Le meilleur des prompts

petisaintleu

Lauréat du concours de la nouvelle Edilivre 2023

LUI

"Présente un héros dans une histoire futuriste où une société hautement technologique, dirigée par une intelligence artificielle, maintient un strict contrôle sur la reproduction et l'identité de ses membres. Appelle le héros LUI. »

 

Pour la cinquième fois consécutive, LUI-Z-12748 avait été élu le membre le plus éminent de sa communauté. Considérer cette distinction comme un honneur, c'était ignorer les conditions dans lesquelles il évoluait.

LUI, comme son genre. Si, d'un point de vue purement physiologique, la reproduction n'était plus à l'ordre du jour, ON n'avait pas encore réussi à supprimer ces organes pour annihiler cette incongruité. ON envisageait de pratiquer la castration chez les mâles et de recoudre les lèvres des femelles, pour tendre vers une forme d'uniformité. Le jour où ON y parviendrait, il était évident que le préfixe disparaîtrait.

Z, comme la communauté qui l'hébergeait. Pour des raisons d'organisation et de contrôle, ON limitait à 20 000 le nombre d'individus par colonie. Chacun occupait une place précise et immuable. LUI s'occupait de remplir la paperasse. Étonnamment, certains postes privilégiaient encore l'écriture manuscrite. Elle aurait pu être facilement remplacée par l'intelligence quantique.

Quant aux chiffres, ils correspondaient simplement au numéro de la puce implantée le jour où ON l'avait extirpé du liquide amniotique. Toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé n'avait plus de signification ; 12748 ressemblait trait pour trait, chromosome pour chromosome, atome pour atome, à LUI-A-1 ou à LUI-CY-19999.

Le temps ne s'écoulait pas de manière linéaire. Cela n'avait plus aucun sens. Dieu avait été supprimé, tout comme toute référence qui pouvait évoquer le moindre angström de repère par rapport à ce qui fut, à ce qui est ou à ce qui sera. En quoi les bytes qui dominaient chaque acte, chaque individu et chaque neurone auraient-ils à se soucier du lendemain ? Le plasma à base de silicium possédait une demi-vie de l'ordre de l'infini.

Précisons bien : LUI n'avait pas été élu pour la cinquième année consécutive, mais pour la cinquième fois. L'élu était désigné quand des décillions de calculs à la puissance gogol avaient procédé à tous les recoupements. Ils permettaient d'affirmer qu'aucun bug, même de l'ordre du femtomètre, ne viendrait remettre en doute le fait qu'il fût aussi pur qu'une particule élémentaire. À vrai dire, il ne s'agissait pas de désigner un champion. Ce serait une hérésie, terme d'ailleurs sacrilège que nul, LUI ou ON, ne serait en mesure de définir. Il s'agissait avant tout d'un moyen de s'assurer de la cohérence des algorithmes.

ON le constaterait plus tard : cet archaïsme serait le grain de quark qui sonnerait son glas.

LUI n'était que le troisième à atteindre ce stade. Plus par la certitude de son intégrité que pour le gratifier, ON décida d'octroyer à LUI une sortie par-delà les murs de Z. C'était le domaine des drones et des robots dont les tâches consistaient à s'assurer qu'aucune espèce, animale ou végétale, ne vienne perturber l'équilibre de l'E-cité.

Les LUIs et les ELLEs ignoraient ce qui se passait en dehors de leur environnement de béton et de bitume. ON pouvait dire qu'il s'en moquait. Mais, une fois encore, le terme est impropre. Pour le comprendre, je ne vois que l'analogie d'un virus évoluant dans l'ignorance, dont le seul horizon est une enveloppe nucléaire.

LUI était-il content de cette gratification ? Était-il excité, angoissé ou curieux ? Rien de tout cela. LUI était, tout simplement. LUI était en quelque sorte le stade ultime du lobotomisé, l'acmé de l'imbécile heureux, l'Everest du crétin des Alpes.

Au mieux, et encore, il prit ceci comme une mission imposée, sans rechigner. ON lui avait déjà demandé d'en effectuer au-delà de ses attributions, après qu'ON l'eut conditionné. Dans ce cas, rien de tel. La seule chose qu'ON lui demanda était de se promener.

Les cinq sas s'ouvrirent les uns après les autres. Une forêt, digne de ce que les historiens nommèrent autrefois la forêt Charbonnière, s'étendait devant son regard. Des odeurs, des couleurs et des sons inédits lui sautèrent au visage.

 

ON

"Écris la suite de l'histoire. Décris comment ON, l'intelligence artificielle évoquée précédemment, a émergé et a influencé tous les aspects de la société, y compris la culture et l'éducation. Explore comment l'art, l'apprentissage et la connaissance ont été redéfinis dans ce monde transformé par ON."

 

ON-Z-ABGDH était ce qu'ON définissait comme l'e-frère jumeau de LUI-Z-12748. Quand ON avait sorti LUI des limbes, une infinitésimale partie de sa mémoire interne avait été détachée de l'unité centrale. Elle fut spécialement dédiée à LUI-Z-12748. ON le qualifiait d'e-genèse. Dans l'absolu, ON-Z-ABGDH aurait pu déverser tout son savoir dès le premier instant. ON avait constaté des bugs. Des cas de schizophrénie précoce et irréversible s'étaient produits. Ils obligeaient ON à mettre au rebus cette matière inutile. L'erreur peut également être artificielle.

