This is my lover's prayer

dr-gero-le-vrai

Jean s’apprêtait à sortir de son bureau lorsque le téléphone sonna. Il se demandait qui pouvait bien appeler à cette heure si tardive.

« Allo, dit-il

Bonsoir Jean, il …. Il…. s’est passé  quelque chose d’horrible ! » 

Malgré les bégaiements, il reconnut immédiatement Hector, l’homme de ménage.

« Calmez vous Hector, lui répondit-il .Que s’est-il passé ?

On a agressé monsieur le directeur, il est inconscient dans le studio d’enregistrement !

-Vous avez appelé la police ?

-Oui ils sont en route

-Ne bougez pas, je descends »

Il ne prit même pas la peine de raccrocher le téléphone et descendit les marches si rapidement  qu’il faillit en tomber.

Arrivé à l’étage du directeur, monsieur Kolabov, il se précipita vers la pièce d’où s’échappait de la lumière et vit Hector qui tentait de porter secours au directeur. Il l’avait mis en position de sécurité. Il se rapprocha de la victime et vit alors que cette dernière était inconsciente. Elle avait été poignardé à plusieurs reprises. Du sang avait coulé sur le tapis, et la quantité ne laissait rien présager de bon. Il y en avait même qui avait éclaboussé une partie des murs et entachait les tableaux d’époque de Kolabov.

Jean était submergé par les d’émotions. Il se rendait compte de l’urgence de la situation. Il était angoissé à l’idée de perdre son directeur et surtout son seul vrai ami. Une amitié commencée il y a plus de vingt ans et qui n’avait cessé de se renforcer tout au long de ces années.

Malgré cette angoisse, il se reprit et demanda à Hector d’aller en bas de l’immeuble pour guider les secouristes. Tout gain de temps était primordial. Il prit alors la main de son ami et commença à lui parler pour le garder éveillé :

« -Tu te rappelles quand on est parti en vacances pour la première fois? On était jeune, fauché mais c’était sûrement les meilleures vacances qu’on ait jamais passées ensemble !

Tu te rappelles des indiens qu’on avait rencontrés sur la plage? Ils se moquaient de nous en anglais et nous faisions de même en français. Ils s’appelaient comment déjà ?Mumbar,Mushtar ?

Jean essayait à tout prix de faire réagir Kolabov mais celui-ci ne réagissait toujours pas.

A ce moment, la sirène d’une ambulance retentit.

« Ils arrivent, ça va aller !, s’exclama Jean.

C’est à ce moment qu’il vit le directeur se relever. Ils étaient tous les deux à genoux. Kolabov prit son ami dans ses bras et lui murmura :

« Toi !toi !je te considérais comme un frère. Comment as tu pu me faire ça ?

Et il retomba aussi subitement qu’il s’était relevé.

Jean était abasourdi. Mais de quoi parlait-il? Avait-il un lien avec cette agression ? Les idées bouillaient dans sa tête, tout se mélangeait.

« Ou est-il ?ou est-il ? »

Les secouristes étaient enfin arrivés. Ils s’occupaient du blessé, mais à leurs visages, on se doutait qu’il n’y avait plus grand-chose à faire. Ils avaient quand même réussi à le stabiliser et l’emmener à l’hôpital.

A peine avaient-ils quitté la pièce que les policiers entrèrent et commencèrent à investirent la scène de crime. La police scientifique prenait des photos. Les techniciens relevaient empreintes, mégots de cigarette, cheveux. Tout ce qui pouvait expliquer ce qui s’était passé dans le studio d’enregistrement. Il y avait un homme en civil qui se baladait dans la pièce et qui griffonnait dans son calepin. C’était un homme de taille moyenne, de corpulence normale. Il avait des lunettes qu’il laissait sur le front et qu’il mettait uniquement lorsqu’il examinait les preuves de prés. Il demanda où était les témoins. On l’emmena voir dans un premier temps Hector, étant donné que c’était la personne qui avait découvert la victime.

« -Bonjour, je suis l’inspecteur Hubert. C’est bien vous qui avez trouvé la victime? Demanda-t-il ?

