Mélancolie

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Comme un besoin physique de livrer les mots. Livrer les maux. Ceux qui rongent, qui rampent et qui finissent par se répandre dans la vie.

Plusieurs heures maintenant que je lutte contre ce besoin physique d'écrire. D'écrire seulement des phrases les unes à la suite des autres. Ecrire sans vraiment réfléchir ou si peu. A cette femme, assise dans un café. Loin des autres, loin des rires. Loin du tintement des tasses dans les soucoupes. Loin d'elle. Elle essaie. Tente de se fuir. De ne pas s'écouter. S'abrutir sur autre chose. 

Mais çà revient, çà perce. Toujours plus strident, toujours plus proche. çà perce les défenses, les réserves et les arrière-cours. 

Aujourd'hui, mélancolie. Aucune envie de relater les faits réels. Aucune envie de mettre des mots torves sur cette réalité grisâtre. 

La conversation avec L. m'a remise la tête dans ce passé si noir, si gluant. M'est revenue le tête à tête le plus terrifiant de ma vie. L'angoisse me tenait encore le ventre au souvenir des mots prononcés, de la haine si virulente, de mon impuissance. De mes larmes, de mes peurs. Je ne sais toujours pas faire face à ce souvenir. Je ne sais toujours pas comment l'absorber, refermer la chair boursouflée dessus, pour lui laisser une chance de cicatriser. Je l'ai relégué dans un coin de ma tête. Et, à son souvenir, à ces échanges avec elle, il m'est revenu. Et je crois que c'est ceci qui a détraqué tout mon après midi. 

Depuis 3 mois maintenant, je suis sur la crête. Soumise aux aléas du vent, de la pluie, des tempêtes. La dépression me guette, si je ne suis déjà pas dedans. Je m'endors à des heures ridicules, n'arrive plus à me lever le matin. Je manque de joie. 

Je suis extrêmement isolée. Je n'arrive pas à savoir si je le vis réellement mal ou si je le vis mal à cause de la société en général. 

Comme pour mon chômage partiel. Je n'en ai pas profité un seul jour depuis le 30 Octobre. Pas un seul. 

Le prêt immobilier m'a jetée à terre. Piétinée, réduite à néant. 

Ma vie m'échappe. 

Cette fille, assise près de la fenêtre dans ce café, c'est moi. Elle est à des années lumière d'une vie pleine, gaie et souriante. 

Pourtant, elle... elle a tout ! 

Et pourtant, à touiller son café au lait, en se laissant lécher le visage par le soleil à travers la devanture, elle broie du noir. 

Je regarde Les Jardins du Roi, encore. J'aime tellement ce film. Toute cette douceur qui s'en dégage. Cette retenue. Cette délicatesse. Et ces musiques.. Incroyables. 

Je suis en train de mettre notre vie en cartons depuis deux semaines. Le début était drôle, un soulagement, une reprise en main. 

Cet après-midi, je me suis battue à mettre en bulles toutes mes petites babioles. Quelle tristesse. J'en viens à réaliser que nous allons quitter cet appartement. Nous partons à la campagne et j'ai bien peur de regretter mon choix et que S. le regrette aussi. 

Nous avons acheté notre maison. Coincée entre trois autres. Un minuscule jardin, moi qui voulait une grande pelouse. Mitoyenne, moi qui voulait une maison individuelle. 

Sans baignoire, sans 3e chambre, sans garage. 

Un coup de coeur. 

Trop chèrement achetée. Mal réfléchie. Mal conçue. 

Tellement de négatif, mon dieu. Alors pourquoi l'avoir achetée ? 

Parce qu'on a senti un truc, S. et moi. On a senti un truc dans cette maison. 

Advienne que pourra, on y est pour quelques temps maintenant. 

Mais mettre en bulle, défaire toutes nos photos.. me fait mal au coeur. Comme une déchirure. 

Alors que.. c'est pour mieux les déballer ailleurs. 

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