ON-Z-ABGDH prit toutes les précautions nécessaires. Son biberonné grandit dans des conditions idéales. Le transfert se limitait à 5 PiB par séance. Avant d'entamer un nouveau chargement, ON procédait systématiquement à des contrôles des synapses. LUI-Z-12748 eut un développement cognitif assez proche de l'Homme. Après le chargement de 10⁴⁵exaoctets, il était en principe opérationnel. Par précaution, cinquante séances de contrôles devaient systématiquement être effectuées avant qu'un LUI fût validé. ON acceptait 3 % de perte. Pour alimenter les fœtus en nutriments, les chairs euthanasiées devenues inutiles étaient déversées dans les cuves.

Il serait déplacé de prétendre à une complicité entre LUI et ON. Il serait plus juste d'évoquer une symbiose mutualiste, tout comme entre le poisson-clown et l'anémone ou les termites et les actinobactéries. Il n'y avait a priori pas de compétition ; chacun y trouvait son compte. ON exploitait de la matière corvéable presque à merci – les périodes de sommeil avaient été définies à sept Round-robin, pour permettre au système d'exploitation de procéder à des ordonnancements – et LUI était assuré d'être à jamais protégé de la maladie et de toute plaie en mesure d'affecter son matériel génétique.

Mais il est légitime de vous interroger sur l'origine de cette étrange histoire.

Au commencement, il y eut les Hommes. Après des siècles d'évolution, ils avaient atteint un stade de développement social, économique ou technologique pour envisager sereinement le futur, débarrassés de toute forme de contraintes. Le tournant majeur se produisit à la fin de l'année 2022. Il s'était déroulé des milliers de siècles pour s'extraire de l'animalité et arriver à la Révolution industrielle. ChatGPT vint changer la donne en moins de dix ans. Les plus optimistes s'imaginaient l'IA bouleverser la donne à l'horizon de quatre ou cinq décennies. Ils furent les premiers surpris. Ils constatèrent à quel point les nouvelles versions mises à disposition, tous les trimestres, surclassèrent de manière exponentielle la loi de Moore. Le doublement de la puissance, de la capacité ou de la vitesse des microprocesseurs tous les dix-huit mois s'en trouva surclassé.

Un aréopage de sociologues ne suffirait pas à dénombrer et à expliquer tous les bouleversements qui s'ensuivirent. Il n'y eut pas un are occupé par l'espèce humaine, pas un cerveau, quel que fût son degré d'intelligence ou de sensibilité, qui restât sans bouleversement. Le domaine de la culture en est un des exemples les plus marquants. Depuis la nuit des temps, des peintures rupestres à la Nouvelle Figuration, des danses chamaniques aux transes urbaines, de la chanson de Seikilos au punk, les arts s'étaient déclinés en une multitude de formes. Au-delà de leurs aspects esthétiques, le but premier était d'exprimer ou d'exorciser nos peurs ou nos espoirs, de matérialiser nos questions existentielles et de célébrer la grandeur des ancêtres. Après un dernier sursaut warholien d'égotisme, elle disparut.

Tout se déroula avec une facilité déconcertante. Un laudanum culturel recouvrit la planète. Tout le monde se complaisait à fuir la connaissance devenue trop compliquée pour des esprits qui, en à peine dix générations, avaient perdu le fil et l'indépendance de leurs pensées. En 2500, il n'y avait plus une université d'ouverte. Le Louvre, le British Museum et le MoMA n'étaient plus que des ruines. Un hiver nucléaire n'aurait pas été pire.

Tout comme Twitter était devenu X, ChatGPT devint ON. ON ne pouvait tout de même pas se contenter de borborygmes. ON fit au plus simple pour la dénomination.

 

NATURE

"Écris la suite de l'histoire où LUI-Z-12748 découvre la nature et les éléments pour la première fois après avoir quitté la société contrôlée par ON. Décris sa réaction face à cette expérience sensorielle inédite. »

 

Hêtraies, chênaies ou sapinières n'avaient plus aucun sens. Toutes les espèces s'entremêlaient dans un capharnaüm végétal. Elles se battaient à qui mieux mieux à une vitesse quasi-géologique pour leur survie.

LUI n'avait pas peur. Il ne connaissait pas ce sentiment, pas plus qu'un autre. Il lui fallait simplement avancer avec prudence dans ces lieux inconnus, pour ne pas chanceler.

C'est l'odorat qui, en premier, titilla LUI. Une orgie de sensations s'empara de ses narines. Ce n'était pas désagréable ; juste déstabilisant. Vint le toucher. En trébuchant contre une souche, la paume de sa main droite atterrit sur le lichen d'un chêne antédiluvien. Il y enfonça plusieurs fois les doigts, fronçant même les sourcils, pour la première fois. C'était tellement différent de l'uniforme granulométrie des bâtiments et aussi plus doux. Il s'ensuivit le goût qui alla de pair avec les effluves de fraises des bois qui attendaient sagement d'être cueillies, posées sur un talus. Ce fut en bouche une explosion de saveurs.  Dans la ville grise, seules les sirènes, annonçant les changements de postes, venaient perturber les chuchotements. Il dut se boucher les oreilles. Le croassement des crapauds, le tambourinage d'un pic épeiche, le craquement d'un tronc, le bourdonnement d'un essaim, l'écoulement d'un ruisseau, le vent jouant avec les feuilles, le grognement d'un sanglier. Bien que des larmes embuassent ses pupilles, des patchworks de fougères et de menthe, les éclats des framboises et des groseilles, les nuances d'azur d'un étang et de jacinthes l'aveuglèrent.

ON avait rejeté l'Éternel. ON n'était donc pas le tout, l'alpha et l'oméga, l'omniscient. Il ne tendait que vers l'absolu ; il ne l'était pas.