-Tout à fait, je faisais mon ménage comme d’habitude et quand je suis rentré dans le studio d’enregistrement j’ai aperçu monsieur Kolabov par terre, lui répondit-il.

-Qu’avez-vous donc fait ?

-J’ai appelé les secours et monsieur Grandin.

-Qui est ce?

-C’est l’associé de monsieur Kolabov .Il était dans son bureau à l’étage. On a attendu ensemble les secours et puis vous êtes arrivés.

-Quel genre de relation aviez-vous avec la victime ?

-C’est mon employeur, il me fait travailler et me paye deux fois plus que normalement. C’est vraiment un type formidable. Je comprends vraiment pas comment on peut faire du mal à une personne aussi généreuse, toujours prête à donner.

-Oui, oui ». Hubert répondait machinalement. Il en avait  vu des choses horribles en trente ans de carrière et plus rien ne pouvait le surprendre.

Il se dirigea vers le deuxième témoin. C’était un homme d’une quarantaine d’année, assez grand de taille, chauve. Il avait pas mal de sang sur les habits et avait l’air angoissé. Le coupable idéal se disait Hubert. Il reposa les mêmes questions qu’à Hector et les réponses étaient proches de celles données par l’homme de ménage.

« D’où vient tout ce sang sur vos habits? Lui demanda alors l’inspecteur

 -C’est lorsque j’ai secouru mon ami, lui rétorqua Jean.

- Redites-moi la relation qui vous lie à Kolabov

-Je vous l’ai déjà dit. On se connait depuis plus de vingt ans, on a fait nos études ensemble. On s’était perdu de vue pendant quelques années mais lorsque Dimitri  a créé…

-Dimitri …vous parlez de monsieur Kolabov ?

-Bien sur !donc lorsqu’il a créé…

Jean avait du mal à terminer son histoire. Il semblait bouleversé. Pas à cause de ce qui était arrivé à son vieil ami mais de ce que ce dernier lui avait dit. Devait-il le dire à l’inspecteur ? Déjà que cet homme l’ennuyait avec ses questions et son air condescendant.                                                                                                         Hubert l’interrompit :

-« je sais que toute cette histoire vous dépasse mais j’ai besoin de votre aide pour avancer dans l’enquête.

-Bien sur ! Donc à la création de sa société de production de musique, Dimitri m’a contacté pour devenir producteur. Et petit à petit je suis devenu son associé.

-A quel pourcentage ?                                                

-Vingt cinq pourcents. Mais pourquoi diable me posez-vous de telles questions ?

-La routine monsieur, la routine. Et financièrement parlant, la société fonctionnait bien ?

-Ces  deux dernières années  on a triplé nos bénéfices.  On a découvert de nouveaux talents comme Polly Sany, la chanteuse de rn’b  célèbre dans le monde entier ou encore Les ASSASSINS, le premier groupe de rap à avoir rempli Le Stade De France pendant une semaine.

-C’est pas eux qui ont tiré sur un rappeur en début d’année ?

-Vous savez monsieur l’inspecteur, cela se passe comme ça dans le monde du rap. C’est uniquement pour faire le buzz !

-Buzz ou pas, s’ils avaient eu affaire à moi, ils seraient tous en prison.

Grandin prit  peur lorsqu’il entendit ces paroles. Hubert avait vraiment l’air d’être très compétent. Il se rendrait compte rapidement s’il était impliqué. Jean sorti de sa torpeur, l’enquêteur était sur le point de partir lorsqu’il lui posa encore une question :

« En tant qu’associé, avez-vous une assurance vie sur Kolabov ?

Jean voyait très bien où l’inspecteur voulait en venir. Il avait trouvé le coupable idéal et ne cherchait plus que le mobile du crime.

-Oui bien sur, répondit-il calmement. C’est le cas dans toutes les entreprises pour chaque associé. De même Kolabov bénéficiait d’une assurance vie sur moi-même.

