Nathanael

marcoselva

Les retrouvailles de deux potes de lycée dans une usine l'été : une mission d'intérim assommante devient muy caliente.

    Il est quatre heures. Les portières de voitures claquent. Dans la nuit épaisse, les écrans de portables semblent des lucioles éclairant les visages, comme dans La fillette au brasero de Georges de la Tour, se dit José. Il jette un dernier regard à son propre portable pour regarder le temps qu'il fera à 13 h. L'application météo annonce 27 degrés. Donc au moins 8 degrés de plus dans l'habitacle surchauffé de sa vieille Twingo sans clim. La veille, il a un peu tourné de l'œil à cause du choc thermique entre les 4°c de l'usine et les 35°c de la voiture. José compte les jours jusqu'à la fin de sa mission : 14. 14 longs jours avant de partir chez sa grand-mère, se gaver de poisson et s'étourdir de vino verde. C'est la seule perspective de ces vacances qui le fait tenir depuis 3 semaines. En arrivant au vestiaire, José tombe nez à nez sur la personne qu'il a le moins envie de voir à 4 h du matin : le chef.


- Bonjour Marc.

- Bonjour José. Ah, José, il y a un nouveau aujourd'hui. C'est quoi déjà ton prénom ?

- Nathanael, répond le nouveau.

- Ah oui, Nathanael. José, je compte sur toi pour lui montrer comment on fait à la cire, OK ?

- Oui, d'accord, bien sûr Marc.


    José est stupéfié. Nathanael. Ils étaient au lycée ensemble. On peut même dire qu'ils étaient potes, les deux seuls garçons en Terminale L. Chacun régnant sur sa classe, TL1 pour José, TL2 pour Nathanael. José se souvient des séances de piscine, et surtout des vestiaires. Il était absolument fasciné par la bite de Nathanael, qu'il regardait autant qu'il le pouvait avec un air de ne pas y toucher. Une couleur parfaite, caramel, qui donnait envie de la prendre à pleine bouche, de s'en bâfrer comme d'un sachet de caramels au beurre salé. Longue, infiniment longue au repos, José fantasmait de la voir en érection. Comment serait-elle ? Encore plus longue, plus grosse ? Ou bien Nathanael faisait-il partie de ces mecs au gros sexe dont les proportions restent presque inchangées, le seul signe de la turgescence étant la rigidité et le redressement du membre. José désirait chaque centimètre carré du corps longiligne et anguleux de Nathanael. Sa peau, ni vraiment diaphane ni vraiment miel et d'apparence incroyablement douce. Ses épaules, ses cuisses, ses genoux… Son visage, anguleux comme son corps, coiffé de cheveux châtains bouclant et tirant sur le blond à leur extrémité, visage qui avait poursuivi José même après le bac alors même qu'ils s'étaient perdus de vue. Il avait retrouvé Nathanael sur l'affiche de Paranoid Park de Gus van Sant, dans un Portrait de jeune homme de Boticelli à la National Gallery de Washington. José ne saurait dire combien de fois il s'est masturbé en visualisant ce corps, cette peau, ce sexe… mais ces pensées sont interrompues par la voix de Nathanael lui-même.

 

- Ça va José ? Quelle surprise ! Tu es bien la dernière personne que je m'attendais à trouver ici.

-  Ah oui ? Pourquoi ?

-  Je ne sais pas. Je ne te voyais pas dans un abattoir.

- Rassure-toi, c'est juste pour l'été, ce n'est pas une vocation. Je suis en Histoire de l'art à Toulouse. Et toi ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Pareil, c'est juste pour l'été. Moi je suis en Sciences éco, à Bordeaux.

-  C'est sympa ?

- Oui, ça va. Après la licence, je compte faire une école de journalisme.

- Pas mal. Moi je ne sais pas, j'aimerais bien faire un master, pourquoi pas une thèse. On verra.

-  Oui, en attendant, on va aller à « la cire ». C'est quoi ça ?

-  Ah ! Tu vas voir. C'est chiant mais pas sorcier et loin d'être le plus crade. En gros, les canards sont trempés dans un bain de cire brûlante et dans un bain d'eau froide qui durcit la cire, puis ils passent dans une machine qui les secoue et fait tomber la cire et les plumes. Mais ce n'est pas 100% efficace, il y a donc un poste où on enlève à la main les morceaux qui restent.