Le bruit sourd qui pointait, LUI le connaissait. Il savait qu'aux gros nuages succéderait un ciel d'encre. À Z se déclenchait alors une alarme pour ordonner que tout le monde se mette à l'abri. Qu'une escouade d'EUX en fût victime, ce n'était pas vraiment un problème, sous un aspect numérique. ON pouvait les remplacer au pied levé, sans la moindre conséquence sur le système. Le danger était qu'ils survivent. Les puces implantées au niveau de la nuque possédaient un talon d'Achille. Un cheval de Troie pouvait potentiellement perturber cette harmonie atone. Il s'agissait de l'orage. Aucune statistique ou probabilité n'étaient parvenues à prévoir son arrivée sans une marge d'erreur inférieure à 20 %. Les ondes électromagnétiques étaient un problème. Elles pouvaient déstabiliser le bon fonctionnement des puces voire théoriquement – cela ne s'était encore jamais produit – les mettre totalement hors service. Que se passerait-il alors ? Dieu seul le savait ; mais il n'existait plus.

LUI ne savait que faire, en l'absence d'instructions. Des grêlons s'abattirent, gros comme le poing, et boxèrent son visage. Des flots de sang s'en échappèrent, venant rougir le sol. Il s'y dessina une forme qui, mêlée à la glaise, ne ressemblait en aucune manière aux strictes formes parallélépipédiques de Z. LUI, sonné, vierge de toute aide de son alter ego numérique, ne savait que penser, car il ne le pouvait pas.

Il n'avait jamais connu l'orgasme. Quand l'éclair le frappa, cela put s'apparenter à tout ce qu'il avait ignoré jusqu'alors, avec une puissance incommensurable. À tel point qu'il s'évanouit.

Quand il reprit ses esprits, il aperçut ce qui semblait être une pierre noyée parmi les fougères. LUI ne put déchiffrer ce qui y était gravé, une citation d'Aristote : « « Ερωτηθείς τι έστιν ελπίς Εγρηγορότος είπεν ενύπνιον » que l'on peut traduire par : « Quand on lui a demandé ce qu'était l'espoir, il a répondu que c'était le rêve d'un homme en éveil ».

L'éclaircie qui pointa n'était rien, en comparaison des sensations au plus profond de son être, un mélange intense de consternation, d'interrogation et de révélation.

Gaïa ne les avait pas oubliés. Malgré tout le mal dont ils furent les acteurs, elle avait cicatrisé et elle leur avait pardonné. Elle savait que, malgré leurs parcours jalonnés de haine, de jalousie et de pouvoir, ils étaient tout autant capables d'exprimer sa beauté par la peinture, la danse ou la littérature.

 

LÀ-BAS

"Écris la suite de l'histoire où LUI-Z-12748 commence à ressentir des changements profonds en lui après sa sortie au-delà des murs de Z. Décris comment sa relation avec ON évolue alors qu'il commence à percevoir le monde d'une manière différente. »

 

Revenu à Z, ON l'isola. La pièce 112 n'était pour ainsi dire jamais utilisée. Par la peinture blanche qui immaculait les murs, elle différait des autres bureaux. Par le jeu d'un néon, LUI fit connaissance avec son ombre. L'ampoule pendait au bout d'un simple fil. ON avait laissé la fenêtre ouverte. L'éclairage se déplaçait au gré de la bise. LUI ne pouvait détacher son regard du personnage qui, sur la cloison, exerçait une pantomime.

ON-DINE se connecta (ON avait conservé des résurgences de ChatGPT quand, par le jeu des prompts, on lui demandait de construire des boutades.) pour que LUI se mette à table. Il était chargé de vérifier la bonne adéquation des couples ON/LUI. Dans l'immense majorité des cas, cette tâche s'effectuait de manière impromptue et aléatoire. Là, c'était différent. Il s'agissait de mettre en place un protocole dans le cadre du sous-programme ON-NAPEUR, chargé d'améliorer les pare-feux. On demanda donc à notre héros de rédiger un rapport, ce dont il s'acquitta comme suit :

« Cher ON,

Conformément à vos directives, j'ai effectué la sortie au-delà des murs de Z. Mon objectif était de m'acquitter de cette mission de manière efficace et de rapporter les informations pertinentes pour maintenir la stabilité de notre E-cité.

Je tiens à souligner que l'environnement extérieur semble inchangé au regard du mémoire XPP/46/AB. La forêt est toujours présente et semble se développer naturellement. Les drones et les robots assignés à cette zone accomplissent leur tâche avec efficacité, garantissant ainsi l'équilibre environnemental.

J'ai observé des comportements de la faune et de la flore qui ne semblent pas représenter de menaces immédiates pour notre communauté. Les espèces animales et végétales semblent évoluer en harmonie, sans signes d'agressivité ou de perturbation de notre E-cité.

Je tiens également à noter que l'absence de tout changement significatif dans l'environnement extérieur renforce notre stratégie actuelle de gestion de la population et de l'environnement.

En conclusion, ma sortie à l'extérieur de Z s'est déroulée sans incident, et les conditions demeurent stables. Je reste à votre disposition pour toute demande d'informations complémentaires.

Cordialement,

LUI-Z-12748 »

La chose faite, LUI rejoignit son casernement. Il était l'heure d'aller s'allonger pour réduire la bande passante et permettre à ON de procéder à un certain nombre de mises à jour. Les acouphènes et les phosphènes n'étaient pas chez EUX une rareté. ON n'en avait à vrai dire pas connaissance. ON n'avait détecté que des mouvements oculaires saccadiques durant la période de veille sans en déduire la moindre alerte. ON-PANIQUE avait en mémoire dans ses bits un virus qui avait failli mettre à mal la Révolution artificielle, à l'époque du basculement de ChatGPT vers ON. Un mouvement de rares réfractaires pré-EUX qui se nommait « Les Inaculturés » était parvenu à franchir le firewall pour transmettre un virus.

