A cran

loonea

Pourquoi comprendre ? Pourquoi chercher à comprendre alors qu'il suffit de l'embrasser pour clore tout débat et passer à un dialogue radicalement différent ?


Il a pas compris que j'étais à cran, juste à cran : les nerfs à vif, la peau à l'air. Je suis tellement nerveuse qu'il me prend l'envie de me remettre à fumer, de ronger mes ongles, de hurler... ! Je n'en peux plus. C'est impossible. J'ai jamais vu un mec aussi fille, toujours à parler, à déblatérer, bla-bla-bla, « mes sentiments »-ci, « tes sentiments »-ça : à gerber. Impossible de savoir même comment j'ai pu passer une première nuit avec lui ; sûrement trop saoule pour avoir entendu autre chose qu'un verbiage musical à l'oreille, sinon j'aurais passé mon temps à vomir. Encore plus incompréhensible que je sois restée la semaine suivante chez lui, en totale inertie, à juste se faire livrer à manger, à trainer en culotte et dans un t-shirt trop grand à lui. Il parle et il me baise. C'est un peu près les deux seules activités qu'il a. Mais, que fait-il quand il n'y a personne dans son lit ? Son bavardage intempestif intolérable en a poussé combien au suicide ?
C'est quoi ce mec ?
Bon, d'accord, il est beau. Bon, d'accord, il y a des yeux bleus magnifiques. Bon, d'accord, je bave d'envie devant ses lèvres charnues mais pour les embrasser, pas pour entendre des mots se former à cet endroit-là. Et c'est quoi ce prénom ? Pascal ? Rien de plus banal que ce prénom, zéro exotisme là-dedans, pas une goutte de sexy. Mais son corps est un appel à la dépravation physique, son monologue est un appel à faire couler un bain dans la jolie baignoire blanche, s'y plonger tout habillé, s'y ouvrir les veines et finir le tout en se noyant sous l'eau. Oh mon Dieu ! Il reprend son bla-bla. Il parle de philosophie je crois. Et là, sans savoir ce qu'il se passait, j'ai entendu : « Et si on parlait de sexe plutôt ? » Ma voix à moi, qui me surprenait, qui le surprenait.
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