regret ?

atsuna-revane

Ce n'était pas quelque chose qu'elle pensait vraiment regretter. Elle avait rencontré ce garçon, par l'intermédiaire de son meilleur ami. Il correspondait à priori à tout ce qui lui plaisait. Grand, mince, sportif, et en plus de tout cela, ces traits du visage si particuliers aux eurasiens. Sans vraiment le connaître, elle aimait déjà son regard, sa voix, son humour, son talent à Guitar Hero... En une soirée, le jeune lui avait déjà capturé son âme. Aussi, lorsqu'il lui offrit ses bras, et un bout de canapé pour dormir, elle céda, se laissa aller. "Tant pis !" Se disait-elle dans le noir de la petite chambre occupée par les survivants de la fête, dont elle n'avait retenu que peu de choses, à l'exception de ce sourire charmeur qui lui avait été adressé quelques fois, subtilement, entre deux blagues. "Tant pis si ça marche pas, je veux essayer, je le veux," pensait-elle en se blotissant contre le jeune homme. Elle n'avait aucune idée de ses attentes, mais pour une fois, elle s'en fichait. Son coeur n'attendait que de trouver un être à aimer...
Mais bien entendu, si l'on peut choisir qui aimer, ce n'est pas à nous de décider qui nous aime. Elle n'y croyait pas vraiment, à cette époque. Et sentir le coeur du garçon battre contre sa main lui laissa tout le loisir d'espérer. Et puis, elle n'y connaissait rien de l'autre sexe. Que penser de ses gestes ? Comment les interpréter. Elle n'était pas sa première, il savait comment l'embrasser pour qu'elle ne veuille plus s'en aller... Comment résister, alors que tout son corps lui criait de l'aimer ?
Portant l'espoir de voir cette relation aboutir comme on brandirait une pencarte de manifestation, elle faillit se détourner de son meilleur ami... Car bien que l'ami eut entraîné la jeune fille dans cette histoire, il possédait la clairvoyance de l'amitié. Un secret révélé, une mise en garde, rien n'y fit. Même ces nuits où elle serrait son oreiller en pleurant, attendant une réponse du garçon. Ces quelques longues journées durant lesquelles elle n'avait aucunes nouvelles. Ces heures passées à observer le téléphone, silencieux depuis trop longtemps. Elle eut un moment de lucidité, décida de tout arrêter avant de souffrir encore...
Mais ce regard, ces yeux, cette voix, ce sourire... Que faire ?
Elle était impuissante face à lui. Ne pouvait que se laisser guider, comme si son cerveau disparaissait dabs un autre monde dès que le garçon était là. Pourtant elle n'était pas idiote, pas totalement cruche, elle aurait dû le savoir, que ce n'était pas une bonne idée.
"Mais j'en ai tellement envie!"
Et voilà qu'à nouveau elle cédait.

*****
Le 2 devint 2.01.
Peur panique.
Non, pas maintenant, pitié je voys en supplie !
Hé bien si... Si rien n'était fait, ils seraient bientôt tous les trois une famille. Mais ce n'était pas le bon, tout au fond d'elle, elle le savait depuis le début. De toute façon il n'en voulait pas. Et elle non plus.
Mais ce n'était pas de l'avis de tout le monde.
Elle rejeta tout son monde, envoya tout balader, et une part d'elle-même s'accrocha à l'idée que tout n'était pas terminé.
Seulement elle était déjà cassée. Elle était allée se briser au fond de ce cul-de-sac, et serait bien incapable de gravir ce mur, pour continuer leur route.
Elle dut abandonner ce .01, comme on efface un début d'idée tracé au crayon léger. Elle savait que jamais elle n'oublierait, cependant se première réaction fut de fuir. Elle s'installa seule avec le jeune homme. À contre-coeur au fond, parce que toujours elle voyait le mur infranchissable au bout de l'allée. Elle s'enfonça peu à peu dans son désespoir, son sentiment de médiocrité. Sonc Echec.

Son Echec.

Et rien d'autre ne pouvait réussir après ça.
Vivant côte à côte comme deux fantômes d'une seule vie, ils évoluèrent à part. Le sourire se para d'un éclat d'hypocrisie, la voix résonna d'un millier de mensonges. Les caresses automatiques, le temps passé ensemble presque une obligation.
Et elle se rendit compte qu'il fuyait aussi. Non seulement cette ébauche jamais finie, mais sa propre vie. Comme si lui aussi voulait tout garder à l'état d'esquisse.
Tout cela ne pouvait que se terminer par le mur. La rupture.
Elle se retrouva seule. Perdue. S'accrocha à des gens de tous côtés, se saoula dans toutes sortes des choses ridicules. Elle se remit à fumer.
"Y a plus personne que ça dérange, pourquoi je me priverais ?"
Mais elle voyait encore sa silhouette déambuler dans le salon. Elle le voyait encore devant son ordinateur, plongé dans son monde loin d'elle. Lui revenaient en mémoire les quelques bons souvenirs.
Et chaque respiration était une torture.
De toute façon, elle n'arriverait jamais à rien.
Elle rompit. Avec elle-même. Avec l'Amour. Avec ses rêves et ses projets.
"Je suis nulle, je n'y arriverai jamais."
Si elle avait eu un fouet, elle se serait fait payer tous ces échecs. Mais les mots, les souvenirs, les regrets, tout cela lui faisait le même effet, en fin de compte. Elle se laissa briser par la marée, qui ne s'était pas arrêtée pour elle.

****

Puis un jour elle ressortit la téte de l'eau, les cheveux flottant autour de son visage marqué par le sel des embruns.
Elle se dit : "j'ai envie d'écrire."
Oh ça, elle le désirait plus que jamais ! Bien sûr, rien n'était réglé, il y avait encore du chemin à parcourir avant de rejoindre la rive. Elle devrait nager, s'épuiser, parfois encore couler. Elle se souviendrait encore de ce 2.01 pendant longtemps, et ça resterait encore douloureux pour un bout de temps, mais il y avait encore tant de choses à découvrir, tant de nouveaux souvenirs à se faire, de mondes à explorer, d'âmes à rencontrer. Une âme soeur peut-être ?
Alors timidement, elle inspira un grand coup, et se mit à nager.

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