-Bénéficiait? Je vous rassure monsieur Grandin, votre vieil ami est toujours en vie. Je vous laisse ma carte, n’hésitez pas à m’appeler si vous vous souvenez de quoi que ce soit. Et surtout ne quittez pas la ville. Hubert lui tourna les talons avec un léger sourire au bout des lèvres. Pour lui l’affaire était presque réglée.

Jean put enfin remonter à son bureau. Il croisa Hector qui s’affairait à nettoyer le couloir. Il posa sa main sur son épaule et lui demanda ce qu’il faisait encore ici.

-« je finis mon travail, comme d’habitude monsieur Grandin, répondit-il.

-Rentrez plutôt chez vous. Allez vous reposer et revenez demain si vous allez bien.

-Mais je n’ai pas fini ! s’exclama Hector. En dix ans de travail ici, je n’ai jamais quitté mon lieu de travail sans avoir fini.

-Je le sais très bien mais il vous faut du repos avec ce qui est arrivé. Allez voir votre famille.

Jean prit son employé dans ses bras pour le réconforter mais il savait pertinemment que c’était plutôt lui qui avait besoin de réconfort. Son seul véritable ami était à l’hôpital et il n’avait pas de famille. Ce qu’il regrettait terriblement dans des moments pareils.

Il se dirigea vers son bureau, ouvrit un tiroir et y prit une bouteille de whisky. Voila son réconfort. Il but  plusieurs verres. L’ alcool faisait son effet, il ne réfléchissait plus trop, était apaisé. Il pensa quand même à remettre la bouteille à sa place, et aperçut un objet au fond du tiroir. Il le prit et se rendit compte que c’était un couteau ensanglanté. Mais comment, comment l’arme du crime pouvait se trouver à cet endroit, se disait-il. Il eut le réflexe de sortir la carte de l’inspecteur pour l’appeler et le mettre au courant de sa découverte .Mais à ce moment, il se rendit compte de ce que cela signifiait :c’était lui le coupable !Il se remit à boire et tout était encore plus confus. Mais une chose était claire : s’il avait quelque chose à voir avec ce qui s’était passé, il assumerait les conséquences. Il composa les numéros de l’inspecteur mais tomba sur le répondeur. Il laissa un message dans lequel il demandait à Hubert de le rappeler. A peine avait-il raccroché qu’il s’affala sur le sol et s’endormit.

Le commissariat était bruyant. Comme d’habitude dirait la plupart des policiers mais là, il y avait une sorte d’ébullition en plus. Le commissaire buisson en personne était présent. Il voulait diriger personnellement l’affaire Kolabov. Il savait plus que quiconque l’importance de résoudre rapidement ce dossier. Ce producteur de musique était très connu en particulier dans le monde de la jet set  et donc avait forcément des relations dans le monde politique. Buisson avait reçu directement sur son téléphone portable plusieurs appels de politiques inquiets de cette agression et qui  lui avait bien sous entendu que son poste de commissaire était étroitement lié à la résolution rapide de cette affaire.

Il avait mis la pression à l’inspecteur en charge de l’affaire qui lui avait promis de trouver le coupable rapidement.

« Monsieur le Commissaire !

-Oui, répondit-il en se tournant vers son interlocuteur. Il reconnut l’inspecteur hubert. Un type normal, avec des états de service moyen, qui était proche de la retraite.

-J’ai du nouveau monsieur, un suspect !

-Qui est ce ? Vous êtes sur que c’est bien lui ?Des preuves ?

Buisson trépignait d’impatience, il était peut être en train de sauver son poste.

-Un certain Hector de la cerva, un agent d’entretien. Un immigré de 45 ans. Il était employé depuis dix ans, avait des problèmes d’argent et c’est lui qui a découvert la victime.

-Donc c’est un crime crapuleux ?

-Apparemment. Tous les indices convergent vers lui.

-très bien arrêtez le pour tentative de meurtre et interrogez le ! Et n’y allez pas avec le dos de la cuillère ! 

-Monsieur, vous n’êtes pas au courant que Kolabov est mort il ya une heure ?

