Les premières fois

a-la-claire-fontaine

Ma lecture de ce WE est un premier roman. A brûle-pourpoint, je dirais que cela ressemble à un grand saut dans le vide. L’image que j’ai en tête (et vous aussi bientôt sans doute), c’est une vierge qui entamerait sa vie sexuelle par une partouze avec tout ce que la ville compte de Don Juan. Des centaines d’inconnus, forts d’innombrables expériences, qui jugent ainsi de votre intimité mise à nu.

Déroutant. Mais très excitant aussi sans doute. Tout le monde ne pouvant prétendre à ce titre convoité de jeune première.

Comme tout dépucelage, la 1re fois littéraire, doit probablement toujours être imparfaite. On pèche par inexpérience, volonté de bien faire, académisme. Les jeunes auteurs sont comme les jeunes étudiants fraichement sortis de la fac de droit, ils ont ce côté prolixe un peu agaçant de celui qui ne voudrait pas en sucrant une subtilité, gâter ses déductions et qui pense que plus on en dit, mieux on explique. Pour qui chaque mot est un trophée et qui les assemble avec l’impression de construire la nouvelle merveille du monde.

L’histoire ne manque pourtant pas d’intérêt, mais cela manque de pétillant. Là encore, avec le temps, on sait aller à l’essentiel, sans pour autant s’appesantir sur les étapes préliminaires rédigées au premier chapitre de tout bon manuel.

L’alternance de style narratif n’est pas idiote. Mais on sent que l’auteur doute de ses goûts, se cherche, hésite et trébuche. Dans ce monde, seules les convictions payent. Il n’y a que peu de place pour l’incertitude.

Je suis un peu dure, trouverez-vous peut-être ? Mais cette jeune femme publie comme on passe à la Star’Ac. Elle a écrit ce que lui dictait le règlement du concours (véridique, cf le blog de la demoiselle). Conclusion : son roman n’a pas d’âme. C’est la différence entre les chefs-d’œuvre et les romans de gare. Les premiers vous transportent et pour les plus empathiques d’entre nous, vous font ressentir par les mots ce que l’autre vit au travers des lignes. Combien de fois a-t-on pleuré au « Dans un an, dans un jour » de Bérénice ? Les seconds vous racontent une histoire, qui défile devant vos yeux, comme les trains passent devant les vaches ; sans promesse de voyage.

L’avenir est-il à cette jeune génération iconoclaste ? S’apprête-t-on à faire le tour de France des auteurs en herbe et en culotte courte pour dénicher la perle rare ? Les verra-t-on en prime time réciter, qui un sonnet, qui un pamphlet de leur composition ? Compose-t-on déjà en secret un jury composé d’auteurs au succès d’un jour, dont on a oublié le nom, mais qui hantent encore les salons du microcosme littéraire ?

J’ai hâte de le savoir. Ce sera sans doute tout un poème.

Signaler ce texte