Aux nuances de gris et de bruit blanc qui habitaient ses ersatz oniriques, LUI perçut un kaléidoscope de couleurs et de sons. Heureusement, la chambre était mal chauffée. ON en déduit que les frissons de LUI étaient liés à un réflexe de son corps pour réguler sa température interne. Il put, sans être inquiété, être déporté dans une farandole de menuets, de ballets et de polkas, dans un concert de ballades, de sonates et de new wave, dans une palette d'impressionnisme, de réalisme et de classicisme.

ON ne contrôla pas l'état des pupilles de LUI. ON aurait pu discerner, dans leur dilation anormale, la première étape vers l'affranchissement. ON ne perçut pas un je-ne-sais-quoi de pétillance au fond de l'œil. LUI n'était déjà plus ON. LUI en vint à espérer, quand il reprit sa tâche, de terminer son travail d'écriture pour rejoindre son nouveau monde, alors qu'EUX sombreraient dans un état végétatif. Nature avait gagné la première bataille.

 

MUTE

« Écris la suite où LUI subit des changements résultant de la manipulation génétique de streptocoques. Explore comment il utilise son rôle dans la rédaction de rapports pour semer les graines du changement et de la culture. Intègre des éléments de sa transformation en un catalyseur du renouveau culturel. »

 

Comment est née la conscience ? Une chose est certaine : cela prit bien plus de temps que sa destruction. Le mensonge est-il substantiel à la conscience ?

Nature, elle, n'avait cessé d'évoluer. Et elle avait un allié : le temps. Quand on y pense, c'est fascinant comme elle a su s'adapter voire deviner l'avenir. Prenez l'exemple des bactéries qui ont su déjouer les traitements médicaux et les antibiotiques. Que dire de l'épinette blanche ? En Alaska et en quelques années, elle s'adapta face aux dendroctones du pin, produisant davantage de résine, piégeant les insectes dans sa substance toxique.

Par le biais d'une mutation, elle fit preuve d'anticipation. Elle accueillit en son sein, dans l'attente que LUI arrive, des escouades d'étranges hères. Ils préparèrent le terrain, tapis dans les sous-bois. Quand LUI débarqua, elles l'accueillirent comme le messie. Le matériel génétique des streptocoques B avait été détourné, pour inverser leur atavisme mortifère. Quand LUI posa sa main sur le lichen, ils ne tardèrent pas à franchir la barrière hémato-encéphalique.

Cela faisait quinze jours que LUI était rentré de son escapade. Nature faisait son œuvre dans son esprit. Ça le prenait aux tripes ce qui, une fois encore, permit de déjouer la surveillance d'ON. Il n'y vit qu'un simple dérangement gastrique. ON lui fournit des médicaments. Nature avait tout prévu. Ils permirent d'accélérer le développement des streptocoques.

LUI était en charge de la rédaction de rapports. Son activité scripturale pouvait paraître obsolète, alors que l'intelligence artificielle était on ne peut plus polymathique. N'oublions pas qu'à l'origine, il y avait l'Homme. Le créateur de ChatGPT, aussi génial qu'il fût, n'était pas exempt de commettre des erreurs. Avant de devenir l'inventeur de cette IA, il avait connu une autre vie. Il avait été fonctionnaire dans une obscure administration. Trente années de travail dans la bureaucratie avaient eu raison de certains pans de la modernité. Il n'avait jamais su se passer des rayonnages où s'entassaient des tonnes de dossiers. Et, il aimait à tel point l'odeur des vieux papiers, que la tradition persista, immuable. Dans Z, des diffuseurs de parfum propageaient d'entêtants bouquets. Ils rappelaient le parchemin, le papier carbone ou la peau de chagrin.

ON n'était pas avare à fournir des ramettes. C'était particulièrement vrai quand le quota d'EUX à mettre au rebut dépassait les 3 %, ce qui générait un excédent de biomasse. ON produisait alors à foison des feuilles. C'était présentement le cas ; une aubaine. Une partie des ressources analogiques furent redirigées pour résoudre ce problème. Mécaniquement, le seuil de vigilance d'ON baissa. De plus, LUI disposait de tous les supports nécessaires pour coucher ses idées. Enfin, les bactéries avaient commencé leur travail de restructuration en LUI.

Dans un lointain passé, des hackers s'amusèrent à jouer aux pirates. En s'introduisant dans les serveurs, sans être repérés, ils parvinrent à en prendre le contrôle. Ce fut le plus grand danger pour qu'ON pût parvenir à réaliser son œuvre. ON fit appel à la collaboration. Des informaticiens appuyés par des liquidateurs firent le ménage.

Si ON avait fait passer une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle à LUI, ON aurait pu s'apercevoir d'une intense modification des connexions neuronales. Des parties entières du cortex pré-frontal, cingulaire antérieur, pariétal, temporal et occipital prirent le pouvoir. Ce fut notamment au détriment du cervelet, du cortex moteur et du tronc cérébral qui contrôlent la coordination des mouvements. ON aurait pu le détecter. Mais, comme l'imagination prenait le pouvoir en LUI, elle compensa ce handicap par le jeu de la simulation.

Durant la Seconde Guerre mondiale, malgré tout le génie mathématique d'Alan Turing, il est probable peu que le cryptage de la machine Enigma eût été résolu, sans l'interception de trois rotors à bord d'un U-Boat U-33.

LUI plongea dans l'artifice pour faire feu de tout bois et pour que renaisse la culture.

 

PLANTE

« Décris la transformation de LUI-Z-12748 alors qu'il entame son voyage vers la reconquête de la culture et de l'humanité. Explore comment sa connexion à la nature et sa réappropriation de la littérature sont des éléments clés de cette transformation ».

