Méprise.

Jimi B. Watson

Une fille parfaite. Un gars parfait. Mais le gars parfait, ce n'est pas moi. Je suis victime de la jalousie. Je le méprise. Mais le mot "méprise" a un double-sens. Ce que je ne compris que trop tard.

Mon regard se posa inconsciemment sur sa longue chevelure mordorée. Je demeurai ainsi, immobile, comme paralysé. Des heures passèrent, me semblait-il, jusqu'à ce qu'un objet vienne heurter mon bras. Aussitôt, je cherchai l'origine du tir. Je vis alors le groupe des quatre beaux gosses glousser en silence pour ne pas se faire remarquer par la vieille – alias la prof. A quelques rangs devant moi, cependant, était assise la plus belle créature que j'aie jamais rencontrée. Avec des prunelles d'un bleu abyssal et une silhouette frôlant la perfection, on pouvait se demander si elle n'était pas tombée du ciel… « Arthur, on descend de son nuage ! » cria la vieille, qui m'extirpa de mes rêveries. A ce moment, j'aperçus l'un des quatre du groupe, William, chuchoter à l'oreille de de Fiona, la dulcinée de mes songes. Cette dernière lui fit les yeux doux, ce qui me révulsa. Comme pour en rajouter, William m'adressa un clin d'œil. Mes points se serrèrent si fort que mon crayon se brisa en deux. Tout le monde se retourna, y compris Fiona, qui me jeta un regard incrédule. Je sentis mon âme se déchirer…

La nuit tombée, je ne pus fermer l'œil. Je me retournais sans arrêt dans mon lit, ressassant ce souvenir douloureux dans mon esprit meurtri. Dès le début de l'année, j'avais ressenti une insondable jalousie envers ce « William », fils unique de parents plutôt aisés, ayant des facultés d'apprentissage hors du commun, et attirant les filles comme des mouches. A chaque fois qu'il croisait une demoiselle dans la rue, celle-ci semblait frappée par la foudre, et devait vite se ressaisir pour ne pas finir dans son lit. Je serrai les poings à nouveau, écumant de rage, lorsque je pensai au pire : cet enfoiré m'avait volé Fiona, la fille de mes rêves ! Pourquoi a-t-il fallu qu'il s'intéresse à elle ? Chercherait-il les ennuis ? Oui, sans doute, car il n'en a pas ! Il mène une vie parfaite, et moi, une vie minable… Il peut bien me laisser une chance avec Fiona ! Je suis si terriblement amoureux d'elle, et si terriblement jaloux envers lui… Comment pallier ce problème ? Je ne vais pas souffrir éternellement. Car pour le moment, ma haine se concentre dans mes poings, tels deux brasiers incandescents. Mais un jour, il faudra que cela sorte, ou bien je deviendrai fou…

Le lendemain, après une longue et ennuyeuse journée de cours, je me dirigeais vers la sortie du lycée quand on me barra la route. Le groupe des quatre formait une barrière infranchissable. Je m'attendais encore à devoir subir leurs railleries, quand je m'aperçus qu'ils n'étaient que trois. « Alors le nabot, on cherche sa chérie ? » ricana l'un d'eux. « Devine où elle peut bien être en ce moment… » ajouta l'autre. Le troisième n'eût pas le temps de lâcher une vanne que mon poing s'enfonça dans son abdomen. Avant qu'ils n'aient pu comprendre, je pris mes jambes à mon cou et arriva chez moi en un temps record. La porte d'entrée claqua derrière moi et je me réfugiais à toute vitesse dans ma chambre, tremblant de tout mon corps. Je ne tremblais pas de peur, mais bien de soulagement, comme si toute cette colère contenue en moi s'était évaporée au contact de ce malheureux. Cependant, l'image de William et Fiona enlacés me revint à l'esprit, et voilà que la jalousie m'assaillit à nouveau…

Comment guérir ? Même après s'être soulagé sur quelque chose – ou sur quelqu'un en l'occurrence – ce sentiment douloureux refait toujours surface.

Le jour d'après, je surpris William et Fiona en train de s'embrasser langoureusement dans un coin du parc. Ce fut l'étincelle qui mit le feu aux poudres. Je m'emparai du sac de mon rival et le jetai violemment à terre. Comme il était partiellement ouvert, une feuille s'en échappa, et tomba à mes pieds. Je me baissai pour la ramasser. Avant que William puisse m'en empêcher, j'appris alors qu'il était atteint d'un cancer en phase terminale. Il lui restait six mois à vivre. Je lançai un dernier regard à Fiona, puis à William. La jalousie m'avait quitté. J'étais libre.

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