-  Charming.

-  Je te dis, ce n'est pas le plus crade. Juste après la cire, il y a les viscères. C'est une autre histoire… Je ne te fais pas de dessin.

-  Non, ça va, merci.

-  Tu n'as pas froid ? demande José.

-   Si, un peu.

 

    Cette façon un peu gênée d'avouer qu'il a froid fait craquer José. Le visage de Nathanael lui fait penser au Saint Sébastien dans le Saint Marc du Titien. Il sent des fourmillements dans son ventre.

 

-  Attends, je vais te passer un pull. Ils ne t'ont pas dit à l'agence d'Intérim ? Il fait entre 3 et 6°c ici, faut se couvrir.

-  Merci José.

 

    José espère qu'au moment où Nathanael lèvera les bras pour enfiler le pull, son t-shirt remontera et révèlera un peu de son anatomie, comme dans une pub Calvin Klein. Bingo ! José sent son sexe se durcir à la vue de cette peau, de ce nombril et de son duvet blond, de ces hanches qu'il rêverait de saisir à pleines mains comme il se l'est imaginé des centaines de fois en se masturbant. Il se dit que les 14 jours qui restent jusqu'à la fin de son contrat vont peut-être passer plus vite que prévu.

 

- Tiens, j'entends la chaine se mettre en route, c'est parti, les canards vont bientôt arriver. Fais pas cette tête, je te montrerai, c'est pas dur, ça vient vite.

-  Il y a une pause ?

- T'es marrant. T'as pas encore commencé et tu me demandes déjà s'il y a une pause. Mais je te comprends. Oui. Il y a la pause casse croûte d'1/2 h vers 8 h 30 et une ou deux pauses de 5 minutes, vers 6 h 30 et 10 h 30. À peine le temps d'attraper un café et de fumer une clope mais ça fait du bien. Tu peux quand même sortir, prendre l'air et voir le jour.

 

    Nathanael s'aperçoit que José s'est arrêté devant un petit escalier métallique après une déambulation qui lui a paru interminable dans les longs couloirs sombres et étroits aux murs gras.

 

-  C'est là ? demande-t-il.

-  Oui, grimpe.

 

    José laisse Nathanael passer devant lui pour savourer le spectacle du mouvement de ses belles petites fesses rebondies. Il sent son sexe, fougueux, lutter contre son caleçon pour se dresser victorieux mais les premiers canards arrivent et calment radicalement ses ardeurs. Il montre à Nathanael les principaux gestes, du haut vers le bas pour être efficace, d'abord les cuisses, puis le corps et enfin le cou. Caresser le cou d'un canard en regardant Nathanael l'excite un peu. Il s'imagine que le cou du palmipède est le long sexe parfait de Nathanael qu'il devine frôlant sa jambe dans son pantalon large. Ses gestes se font plus lents, plus lascifs.

 

- Tu vois c'est surtout sur les cuisses et autour du cou. Pas compliqué. Normalement on arrive à suivre mais quand la chaine est trop rapide, tu galères un peu.

- Dis donc, c'est chaud ton truc, José. Et tu as un sacré coup de main. On dirait que tu t'éclates, mon cochon.

- T'es con, c'est juste que je suis là depuis des semaines.

- Ouais, ouais, c'est ce qu'on dit, répond Nathanael en éclatant de rire.

 

    José a peur que Nathanael ait deviné son érection qui ne retombe plus depuis qu'il voit dans chaque cou de canard qui défile une incarnation de son vénérable sexe.

 

***

    Les jours passent. José ne perd pas une occasion de capturer du regard et de fantasmer la moindre parcelle de l'anatomie de Nathanael qui s'offre ou même se dérobe à sa vue : quand il porte un pantalon un peu serré, José devine sa longue et belle queue contrainte par le tissu et qui ne demande qu'à être libérée ; ses fesses, deux pommes juteuses qui n'attendent que d'être croquées. Ses épaules, moulées et décuplées par les épaisseurs de pulls pour lutter contre le froid. José passe la moitié du temps avec une érection à tout rompre. Pendant la pause casse-croûte, il s'enferme dans les toilettes pour se masturber, sinon c'est intenable. À la cire, ils sont à quelques centimètres à peine l'un de l'autre. José s'enivre de l'haleine de Nathanael qui se transforme en doux nuages dans l'environnement glacé de l'usine. Il la voit, la hume, s'en imprègne et cela suffit à le mettre en transe. Il s'étourdit, tout se confond, les longs cous des canards qu'il passe son temps à caresser pour en ôter la cire finissent par former une cohorte de longs et beaux sexes identiques à celui de Nathanael et la répétition infinie de ce geste a déjà valu à José quelques éjaculations intempestives dans son caleçon.