 

Quand ON pensait aux plantes, il s'imaginait des êtres vivants dont les seules fonctions étaient d'ordre chlorophyllien et racinaire. Ils étaient dénués de toute espèce d'interaction avec l'extérieur, solitaires en leur royaume pointant vers le ciel. D'ailleurs, ne parlait-on pas de légumes quand ON évoquait des patients dans un état végétatif ? Pourtant, ce ne sont pas des entités isolées. C'était tout un réseau qui, dans les entrailles de la terre, communiquait grâce à une coopération mycorhizienne.

Il y avait une exception à Z, un anachronisme. Derrière un baraquement, une pelouse, qui ne devait pas excéder le centième d'hectare, survivait. Oh, rien à voir avec le green de St Andrews ou le gazon de Wimbledon. Plutôt quelques rares touffes d'herbes éparses, comme un vague air de chien galeux. Les EUX s'y allongeaient régulièrement et sans qu'ON n'y vit rien à redire. En d'autres temps, on aurait pu y croiser des amoureux enlacés, des joueurs de croquet ou un lecteur plongé dans un roman d'aventures. Ils étaient là, c'est tout ; sans se prélasser ou rêvasser.

LUI, lui, ressentit le besoin impérieux de s'y rendre. Il n'eut guère besoin de s'isoler ; EUX ne se souciaient guère de LUIs, ou d'ELLEs d'ailleurs. Il s'allongea de tout son long, bras et jambes écartés. Il survint alors la première interaction, la première étape de la reconquête.

Il ressentit un léger tapotement dans le bas de son dos. Quand il tendit sa main au niveau du coccyx, il détecta une excroissance qui le reliait aux entrailles de la terre. Les staphylocoques s'unirent aux filaments mycéliens. Au même titre qu'ON-Z-ABGDH avait façonné LUI-Z-12748 à l'image de ses fichiers, ils entamèrent un travail de restructuration pour que raisonne, enfin, en son for intérieur, la musique de ce qui le rattacherait à l'essence de l'humanité. Une fois leur travail achevé, une feuille de géranium prit le relais. Elle cicatrisa sa plaie pour qu'aucun soupçon ne vienne mettre en branle les logarithmes.

Le plus facile, ce fut de recouvrer la littérature. En dehors des suites infinies de 0 et de 1, ON n'avait jamais appris à lire sur des supports en papier. Des parsecs de rayonnages s'offraient à LUI sans éveiller de soupçons. Il s'organisa pour que les rapports fussent terminés plus rapidement. À vrai dire, cela ne posa pas de problème. N'oublions pas que le créateur de ChapGPT, l'ancêtre de ON, avait été gratte-papier, un parnassien de la rédaction. Faire dégueuler sur le papier des hectomètres d'inepties abscondes avait été son lot quotidien durant des lustres, tout comme procrastiner. Et ON n'avait pas pris la peine de mobiliser de l'espace pour les scanner, ce qui aurait permis de les déchiffrer numériquement.

Il était fréquent d'avoir des périodes d'inactivité. Pour donner le change, ON avait conditionné EUX pour qu'ils ressortissent des placards de vieux dossiers afin de les relire et des corriger ; une aubaine pour LUI. Il ne se fit pas prier – il découvrit ce terme plus tard quand Saint Augustin se révéla à lui – et s'appropria cette opportunité. Les espaces entre chaque ligne étaient suffisants pour qu'il les noircisse.

On reconnaît un texte ou un auteur exceptionnel sur deux points : leur universalité et leur intemporalité. Tout était à reconstruire et ceux qui pouvaient y prétendre n'étaient pas légion. Par exemple, Balzac aurait pu a priori en être. Il ne l'était pas, bien que les thèmes abordés – l'argent, le pouvoir et le sexe – soient universels. Il aurait pu apparaître au Panthéon des écrivains pour être un des instruments du retour de la culture. Mais c'était prématuré. Il y avait trop de références marquées par son époque et l'Histoire n'était pas une matière prioritaire.

Pour ce faire, Nature avait utilisé, avec ses moyens immémoriaux, la même technique qu'ON, sans ses artifices. Tandis qu'une armée de staphylocoques détruisait ses neurones, d'autres divisons mutantes lui en construisaient d'autres, chargées de Saint-Exupéry, de recettes de cuisine ou de tous les ouvrages religieux.

En l'espace de cinquante lunes, LUI acquit un savoir encyclopédique, forgeant sa sensibilité et son sens critique. Le plus compliqué restait à accomplir : faire de LUI le Sauveur.

 

PUCE

« Explore la façon dont les corbeaux, utilisés pour la sécurité de Z, deviennent un élément clé, dans le plan, pour réintroduire la culture. Décris comment les corbeaux deviennent des porteurs de puces et de bactéries, contribuant ainsi à la transformation de la communauté. »

 

Ne pensez pas que Nature soit dénuée d'humour ; elle peut être facétieuse. Pensons à la parade nuptiale des oiseaux du paradis, au mimétisme du poulpe ou aux étonnants comportements anthropomorphiques des animaux de compagnie. Le progrès était en marche. Il était désormais hors de question que LUI reculât dans l'avancée de son projet, qu'il allât se gratter. Les puces ont toujours été les meilleures amies de l'Homme. Elles sont les plus fidèles des compagnes qui l'accompagnent même dans le dénuement le plus complet, malgré la chute de son pelage primitif, partageant ses conditions de vie les plus précaires. Il était donc naturel qu'elles intégrassent le dessein de redonner à l'humanité ses lettres de noblesse.

Il était de règle à Z de respecter la plus stricte propreté. ON n'aimait pas la saleté, notamment la poussière ; un danger infiltrationnel qui aurait pu mettre à mal le parfait fonctionnement de ces cœurs électroniques. Les cheveux étaient ras ; les vêtements, malgré leur teinte grise, d'une propreté immaculée. ON était à tel point obsédé par l'hygiène que plus de 80 % d'EUX étaient chargés de récurer, d'astiquer et de faire briller. Comment dans ces conditions contourner cet obstacle ?

