De la folie

loonea

Il y a quelque chose d'extrêmement réconfortant d'être à l'intérieur, blottie sur son lit, quand le vent fait rage à l'extérieur. Le vent agite le bas de la cheminée, et je suis entourée des gens qui me sont proches, mes parents dorment à l'étage. Je suis allongée au calme sur mon lit, je rêvasse les yeux grands ouverts. C'est paisible. Je fais cela tous les jours, me faufiler le soir et rejoindre mon lit, et rêvasser. Cela ne me demande pas beaucoup d'effort de rentrer dans la maison sans faire de bruit, je suis agile et silencieuse. Et j'aime le calme qui règne dans ma maison, les parents endormis, quelquefois j'entends mon père qui ronfle, mais tout va bien, c'est juste qu'il dort comme un pape dans son lit.

Je profite de ces instants là pour savourer les derniers moments de mon passé : être installée là pour moi, c'est du passé en quelque sorte même si déjà ma vie a beaucoup changé. Tout va être différent d'ici très peu de temps, alors j'ai besoin de ce cocon familial être sereine. Enfin, être sereine, c'est un bien joli concept... je dirais plutôt que je rassemble de la sérénité avant l'éloignement.

Je ne peux rien faire contre cet éloignement. Ce n'est pas moi qui décide. C'est la tradition, ainsi que les choses se font dans cette grande famille que j'ai intégré. Même si, souvent, j'ai l'impression d'avoir rejoint une sorte de secte, tout est caché, tout est partagé, tout est... différent. Il fait beaucoup plus noir dans cet environnement. Tout y est clairement réglé, comme régenté, pour apporter de l'ordre dans ce chaos sanglant.

Et pourtant, je suis dans l'entre deux, en pleine mutation. Mes sens sont agités, des cris tentent d'échapper à mes cordes vocales et je me noie dans ses pulsions inconnues. Et, le reste du temps, je suis obligée de me forcer à apprendre, travailler, étudier car je n'ai pas le choix, cette école de la vie nécessite de nombreux apprentissages. Mais, je me noie, et au milieu de tout cela, de ces gens qui sont au sein de cette même école, je me sens tellement... seule. Oui, je suis la petite nouvelle du groupe alors ils s'amusent de me voir me dépatouiller dans les traditions millénaires. Ils peuvent rigoler, c'est loin des ijime dont parlent les mangas et les horreurs que peuvent subir les élèves dans certains contextes... mais je le sais, il y a de la moquerie, et chez les plus 'évolués' d'entre eux, on pourrait parler de pitié. Oui, il y a de la pitié. Je passe par là où ils sont passés il y a quelque temps... dans cette grande et 'belle' famille, eux aussi ont eu ses pulsions destructrices. C'est dur à avaler tout ça...

Quelquefois, j'ai juste l'impression d'entendre raisonner mon coeur, et là je sens que mon coeur – de nouveau – déraille. Il y a une erreur, une vraie erreur, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Je sais que dans mon malheur, j'ai de la chance, je pourrais être à l'extérieur, seule et abandonnée... dans une version moderne dans L'Histoire de la folie à l'âge classique de Foucault, mais ça, c'est un autre temps. Cette référence appartient au passé, à mon passé, ou quelques souvenirs surnagent dans tout cela. Et puis, tout évolue si vite que je n'ose pas trop me retourner sur avant. Mais, il y a cette chose qui grandit en moi, que je ne sais pas contrôler et dont je ne sais que faire.

Cela me fait peur. De la folie, de ma folie.

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