Partie 33

Soda Pop

Le Pshiiit Marocain

Se souvenant du marron de tout à l'heure, et sachant qu'en aucun cas il ne saurait être remboursé par la Sécurité Royale, Säm Lakoop bondit hors de son fauteuil et sort. Une fois dans le couloir, il referme la lourde et rameute la garde. C'est à ce moment que je conclus mes échanges privés avec Hadda.

— C'est foutu, lui dis-je, mais je te remercie pour la partie charnelle, ma belle, comme dernière récompense on ne peut pas souhaiter mieux !

Elle me saisit le bras :

— Attends ! fait-elle, tout n'est pas perdu !

— Penses-tu, avec ces pièces sans fenêtre on est cloîtré!

En guise de réponse, elle se met sur le dos (nous étions imbriqués de côté), et je la vois passer sa mimine entre les lames du sommier de bois assez rudimentaire.

— Eh, dis donc, don Juan, m'interpelle le chevalier insatisfait, faudrait peut-être se mettre en position de châtaigne, ça va débouler du Viking !

— Ne t'en prends à personne, hé, cochon nauséabond, c'est toi qui as réveillé l'eunuque en hélant ces jeunes vierges.

Je me tais, abasourdi par la stupeur. Hadda retire des entrailles de son matelas éventré une sorte de bouteille en céramique dont elle dévisse prestement le bouchon. Elle renverse la bouteille. Un tube d'environ quatre centimètres de diamètre, long de quinze, pointu du bout et pourvu d'un bouton rouge sur le côté gauche (lequel ne demande qu'à devenir un côté droit pour peu qu'on fasse pivoter le tube !) lui tombe dans la main.

Elle me le présente.

— Prends ! dit-elle.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Un insecticide à éléphant... Il y a là-dedans assez de gaz soporifique pour endormir tout le troupeau du palais ! Il suffit de braquer l'extrémité du tube sur les assaillants et de presser légèrement le bouchon.

— Et alors ?

— Tu verras, mon verrat...

— Comment se fait-il que tu possèdes un joujou de ce genre, Hadda ?

Elle sourit.

— Tu ne vas pas me reprocher d'avoir pris des précautions lors de mes anciens voyages africains !

Pas le temps de converser plus longtemps. La porte s'ouvre et les gardes se ruent dans la chambre. N'écoutant que le conseil d'Hadda Dhä, je dirige la pointe du tube depuis mon lit et dans leur direction, et j'appuie sur le bouton. Pshittttt (Marocain !)

C'est de la magie, mes amis ! Vous m'écoutez attentivement, hein ? De la magie ! Ces messieurs s'effondrent mollement et à qui mieux-mieux, ce qui n'est pas pour me déplaire. A mesure qu'ils se pointent, voyez moquette ! Ils se retrouvent le nez sur le tapis. Et le plus formidable, c'est que nous ne sommes pas incommodés le moins du monde.

J'en fais la remarque à Hadda. Elle me donne un cours de chimie gaz sopo-éléphantorifique développé. Le gaz est projeté si fortement et il est si volatil, comme disait une poule qui disposait d'un e muet, qu'il n'a pas le temps de se disperser. Il paralyse le cerveau de l'éléphant ou de ceux qui le respirent en une fraction de seconde et ce, pour une durée qui varie entre deux heures et quatre mois. Tout dépend de l'importance de la bête.

Nous sortons de sous nos plumards. Lance est interloqué bien que n'appartenant à aucun milieu interloque.

— Où que t'as piqué ça, Emile ?

— Je l'ai trouvé dans une boîte à malices de la catégorie « petite fille », expliqué-je en me redressant.

Je me rajuste, sans lâcher l'appareil enchanteur.

— Il a beaucoup d'autonomie, ton insecticide à éléphant, chérie ?

— Je t'ai dit que tu avais là-dedans de quoi endormir tout le palais !

— Je te jure que tu es la fée Marjolaine dans ton genre.

Et encore, entre nous, puisqu'on ne se cache rien, je peux vous avouer que la fée Marjolaine ne devait pas s'envoyer en l'air aussi bien qu'Hadda. Elle pouvait tricoter de la baguette magique, l'équivalent n'était pas concevable, je m'en porte garant.

— Conservez-le, me dit Hadda. Et maintenant disparaissez ! Je refoule tout ce que j'ai à lui dire et surtout à lui demander. Un signe à mon chevalier, et nous enjambons (de Bayonne) cette nouvelle moisson de gazés.

Comme nous gagnons le couloir, une nouvelle fournée d'alertés se pointe, en provenance de la salle du trône. Ils ont droit à la petite giclouille-maison et partent sans se faire prier pour le pays du L.S.D.

— En somme, remarque Lanceleau, c'est comme qui dirait l'arme absolue, Emile. S'agit seulement de manœuvrer ton vaporisateur avant que l'ennemi défouraille sur toi. Heureusement que ces gardes n'ont que des armes blanches.

Il y a maintenant une bonne vingtaine de pèlerins sniffant les dalles du couloir.

Je me dirige alors jusqu'à une immense porte que j'écarte un tantinet pour filer un coup de longue-vue sur les intérieurs de la salle.

(à suivre)


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