-Arrêtez-le donc  pour meurtre et prévenez le procureur. »

Il se rappelait clairement de ce qui s’était passé !Il se voyait devant Dimitri, lui hurlant dessus. Kolabov était paniqué, il s’écartait de lui mais son associé l’empoigna fermement. Le vieil homme, affaibli par une opération du cœur, ne pouvait lutter. Grandin se vit alors se saisir d’un couteau et poignarder à plusieurs reprises son ami.                                                                                                           La lumière était faite ! Il ne pouvait plus nier qu’il était bel et bien l’auteur de ce crime odieux. Mais pourquoi ? Ce n’était pas son genre, mais les preuves ne mentaient pas.                                                    Grandin avait la tête qui tourne. Il se réveillait péniblement.  Il avait dormi toute la nuit sur le sol. Ce n’était donc qu’un rêve. D’un coté il était rassuré, mais d’un autre, il se demandait comment avait-il pu rêver d’une scène si réaliste. Ni une, ni deux, il se précipita vers la porte de son bureau et se dirigea vers le studio d’enregistrement. Il ouvrit la porte grâce à un double des clefs qu’il conservait toujours sur lui malgré la présence de scellés sur la porte. Il s’approcha de la table d’enregistrement et mit en route la dernière piste audio qui avait été écoutée la veille. Sans hésiter il reconnut la voix d’ Aboubacar, le leader des ASSASSINS ainsi que la mélodie qu’il avait entendu dans son rêve. C’était impossible de deviner  la chanson qui tournait pendant le crime. Il était forcément présent. Il n’arrivait plus à le nier, c’était bien lui qui avait attenté à la vie de Kolabov.                                            Ce qu’il ne comprenait toujours pas, c’était la raison . Il n’en avait aucune, et même dans son rêve il ne la comprenait pas.                                                                                                                                                                        Il se mit à réfléchir. Etait-il un psychopathe ? Avait-il déjà commis des crimes ?Il n’en savait rien. Il se rappelait juste que par moments, il se voyait dans des endroits inconnus en train de faire des choses dont-il n’avait aucun souvenir. A n’en pas douter, il était schizophrène.

Il avait pris sa décision, il irait se livrer aux forces de l’ordre. De toute façon, ils allaient l’arrêter d’ici peu. Il se demandait même pour quelles raisons l’ inspecteur Hubert ne l‘avait pas rappelé. Il se mit en route vers le commissariat. Il monta dans sa voiture. C’était une 2 cv. Sa deudeuche adorée, comme il l’appelait. Même en panne en plein milieu de la campagne, il pouvait la réparer avec du fil de fer et un tournevis. Il était nostalgique de ce temps où la vie lui semblait plus simple, moins individualiste. C’était la certitude d’aller en prison qui le rendait nostalgique. Qu’adviendrait sa voiture ? Il ne pouvait l’offrir à personne, il avait essayé de tuer son seul ami et n’avait jamais eu de famille. Il se reprit en se disant que ce n’était qu’une voiture et alluma l’autoradio qu’il venait de faire installé il y a deux semaines :

« -This is my lover's prayer 

    I hope it’ll reach out to you, my love

    This is my lover's prayer

   And I hope you can understand it, my love”

Jean reconnut de suite la chanson d’ Otis Redding, « my lover's prayer ». C’était une chanson soul sortie en 1966. Une chanson d’une autre époque mais tellement magnifique. Bizarrement, elle lui foutait le cafard, et l’idée de mettre fin à ses jours lui traversa l’esprit. Il ne pouvait s’empêcher de crier à tue-tête avec un accent à couper au couteau la suite de la chanson :

« -My life is such a weary thing

    But in my ears, old prayers just ring and ring…”

 La chanson s’arrêta brusquement, Jean entendit la petite musique caractéristique de la radio, puis la voix de l’animateur :

« Désolé de couper cette magnifique chanson mais on a un flash spécial concernant l’affaire Kolabov, du nom d’un des plus grands producteurs de notre pays. Un suspect a été arrêté, il s’agit d’un agent d’entretien immigré. L e crime serait crapuleux. Je vous abandonne avec Otis Redding. Merci d’écouter France Radio Bleu, la radio de la gaieté ! »

