envie qu'on dise sur mon texte"! Merci, beaucoup!!!

    · Il y a plus de 8 ans ·
    2016 01 24 15 24 47 015

    same

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