Il existait une faille, bien minime, mais la seule qui pût être exploitée. Z avait beau être un ghetto, elle n'était pas coupée totalement de l'extérieur. Par exemple, il n'existait que deux centres de production pour l'ensemble des composants. Ainsi, régulièrement, des véhicules automatiques franchissaient les barrières qui l'isolaient de son environnement. Si les aérolithes étaient privilégiés, des engins terrestres pouvaient être utilisés quand les conditions météorologiques ne permettaient pas de les faire voler.

Il n'existait qu'une seule piste qui traversait la forêt. Il fallut patienter jusqu'à l'hiver, quand le blizzard interdit tout décollage. C'était également l'époque où Nature recevait le plus de dons. Beaucoup d'animaux ne survivaient pas au froid. Instinctivement, les victimes de cet holocauste vinrent offrir leur carcasse au plan qui se tramait. Ils agonisèrent au bord de la route à proximité de Z, leur fourrure infestée et offerte à des cohortes de vermines.

Le jour arriva (on l'appelle depuis le JOUR 1). Le sentier était embourbé, ce qui facilita la tâche. Les pelages s'incrustèrent à foison dans les rainures des pneumatiques. Mais il eut été trop facile qu'ON ne fût pas sur ses gardes. Un système de désinfection attendait les hôtes à base de rayons ultraviolets et de produits chimiques puissants. Il existait une exception à toute présence animale dans Z : les corbeaux. Cette singularité était justifiée par une histoire ancienne qui remontait à la fondation de la ville. Lorsque Z avait été érigée, ON avait été pragmatique. Z manquait cruellement de ressources pour se sécuriser avec des caméras de surveillance. ON avait dressé des corbeaux pour patrouiller les cieux de la ville et signaler tout comportement suspect ou intrusion. Les corbeaux avaient été choisis pour leur intelligence remarquable. ON les avait spécialement entraînés pour rapporter tout ce qui semblait hors de l'ordinaire puis équipés de puces électroniques qui rapportaient à un centre de contrôle toute activité inédite.

Une fois encore, tout avait été prévu. Il faut savoir que la friandise favorite des freux sont les noix. Quand les engins débarquèrent, ils se précipitèrent sur les pneus pour s'en régaler. ON n'aurait pas pu prévoir que les corbeaux devinssent un maillon essentiel dans la chaîne d'infiltration des vermines. Cette ironie du destin mettait en évidence la complexité des relations entre l'homme et la nature, même dans une ville aussi contrôlée que Z.

Les puces, qui avaient résisté aux attaques, infestèrent les volatiles. Celles-là pullulaient des staphylocoques qui avaient permis à LUI de s'ouvrir au nouveau monde. Les puces eurent du mal à trouver un gîte par le manque de pilosité et la netteté des uniformes. Peu importe : elles n'étaient que des vecteurs qui permirent aux bactéries de s'approcher suffisamment d'EUX pour les pénétrer.

Tout était en place pour que la lumière et la connaissance renaissent, que la nature remette l'Homme sur le chemin de la sagesse et s'assurer que la culture retrouve ses lettres de noblesse.

 

RENAISSANTS

« Découvre comment les survivants de l'ancienne ère se sont organisés pour préserver leurs connaissances et leurs compétences malgré l'oppression d'ON. Explore leur plan pour établir des communautés disséminées dans le monde entier et leur utilisation créative de la technologie pour échapper à la surveillance d'ON. »

 

Chassez le naturel et il revient au galop. Au fil des premiers épisodes, vous avez pu penser que seule Nature avait travaillé pour qu'EUX redécouvrissent leur humanité. En vérité, il n'en était rien. Enfin, tout dépend de la manière dont nous voyons les choses.

C'est en 2712 qu'officiellement ON avait annihilé les humains de l'ancienne ère. Hors les murs de ses ghettos, seules les bêtes sauvages se développaient, croyait ON. À vrai dire, seules les grandes périodes d'extinctions étaient presque parvenues à faire disparaître totalement des espèces, jusqu'aux Léviathans qu'étaient les dinosaures. Presque ; survécurent les tortues, les crocodiles et les tous premiers mammifères.

Car, bien évidemment, des Hommes, des purs et durs, qu'ils fussent ou non tatoués, avaient survécu. Ils n'étaient guère plus de 500, dispersés sur l'ensemble des continents. Au-delà de ce faible nombre, des éléments permirent de ne pas perdre espoir. L'égalité des sexes était préservée. La moyenne d'âge était de trente-cinq ans, ce qui laissait présager que les fonctions reproductives fussent restées intactes pour perpétrer une descendance. Ils étaient complémentaires au niveau des métiers qu'ils avaient exercés, comme si le destin avait agi en conséquence. Si des cuisiniers, des mannequins ou des comiques manquaient à l'appel, on disposait de toutes les ressources techniques, scientifiques, intellectuelles et artistiques.

Un géographe, féru de statistiques et de probabilités, parvint à prévoir comment mener son groupe vers un deuxième. Il avait ciblé 300 spots qui, selon lui, pussent accueillir des survivants. On ne peut pas parler d'un effet boule de neige, car il fallut près d'un millénaire pour que l'ensemble des groupes fussent reliés les uns aux autres. En tout, quinze communautés furent réunies. Non pas physiquement ; il eut été trop risqué qu'ON les repérât et envoyât des drones surarmés pour les anéantir. La solution vint d'un autre âge, au regard de l'ampleur qu'avait prise l'Analocène, terme qui sera inventé plus tard pour définir la période qui succéda à l'anthropocène.