Grandin était stupéfait, ces policiers à deux balles avait arrêté  Hector, l’homme le plus honnête du pays ! Et ces enfoirés se sentaient obligés de rappeler ses origines. Quel honte pour notre pays !Cette nouvelle l’avait réconforté dans l’idée qu’il devait se constituer prisonnier.                                                  Arrivé au commissariat il demanda à voir l’inspecteur Hubert. Il voulait d’abord  savoir pour quelles raisons, il avait arrêté Hector et pourquoi ne l’avait-il pas rappelé malgré le message qu’il avait laissé sur son répondeur.                                                                                                                                                           On lui annonça qu’il était parti déjeuner au restaurant du coin. Jean se mit en route pour le rejoindre.

Hubert avait commandé un steak frites. Son interlocuteur  avait pris une omelette. L’inspecteur mangeait doucement alors que l’autre dévorait ses œufs. Il n’avait rien du avaler avec toute cette histoire, se disait Hubert.

« Alors, commença l’inspecteur, tu as bien vu que j’ai fait tout  ce qu’on avait prévu. J’ai mené l’enquête à ma façon. Le pauvre immigré a tout avoué, il avait trop peur pour sa famille quand je l’ai menacée. Toi de ton coté, tu avais bien augmenté la prime d’assurance pour la faire passer à trois millions. Il te reste plus qu’à récupérer l’argent  étant donné que tu es lavé de tout soupçon. Comme convenu, on partage moitié moitié et retour  à nos misérables vies.

-Parfait, lui répondit Grandin, mais que faisons-nous de « qui tu sais » ?

-Facile ! On l’élimine et on fait disparaitre son corps ! Comme on dit dans le métier : « pas de corps, pas de meurtre ! »

-Franchement, Hubert. T’es une belle saloperie.

-De ta part, je prends ça comme un compliment ! »                                                                                             Ils se levèrent, payèrent l’addition et chacun pris un chemin différent.

Grandin était rentré chez lui. Il habitait un luxueux appartement  en plein centre ville. Il n’avait plus la tête à se rendre. Il  avait pas mal réfléchi et avait trouvé une solution. Il n’allait quand même pas se laisser faire par ce flic. Il alla à l’armurerie la plus proche et acheta une arme ainsi que des balles. En rentrant chez lui, il passa chez sa voisine de palier. C’était la seule personne à qui il parlait dans l’immeuble. Il discuta brièvement et lui demanda un service. Ce qu’elle accepta sans poser de questions. Arrivé chez lui, il appela Hubert:

« -Bonjour inspecteur, pourrais je vous parler ? lui lança Grandin.

-Bien sur, je vous écoute, lui répondit-il.

-Non, pas au téléphone. Pouvez-vous passer chez moi ?

-C’est si important ?

-Très important ! Je vous attends chez moi dans une heure, soyez ponctuel. »

Hubert raccrocha le téléphone. Il se demandait que pouvez bien lui vouloir Grandin. Il prit son manteau et se dirigea vers son véhicule en prenant bien soin de vérifier que son arme de service était bien armé.

La sonnette retentit. L’inspecteur était bien à l’heure. Ce dernier salua Grandin lorsqu’il lui ouvrit la porte. Il lui proposa à boire mais Hubert refusa.

L’inspecteur prit la parole :

« -vous vouliez me voir, dit-il.

-Oui, lui répondit-il. Vous avez mis en prison un innocent.

-Vous parlez d’Hector ?

-exactement.

-Il a tout avoué, l’histoire est close.

-Vous savez pertinemment que les policiers ont une fâcheuse  tendance à faire avouer n’importe quoi aux détenus !

-Vous m’accusez Grandin !!!

-Je vais vous expliquer inspecteur. Le coupable c’est moi ! J’ai tenté d’assassiner Kolabov, j’ai l’arme du crime.

-Ah oui ! Et pourquoi avez-vous essayé de le tuer ?

-Je ne sais pas trop, je crois être schizophrène.

-Carrément ! J’aurais tout entendu !

La sonnette retentit encore mais Grandin n’attendait personne.

