Si je vis encore, je voudrais vous connaître.

Juliet

Excusez-moi, est-ce que vous avez l'heure ?
J'ai perdu la notion du temps.
Excusez-moi, est-ce bien vrai que je pleure ?
Je ne me vois pas et pourtant,
j'ai l'impression que du chagrin s'écoule sur ma joue.
Mais ce n'est peut-être qu'un nouveau tour que l'on me joue ;
je crois avoir perdu la notion de la réalité.
Excusez-moi, vous voulez bien me dire où vous habitez ?
Je vous trouve l'air gentil et je n'ai pas de maison.
Vous croyez que j'ai menti mais vous n'avez pas raison.
Pourquoi faites-vous comme si vous ne m'entendez pas ?
Je veux quelqu'un qui soit mon père pour suivre ses pas.
Excusez-moi, pouvez-vous m'indiquer mon chemin ?
Je suis perdu et personne ne me tient la main
au milieu de cette foule dense
dont j'ai déjà perdu la cadence.
Est-ce qu'il y a un hôpital qui ne soit pas très loin ?
Je crois que je me suis fait très mal et j'ai besoin de soins.
S'il vous plaît, j'ai peu d'argent,
mais je crois que c'est urgent.
Excusez-moi, est-ce que vous savez où est-ce que nous sommes ?
J'ai perdu la notion de l'espace et la douleur m'assomme.
J'ai l'impression de ne me souvenir de rien ;
même mon nom semble avoir dénoué nos liens.
Excusez-moi, vous pouvez regarder sous ma chemise ?
Je crois que je suis blessé et j'ai peur de lâcher prise.
Et si jamais je perds beaucoup de sang,
faites comme si j'étais votre enfant.
Ici je ne connais personne.
J'ai l'impression que l'heure sonne.
Excusez-moi, est-ce que vous pouvez me faire un câlin ?
Tous les gens autour de moi sont comme des esprits malins.
Et dites-moi si l'on est le jour ou la nuit.
Je ne fais pas la différence sous la pluie.
Et puis je vois tout trouble,
le monde se dédouble,
et un autre semble apparaître
quand moi je me sens disparaître.
Excusez-moi, je suis désolé d'être insistant,
je crois que vous devenez de plus en plus distant.
J'aimerais être un peu plus résistant,
mais j'ai l'impression d'être inexistant.
Excusez-moi, pourquoi est-ce que personne ne m'écoute ?
Est-ce qu'il y aurait quelque chose en moi qui vous dégoûte ?
Monsieur, je ne suis pas dangereux.
Je vous en prie rendez-moi heureux.
Je ne trouve pas d'endroit où dormir et je suis fatigué.
De ma maison je me suis fait bannir parce que j'ai fugué.
Je n'ai aucun endroit où aller,
et puis je n'ai plus rien avalé

depuis très longtemps je crois,
et j'ai de plus en plus froid…
Excusez-moi, est-ce qu'il pleut ?
Il semblerait que mes sens disparaissent.
Pardonnez-moi, est-ce que je peux
prendre vos bras pour tuer ma paresse ?
Vous vous penchez sur moi avec ce visage.
Il est si doux mais donne un mauvais présage…
Pourquoi êtes-vous si soucieux ?
Je peux vous jurer sous les cieux
que je ne suis pas un vaurien,
je ne vous ferai jamais rien…
Pourquoi me dites-vous de me taire ?
Il me semble être plus bas que terre.
Ça me revient…
Je me souviens
de la voiture qui a frappé fort,
et depuis la douleur qui me perfore…
Le sol est dur,
mais je l'endure.
Excusez-moi, même si vos lèvres bougent,
je ne peux rien entendre.
Pardon, mais je crois qu'il y a trop de rouge
sous moi qui vient s'étendre.

Excusez-moi, pourquoi y a-t-il une ambulance ?
J'ai peur de son cri qui réduit le monde au silence…


Excusez-moi, est-ce que vous avez l'heure ?
J'ai perdu la notion du temps, de l'espace et des distances.
Vous êtes si proche de moi et pourtant,
vous vous éloignez à chaque battement de cœur.
Même eux,
je commence à perdre leur notion.
Cette sirène qui ne cesse de résonner,
et moi qui n'arrive plus très bien à raisonner…

Dites, même si vous êtes un inconnu,
je voudrais un peu de votre chaleur,
pour venir réchauffer mon corps.
Finalement je ne veux savoir l'heure,
car elle est celle de ma mort.


(écrit le 12 septembre 2011)

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