 

    Au bout d'une semaine, José et Nathanael sont envoyés dans une autre équipe, au conditionnement. Il fait encore plus froid qu'à la cire mais les journées passent plus vite : ils ont retrouvé des anciens du lycée, l'ambiance est sympa. Ils blaguent, échangent des souvenirs et transforment la moindre tâche, le moindre geste en jeu. José est nostalgique de leur intimité à la cire mais il est aussi soulagé, il ne passe plus les trois quarts de la journée à bander comme un taureau, ce qui l'épuisait autant qu'il y prenait plaisir. La responsable d'équipe leur apprend à enfourner un petit sachet d'abats qui contient foie et gésier dans le croupion, à ficeler les pattes et à positionner les anatidés dans des barquettes en polystyrène. C'est un peu dégoûtant mais moins abrutissant que la cire. Quand ils sont à court de sachets, ils vont se ravitailler dans un réfrigérateur géant : une personne entre dans le frigo et charge quelques caisses d'abats sur un chariot tandis que la deuxième, pour des raisons de sécurité, reste à l'extérieur et crie « Clepsydre ! », transformant une banale visite dans la chambre froide en une épreuve digne de Fort Boyard.

 

***

    Ce matin-là, Nathanael et José sont chargés du ravitaillement. Nathanael entre dans le frigo tandis que José reste à l'extérieur pour tenir la porte. Soudain, José entend un bruit sourd suivi d'un cri. Il lâche la porte et pénètre dans le frigo. Il est d'emblée saisi par le froid, qui se referme sur lui. Il n'a pas le temps de discerner Nathanael qu'il entend la porte claquer derrière lui. Les voilà prisonniers du frigo. José découvre Nathanael à terre, sous les cartons d'abats. Heureusement, il n'a pas l'air blessé.

 

-  Ça va Nathanael ? Tu n'as rien de cassé ?

- Non, t'inquiète. Aide-moi juste à me relever s'il te plaît. T'es con, José, on est coincés maintenant. C'est la pause et ils ne vont pas nous chercher avant la reprise. On va avoir le temps de bien se les geler.

- Excuse-moi Nathanael, je suis désolé mais je t'ai entendu crier et j'ai eu peur, je n'ai pas réfléchi. On peut essayer d'appeler, de taper contre la porte…

- Non, ça ne sert à rien de beugler et de gesticuler. Il vaut mieux attendre en essayant de se réchauffer.

- Ah oui, j'ai vu ça dans un film, dit José. Ils se frictionnaient les bras et le ventre.

 

    Il commence à se frictionner vigoureusement. C'est efficace, il a déjà un peu moins froid. Nathanael reste immobile, il a l'air de réfléchir.

 

- Tu n'as pas froid, toi ? demande José.

- Si, mais j'ai une meilleure idée.

 

    Il s'approche de José et commence à lui frotter les bras, le torse, le dos, en lui expliquant que c'est plus efficace de cette façon. Cet ersatz de contact, à travers les couches de t-shirts et de pulls, la sensation étouffée des mains de Nathanael sur son corps provoque chez José une douloureuse érection.

 

- Vas-y José, t'attends quoi pour me frotter ? J'ai froid moi aussi. Tiens, si on se colle l'un contre l'autre, on perdra moins de chaleur et on pourra mieux se frotter le dos.

- Oui, t'as raison, bafouille José.

 

    Ce n'est pas de cette étreinte dont il rêvait mais il est quand même hyper excité. Il plaque son torse contre celui de Nathanael et sent immédiatement sa chaleur le gagner. Son érection repart de plus belle. Il craint d'être découvert et commence donc à frotter vigoureusement le dos de Nathanael pour détourner son attention. Ils sont joue contre joue, José sent qu'il va exploser…

 

- Mais tu bandes mon salaud ! s'écrie Nathanael sans pour autant briser leur étreinte.

 

José sent alors contre son sexe gonflé à bloc la rigidité de celui de Nathanael.

- Toi aussi !

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