« -Qui ça peut bien être ? lança-t-il.

-Ne vous inquiétez pas, c’est un collègue. »

L’inspecteur alla ouvrir. Il salua son collègue et lorsque ce dernier  se retourna vers Grandin, celui-ci fut pris de colère. Il commençait à vociférer :

« -j’avais raison, je suis fou ! On est deux dans ma tête ! hurlait-il.

-Qui a-t-il ? lui demanda Hubert.

- Vous ne voyez pas ? Votre collègue c’est moi….

-Mais de quoi parlez-vous ? L’inspecteur Rodolin n’a rien à voir avec vous. Hubert semblait interloqué alors que son partenaire s’amusait de la situation.

-Je ne peux plus continuer !Je ne mérite plus de vivre !Grandin se précipita vers son bureau, il y prit une arme et la pointa sur sa tête. Il regardait Rodolin et se voyait trait pour trait en lui.

-Ne faites pas ça, je vous conjure Jean !

Rodolin sortit son arme et la dirigea vers Jean.

« -Allez, on va pas y passer la nuit. Explose toi la cervelle ou je le fais pour toi, je te laisse le choix ! »

A ce moment précis, la sonnette retentit à nouveau. Hubert était le plus surpris. Il se décida à ouvrir et vit une vieille dame qui lui demandait de l’aide, son mari s’était évanoui. Il la suivit jusqu’à son appartement où un homme était allongé sur un lit et suffoquait. Il lui procura les premiers secours. L’ homme reprenait connaissance lorsqu’il entendit un coup de feu. Il courra vers le palier mais la vieille dame le retenu. Elle avait peur pour son mari. L’inspecteur se força à rester avec eux jusqu’à l’arrivée des secours. Le couple n’avait pas entendu le coup de feu. Tant mieux. A peine les secouristes étaient arrivés que Hubert se précipita vers  l’appartement de Grandin.

« -Que s’est-il passé, lança Hubert.

-Il m’a attaqué, lui répondit l’homme qui était censé être son équipier. J’ai du l’abattre et cacher son corps dans la baignoire.

-Quel bordel, il manquait plus que ça ! T’aurais pas pu y aller plus doucement ! C’est ton frère jumeau quand même ! Bon tu t’occupes du corps. Moi je vais me poster en bas de l’immeuble. Si quelqu’un a appelé les flics, je les renverrai. Rejoins-moi dès que t’as fini. Cache juste son corps, on viendra le récupérer plus tard. De toute façon on risque rien, il avait pas de famille.

Après dix minutes d’attente, le jumeau Grandin  rejoignit  l’inspecteur. Ce dernier demanda à son associé comment avait-il pu imaginer un plan si diabolique.

« -C’est simple ,lui répondit-il. Il y a un peu plus de six mois, j’ai vu un reportage à la télévision sur le producteur Kolabov , et c’est là que j’ai aperçu mon frère jumeau dont j’ignorais  l’existence. Après de nombreuses recherches, j’ai su que notre mère nous avait abandonné à notre naissance et qu’on avait été adopté par deux familles différentes. Personne ne connaissait notre histoire. Alors j’en ai profité pour inventer ce plan. Je me suis d’abord fait passer pour lui et j’ai réussi à augmenter la prime d’assurance vie de son ami Kolabov. Il ne me manquait plus qu’à trouver un policier pouvant compromettre l’enquête, et je suis tombé sur toi. La suite tu la connais, j’ai tué le producteur, tu as trouvé le coupable idéal. Je viens de prendre officiellement la place de Jean Grandin et maintenant je n’ai plus qu’à aller me faire payer les trois millions dollars et partager avec toi.

-T’es un sacré bandit Eric !

-Et toi un sacré acteur ! Tu jouais très bien le jeu chez Jean, tu mériterais un César !

-Assez bavardé, on va chez l’assurance récupérer notre argent.

-Tu viens avec moi ? Tu n’as pas confiance ?

-C’est pas une question de confiance, c’est juste que j’aime bien faire les choses à ma façon.

