Quand on ne peut plus.

Christophe Hulé

Attendre tranquillement que la mort me surprenne.

Voilà une bonne nouvelle, quand la mort vous surprend, c'est qu'il n'y a pas de souffrance.

Si je me fie à la longévité de mon père, il me faudra attendre encore vingt sept ans.

Et mon père n'est pas mort.

Dans deux ans, c'est décidé, je pars en retraite.

Foin du beurre dans les épinards avec une ou deux années de surcote.

Quand on en peut plus, on en peut plus.

Bien sûr, une fois retirées les primes et les années funestes dans le privé, je perdrai mille euros, c'est pas rien.

Un HLM en province et des efforts sur tout, mais ne plus travailler …

Ce qui m'est pénible, je sais que je vais en choquer beaucoup, c'est de devoir me lever tôt.

Certains matins je hurle en entendant le réveil, et j'appuie quatre ou cinq fois sur ce putain de bouton avant de me décider à sortir du lit comme on va à l'échafaud.

Franchement j'ai honte car j'ai un boulot peinard, mais  je suis las des saloperies qui me sont arrivées et celles qui touchent mes collègues.

État, collectivités territoriales, privé, tout est pourri, pardon pour le raccourci.

Il paraît, dans les textes officiels, que les personnels seront de plus en plus écoutés et protégés.

« Si maman si ... ».

La broyeuse universelle est toujours en service, à tous les échelons.

Un petit chefaillon minable (idem au féminin) pourra toujours exercer la vengeance avec des rapports mensongers, on ne sera pas « réactif », comme on dit de nos jours, dans les hautes sphères, même si l'injustice saute aux yeux : « pas de vagues, pas de vagues.

J'espère quand même que certains d'entre vous me comprennent, car je ne parle pas que de moi.

Le pire étant que personne n'ose prendre parti pour ne pas être broyé à son tour.

Tout est fait pour faire croire aux employés harcelés qu'ils traînent des casseroles.

Et il faut bien du temps pour s'en remettre, comme les chagrins d'amour.

Les plus zélés et consciencieux seront les meilleures cibles.

Et malheur à celle ou celui qui défendra la cause d'une ou d'un collègue.

Aujourd'hui je ne suis plus victime de ces saloperies, mais j'ai morflé comme on dit vulgairement.

Peut-être que les jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi feront exploser tout ça, mais au point où j'en suis, j'en doute.

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