Noël, pm.

julia-crampel

Sans doute ne me serais-je jamais posé la question si je ne m’étais pas réveillé avec le souvenir confus d’avoir pleuré à l’idée d’une chose enfuie. La mémoire dans les rêves est une affaire capricieuse que l’on ne peut prendre qu’avec le plus grand sérieux, au risque de vivre sinon avec le poids des regrets.

Je venais de célébrer un nouveau Noël en famille, et l’on s’abandonnait dans les fauteuils et les coussins du salon familial,  égarés dans des conversations sur l’avenir du monde empreintes d’alcool et de chères trop abondantes. Il y avait là comme partout ailleurs le frère volubile et le cousin ombrageux, la sœur inquiète et le père bienveillant, le neveu babillant et la mère affairée. Il y avait là comme partout ailleurs le calme couvant le chaos,  la paix allongée sur les mesquineries.

A l’excitation de la fête succédait la léthargie de la digestion. Et dans cette indolence, le sommeil me trouva.

J’ai vu alors un enfant ouvrir les yeux, l’été se lever derrière ses paupières et se répandre sur le monde depuis le gouffre d’une gueule de loup accroché à un saule-pleureur.

Et au réveil, j’avais oublié jusqu’au goût du rêve, ne restant que la nostalgie à l’évocation du souvenir absent, comme une tache noire persiste après qu’on ait observé le soleil. J’avais vu la beauté dans un soupir et l’éternité dans une seconde ; la soif qui me vint alors demeurerait inextinguible.

Ainsi commençait dans une solitude étouffée, la nuit qui devait me mener aux résolutions de la nouvelle année que j’avais déjà prises sans oser encore me les avouer.

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