-Ok chef ! Mais allons d’abord manger quelque chose, j’ai une de ces faims ! C’est moi qui invite, je suis d’une bonté aujourd’hui…

Les deux hommes allèrent au même restaurant où ils avaient mangé l’autre fois. C’était bon et simple à la fois. Ils s’assirent  à la même table et commandèrent exactement la même chose, steak frites pour l’inspecteur et omelette pour Eric Grandin.

« -Je peux te poser une question Hubert, demanda Eric.

-Vas-y , lui répondit-il sans même le regarder, trop occupé à se défouler sur sa viande.

-Sans vouloir te juger, comment un inspecteur comme toi est arrivé à truander avec un sale type comme moi ?

-Fais pas chier Eric, chacun ses raisons.

-Bah explique, je t’ai tout raconté sur moi.

-C’est simple, mets toi à ma place, je suis presque en retraite, fauché comme tous les flics. Je te rencontre dans un bar où tu me racontes qu’on peut être millionnaire tous les deux sans rien faire. Que voulais tu que je fasse ? C’était une chance unique !

-C’est clair !Et comment tu as vécu tout ça ?

-Tu sais y avait pas grand-chose à faire. Quand tu as liquidé Kolabov, j’ai tout fait pour qu’on me file l’affaire. Ensuite, j’ai mené une enquête bidon, caché des preuves, détourné d’autres. Quand j’ai annoncé que c’était Hector, personne était étonné : un immigré !La presse raffole de ces histoire !Puis ce Jean Grandin était déjà fou, il se croyait schizophrène, il fallait juste le laisser agir.

-Et personne n’a posé de questions ?

-J’aurais pu ramener un aveugle tétraplégique au commissaire Buisson, il aurait été aussi content. Dans la police quand un inspecteur dit quelque chose personne ne le contredit . C’est une sorte de règle non écrite.  Mais pourquoi tu ris ?s’exclama Hubert. 

-Je…je veux ….juste te présenter un… ami. Eric avait du mal à finir sa phrase, il était pris d’un fou rire. Il se leva, se dirigea vers les cuisines, et revint accompagné d’un monsieur qui n’avait pas les habits d’un cuisinier mais plutôt un uniforme de police.                                                                                Hubert se mit au garde à vous devant son supérieur, c’était le commissaire Buisson.

« -Pas la peine de me saluer, lui dit-il sèchement, vous n’êtes plus inspecteur.

-Mais co…comment mo…monsieur ! Que se pa…passe-t-il ? bégayait Hubert.

-Faites pas l’imbécile, on a tout enregistré, il y a un micro sous la table. C’est pas intelligent de se mettre toujours à la même table, vous devriez le savoir. Avec tout ce qu’on a sur vous, vous risquez de ressortir de prison les pieds devant. »                                                                                                                             Hubert montrait du doigt Grandin :        

-« C’est lui qui m’a forcé, pourquoi vous ne l’arrêtez pas ?s’écria-t-il.

-Mais tout simplement parce que Eric Grandin est déjà en prison, lui répondit Buisson d’un air dédaigneux.

-Je ne comprends plus rien, pleurnicha Hubert.

-C’est pourtant simple, lui répondit Grandin. Je croyais que vous étiez plus intelligent. Je vais vous expliquer .Je croyais que c’était  vraiment moi le tueur alors j’ai voulu me rendre à la police mais lorsque j’ai voulu vous rejoindre à ce restaurant, je vous ai vu avec mon frère jumeau dont j’ignorais l’existence.J'ai alors compris les visions que j'avais. C'était de la télépathie. C’est la que j’ai découvert la supercherie. Alors j’ai imaginé ce scénario dans lequel j’ai pris la place de mon frère dans mon appartement grâce à l’intervention de ma voisine. J’ai eu le temps de récupérer ses vêtements. Puis je vous ai piégé grâce au commissaire.

Hubert était abattu. On l’emmenait  vers la prison d’où il ne ressortirait surement jamais.                                                 Jean l’interpella juste avant de sortir : « au fait, vous qui aimez les expressions policières, vous avez oublié que le crime ne paie pas ! »

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