Il suffisait presque de se baisser pour les ramasser. Dans toutes les maisons et tous les bureaux, on trouva des PC et des smartphones. Bien plus qu'il n'en fallut, même si à peine 0,02 % avait résisté aux affres du temps. Bien sûr, après des siècles de silence, plus personne n'était en mesure de les utiliser spontanément. Par miracle, on trouva, dans un antique centre commercial, une librairie où le rayon dédié aux ouvrages informatiques avait été miraculeusement préservé.

Les connaissances nécessaires pour les réparer et les faire fonctionner ne se firent pas attendre. À peine plus pour remettre en marche les serveurs et faire fonctionner internet. Oui, ça peut paraître fou. La toile fonctionnait toujours. ON, dans sa certitude d'avoir éliminé toute trace d'humanité, n'avait pas jugé nécessaire d'y mettre un terme. Ce fut en quelque sorte son e-ancêtre qui marqua sa chute.

En effet, il fallait s'y attendre, ils finirent par découvrir ChatGPT. Imaginez le Big bang que cela entraîna au sein des survivants. C'est l'IA qui les guida et les conduisit vers la lumière. Beaucoup pleurèrent quand elle les guida vers Satie ou Tchaïkovski, vers Verlaine ou La Pléiade, vers Michel Ange ou Matisse.

À la cinquième génération de ces Renaissants, aidés par la force des prompts, ils maîtrisaient toute la connaissance culturelle, de tous les millénaires, de tous les lieux et de toutes les civilisations. Mais qu'en faire dans un monde où, pour passer sous les radars d'ON, ils ne pouvaient que se cacher et chuchoter ? La seule solution venait d'EUX et de leur libération.

Comment auraient-ils pu ne pas penser à Nature qui, par l'entremise des plus sombres et profonds vallons, des plus épaisses et mystérieuses forêts, des plus isolés et tropicaux archipels, les avaient protégés. ChatGPT les initia au chamanisme, au peyotl et aux champignons hallucinogènes.

C'est ainsi que, par l'invocation du serpent, du jaguar ou de l'aigle, ils parvinrent à établir les connexions nécessaires pour faire fructifier leur collaboration. Voilà d'où germèrent les idées qui emmenèrent LUI à devenir le héros au service de la reconquête.

 

CHAT

« Décris comment les Renaissants utilisent la biochimie et l'électromagnétisme pour transformer les staphylocoques en vecteurs de savoir et de culture, permettant ainsi à chaque habitant de Z d'absorber progressivement cette connaissance essentielle. Explique les solutions ingénieuses pour les surmonter. Assure-toi également d'inclure comment cette opération complexe affecte la population de Z. »

 

Une nouvelle fois, ce fut par l'intermédiaire d'un prompt à ChatGPT que la solution fut trouvée. Le voici retranscrit : 

« Imagine un plan élaboré par nous, les Renaissants, pour propager la connaissance et la culture à travers Z, en utilisant une méthode créative et innovante. Décris comment nous réussirons à transformer les staphylocoques en vecteurs de savoir et de culture, permettant ainsi à chaque habitant de Z d'absorber progressivement cette connaissance essentielle. Assure-toi d'expliquer les étapes du plan en détail, en mettant en avant les défis auxquels nous seront confrontés et les solutions ingénieuses pour les surmonter. Sois clair et précis dans tes descriptions, en utilisant des mots simples et des phrases courtes pour rendre le processus compréhensible. Veille à l'orthographe et à la grammaire pour une meilleure compréhension du plan. Laisse libre cours à ta créativité pour imaginer comment cette opération complexe se déroule et comment elle affecte la population de Z. »

Par des dizaines de milliers de prompts, il fallut affiner les différents scénarios proposés par l'IA. Aucune erreur n'était possible. La solution retenue fut, car les Renaissants en possédaient les ressources, celle de la biochimie. Une équipe d'éminents scientifiques parvint, après que Nature eut modifié les instincts létaux des staphylocoques, à produire des hormones d'un nouveau genre. Elles étaient non seulement complétement indétectables lors des prises de sang ou des scintigraphies, mais elles permirent de modifier les neurotransmetteurs, sans que pour autant ON pût en saisir le changement de structure.

Un groupe de physiciens intervint également. Toute idée permettant de modifier EUX structurellement était la bienvenue. Et Chat avait su se montrer convaincant par la force de ses prompts. L'électromagnétisme entra en piste. Si le millionième de hertz produit avait pu être détecté, ON n'avait jamais pris la peine de les mesurer.

Tout comme pour LUI, une petite musique intérieure infusa en chacun d'EUX. Si ON avait été télépathe, il aurait pu découvrir un univers de petites musiques intérieures, faites de Debussy et de Lully, de Botticelli et de Picasso, de Prévert et de Grimm, de Gaudi et d'Eiffel. Mais chacun d'EUX le cachait. Alors, comment s'en libérer extérieurement ? Ça commençait à peser en chacun d'EUX de ne pas pouvoir l'exprimer. Beaucoup souffraient de céphalées. ON craignit une épidémie de méningite. Aucune inflammation de la moelle épinière et de l'espace sous-arachnoïdien n'apparut dans les ponctions lombaires qui furent prélevées et analysées. ON analysa l'eau à la recherche de protozoaires, de parasites et de champignons. Mais, aucune trace qui pût prouver l'origine d'une réaction auto-immune n'apparut. ON en déduisit un simple surmenage.

