Tout ce qui tombe du ciel n'est pas béni...

Jean Marc Kerviche

Observations

            A la sortie du cabinet de kinésithérapie rue des Solidaires, je suis tellement éreinté que j'ai pris l'habitude de me rendre au square Monseigneur Maillet, à la fois un jardin d'enfants et un havre de paix arboré qui occupe le nord de la Place des Fêtes.

            Seulement quand il fait beau et que le temps est acceptable. 

            Aujourd'hui, j'ai de la chance, il fait un temps magnifique. Dans ce jardin se déploient des féviers, des peupliers blancs, des savonniers, des sophoras, des arbres de Judée et des micocouliers. Je n'invente rien. Je l'ai lu sur Internet.

            Malheureusement, au moment où j'arrive tous les bancs exposés en plein soleil sont occupés.

            Dépité, ne trouvant pas de place sous le ciel bleu, je me rabats sous la frondaison d'un arbre majestueux qui doit être à ma connaissance un févier, et je m'assieds après avoir levé les yeux vers ses branches protectrices. Je suis cependant gêné par les rayons de soleil qui dardent à travers le feuillage sur la peau de mon cou et qui illuminent la revue que je tiens en main, tant et si bien que la blancheur des pages m'aveugle au point qu'il me faut ajuster des lunettes de soleil sur mes lunettes correctrices.

            Et de temps à autre, assis seul sur mon banc, page après page, je lève vers le ciel mon regard inquiet vers le firmament tout en me protégeant les yeux du soleil ardent avec ma revue.

            Puis tranquillisé, je replonge dans ma lecture. Et toutes les cinq minutes comme un rituel, je recommence la même gestuelle, lève mes yeux vers le ciel quelques secondes puis, une fois rassuré, je reprends aussitôt ma lecture.

            Cependant au bout d'un moment, je pose un regard circulaire, observe les enfants qui jouent et visualise mon voisinage immédiat assis sur leurs bancs non loin de moi.

            Nos regards se croisent. J'ai dans l'idée qu'ils me dévisagent. Que vont-ils penser de mon attitude ? Ces gestes que je renouvelle régulièrement toutes les cinq minutes comme un rituel.

            J'y suis ! Ils doivent penser que j'invoque un dieu. Un dieu expectatif…

            Invoquais-je le Très Haut, Dieu, Allah, l'Etre Suprême, Bouddha ou Confucius ?

            Comment interprètent-ils mon comportement ? Je me pose encore la question.

            Dois-je leur exposer mes craintes, mon souci immédiat, mes inquiétudes de recevoir les déjections et les fientes des pigeons car les branches protectrices de ce magnifique févier leur font un excellent perchoir.

            En effet, contrairement à ce qu'on croit, tout ce qui tombe du ciel n'est pas béni…

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