"petits drames intérieurs"
Manou Damaye
1 - Carré fumeur
François Davart, chorégraphe de la compagnie Lalala, va commencer une nouvelle création. Il a le titre, « séisme intérieur », huit danseurs, l’urgence d’une tournée et ses angoisses de créateur. Pour les danseurs, grands athlètes affectifs, la compétition est rude. Il ne faut jamais lâcher. Entrainement, technique, nouvelles propositions dans le corps, présence, nourriture font parti de leur quotidien. Mais avant une création, il y a l’atout majeur, le non dit, le maître mot. La Séduction. Comment rassurer François Davart, comment exister dans sa fantasmagorie, lui provoquer ces « séismes intérieur » pour obtenir un rôle et être autre chose qu’un corps en mouvement. Ils savent que si leur chorégraphe est avare en compliments, il est avide de séduction. C’est dans ces joutes souterraines qui se trament et se « drames »autour de lui, pour lui, qu’il aspire ses inspirations, ses désirs, ses choix et ses rejets.
François Davart fait parti de la génération « Marlboro », c’est un fumeur. Son choix des interprètes a tout d’un rituel, un peu comme fumer une cigarette. A chaque phase, son émotion. Tout d’abord la sortir de son étui entre le pouce et l’index, la porter à ses lèvres, ensuite l’allumer à la flamme d’un briquet ou d’une allumette puis aspirer la première bouffée, en avaler la fumée, s’en remplir les poumons, en suspendre son nuage et finalement évacuer le trop plein, ces volutes qui n’auront pas trouvées à se nicher dans les alvéoles. Ainsi fait-il de ses danseurs. Qui le sortira de ses inquiétudes ? Qui l’allumera ? Qui l’inspirera ? Qui se nichera à l’intérieur de sa création ? Qui sera rejeté ?
Depuis qu’il est interdit de fumer dans les lieux publics, un certain monde social s’est divisé en fumeurs et non fumeurs. Les inclus et ceux qui s’excluent du « carré fumeurs ». Cigarette, briquet, papier à rouler, tabac brun, tabac blond font partis des atouts de la séduction. La « pause-clope » est le moment privilège où les bouches parlent, les langues se délient, les lèvres s’agitent autour du bout-filtre, aspirent, exhalent puis recommencent entre deux phrases complices, l’agitation, l’aspiration et le soupir de satisfaction. François aime cette danse de lèvres, de fumée, de mots, de cendres qui tombent ou partent dans le vent. Il en est le maître de ballet et suscite phrases sucrées, mots salés, petits drames cachés derrière des sourires voluptueux ou acidulés
Je l'ai relu après le suivant, comme pour mieux savourer le carré fumeux de la séduction...
· Il y a plus de 13 ans ·Gisèle Prevoteau
Belle description des critères réels de choix des puissants dans ce monde artistique ! (si j'ai bien compris ?)
· Il y a plus de 13 ans ·Edwige Devillebichot
Un rituel magnifiquement décrit, mais qui malheureusement est si répandue chez bon nombres de créateurs, y compris moi à une époque. Superbe.
· Il y a plus de 13 ans ·Lézard Des Dunes
***
· Il y a plus de 13 ans ·elfee
Le rituel de la cigarette...fait un tabac (pardon, j'ai pas pu résister) et on espère une suite avec volutes et voiles de fumée ! Merci Manou !
· Il y a plus de 13 ans ·theoreme
On sent vraiment l'oeil avisé :) C'est très sensible Manou et pour avoir cotoyer quelques artistes, tu décrit là admirablement bien, leurs angoisses profondes. J'adore et j'attends la suite avec impatience s'il y en a une... Coup de coeur.
· Il y a plus de 13 ans ·leo
Super Génial ton texte Manou!
· Il y a plus de 13 ans ·lapoisse
Je trouve cela magnifique du début à la fin, et l'apothéose a été pour les dernières phrases qui m'ont totalement charmée.
· Il y a plus de 13 ans ·Décidément, en ce moment, on parle fumée :)
Bref, j'adore.
(et l'image choisie est juste excellente)
Juliet
merci à vous oui il y a une suite ............
· Il y a plus de 13 ans ·Manou Damaye
une histoire originale avec des personnages vivants, j'espère qu'il y a une suite...
· Il y a plus de 13 ans ·j'adore!
Marie Laure Bousquet
Bien vu Manou! Je suis allé à Vienne récemment. On peut encore fumer dans les bars et les restos... quel bonheur!!!
· Il y a plus de 13 ans ·jeff-balek