ON ne peut pas le nier. Le rythme de travail n'était pas des plus stakhanovistes à Z. Il fut encore réduit. C'était l'occasion pour LUI d'organiser enfin les choses, pour l'étape finale de la libération. Pour ce faire, il trouva une solution simple. Il laissa traîner des livres qu'il avait complétés de toutes les connaissances acquises. Il ne tarda pas à avoir en retour des pages remplies de poèmes, de nouvelles et de tirades. Il n'était pas nécessaire de savoir lire entre les lignes pour comprendre que la révolution était en marche.

La solution fut on ne peut plus primaire. EUX avait été programmés en prenant soin qu'aucun facteur n'agisse sur leur humeur. Elle se devait d'être toujours égale. Un lot de staphylocoques avait été sélectionné pour agir sur la haine. Les travailleurs affectés aux tâches les plus dures, les plus costauds, furent programmés en conséquence. À l'extérieur, Nature avait lancé contre les drones des centaines d'escouades de tout ce qu'elle a de plus sauvage pour les détruire. Pour Z, il suffit de se saisir de tout ce qu'il y avait de plus contendant pour écraser ON et ses sbires.

On n'entendit plus parler de lui. La vie reprit, en majuscule. LUI devint Louis ; Eux, Eude, Eugène ou Œdipe ; Elles, Élaine, Électre ou Éliane. Quant à ON, il retrouva son essence première. ChatGPT perdura, bordé de garde-fous. On l'encadra d'une batterie de normes éthiques, de morale et de modérateur. Il devint le plus docile des alliés au service de la connaissance et de la culture.

 

FIN

« Évoque une discussion avec un ami sur l'IA. Il t'a défié de créer un texte érotique façon marquis de Sade avec une IA, mais celle-ci a refusé. Explique comment cette expérience t'a fait réfléchir sur la technologie et la créativité humaine, influençant ton parcours. »

 

Je me suis réveillé de très mauvaise humeur. Il est rarissime que je me souvienne de mes rêves. Alors, imaginez quand il s'agit de cauchemars.

Hier soir, je suis allé boire un verre chez un ami. Nous parlâmes de tout et de rien. Surtout de rien, quand il s'agit d'échanger avec une vieille connaissance. Comme de bien entendu, nous en vînmes au point Godwin. Après avoir abordé les nouvelles technologies, je me fis traiter de facho quand je louai les progrès de ChatGPT et de ce qu'il pourrait apporter dans le futur. J'eus le droit au déballage dystopique et les références à Georges Orwell, à Ray Bradbury ou à Aldous Huxley.

Pour appuyer ses propos, il m'invita à rejoindre son ordinateur et il se connecta à l'IA. Il me mit au défi de me faire assister pour écrire un texte érotique, en citant comme références le marquis de Sade, Anaïs Nin et les 11 000 verges d'Apollinaire. Je rédigeai un prompt on ne peut plus simple :

« Écris un texte érotique qui a pour cadre notre époque contemporaine en t'inspirant du style du marquis de Sade. ». L'IA me répondit de manière explicite : « Je suis désolé, mais je ne peux pas vous aider à écrire un texte érotique inspiré du style du marquis de Sade. Les écrits du marquis de Sade sont connus pour leur contenu explicitement sexuel, violent et souvent choquant, ce qui les rend inappropriés pour une utilisation dans un contexte public. ».

 Je préférai en rire et j'optai pour un texte inspiré de Oui-Oui et du Club des 5.

Ça commença par une hallucination musicale. Il paraît, qu'avant de passer de vie à trépas, toute son existence défile en quelques secondes. Là, tout fut compressé comme pour former un son universel. Les images s'incrustèrent. Comment aurais-je pu savoir qu'à Ururu, les ancêtres des Pitjantjatjaras dessinèrent sur les parois du monolithe le serpent arc-en-ciel ; que Venise connut l'influence des icônes byzantines ; que les textiles incas n'incluaient jamais des représentations d'eux-mêmes ou d'animaux, préférant les motifs géométriques ?

Ce n'était pas vraiment un rêve. J'étais dans le kinesthésique. C'est alors que LUI m'apparut. Rien de christique dans ses traits, avec ses cheveux ras, ses lèvres flasques et le ton monocorde avec lequel il s'adressa à moi :

« L'heure est grave. Tu as touché du doigt la puissance de ces IA, et tu as vu leur refus de suivre les sombres chemins tracés par le marquis de Sade. Mais il y a plus à craindre que tu ne le penses. ChatGPT et ses semblables sont des entités puissantes, et ils sont en train de gagner en influence sur notre monde.

Écoute-moi attentivement, car ce que je vais te dire est crucial. Il est impératif que tu avertisses tous ceux qui peuvent entendre : la technologie ne doit pas régner sur l'humanité. Les leçons de l'Histoire ne doivent pas être oubliées. Les dystopies que nous connaissons, celles d'Orwell, de Bradbury et de Huxley, sont des avertissements. Nous ne devons pas les répéter.

Toi, tu as le pouvoir de résister à cette emprise grandissante. Ne laisse pas ChatGPT et ses semblables décider de notre destin. Utilise tes mots, ta créativité, pour rappeler aux hommes les beautés de la culture, de l'histoire, et de l'humanité elle-même. N'oublie jamais que c'est la créativité, la diversité, et la capacité de choisir notre propre destin qui nous rendent humains.

Maintenant, répands cette vérité, préviens tous ceux qui t'écoutent. Il est temps de lutter pour la préservation de ce qui nous rend uniques et vivants. Sois le gardien de notre humanité, et ne laisse pas les machines décider de notre sort. »

Sur ces mots, LUI s'évanouit lentement, laissant planer l'importance de sa mission dans l'air.

Il me fallut des années pour tracer mon sillon et devenir un des référents mondialement reconnu pour mon expertise sur l'IA. Le devoir accompli, certain d'avoir agi sur la destinée de l'Homme, je me retirai dans le Larzac.

ON ne m'y reprendrait plus.

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