A dormir debout mais pas moins con

Mathieu Jaegert

Certains énoncés, même bien posés, apporteront toujours questionnements sans fin ou solutions non satisfaisantes. La preuve en une équation, quelques inconnues et peu de retenue.

Partons de l’indiscutable postulat validé par les matelas intelligents - vous savez ceux qui ont une mémoire de forme hors norme mais pas en dehors de la garantie - voulant que nous passons un tiers de notre vie à dormir. Confrontons-le à l’axiome inébranlable indiquant que notre espérance de vie augmente et n’oublions surtout pas un détail qui pourrait ne pas en être un, en chacun de nous sommeille un con. Vous suivez ?

Si non, je vais tenter de poser les bonnes questions et d’éclairer le tableau.

Il est évident que bien dormir est bon pour la santé. Par conséquent, si la connerie dort, on peut imaginer que c’est une bonne chose pour son espérance de vie, surtout au moment de son réveil !

Considérant l’ensemble des éléments précités on-ne-peut-plus-fluides et dont l’élaboration du raisonnement ne souffre d’aucune lacune scientifique, à quoi pourrait ressembler l’évolution des interactions entre connerie et espérance de vie ?

Revenons un instant sur le sommeil. Comme chacun le sait, les personnes âgées dorment moins. Très logiquement, si l’on vit plus vieux et pour respecter le quota d’un tiers, la quantité de sommeil se reportera sur les plus jeunes qui vont donc dormir plus et mieux, augmentant de ce fait l’espérance de vie.

On l’a vu, pour ne pas paraphraser certains scientifiques de l’humour célèbres, j’ai préféré fabriquer l’idée qu’un con s’ignore en chacun d’entre nous. D’ailleurs, c’est incroyable de constater que les cons ne se sentent jamais concernés alors qu’on se sent tous cernés de cons. Moi en revanche, il m’arrive de me trouver con. C’est dire à quel point je dois être atteint pour toutes les fois où je ne me rends compte de rien ! C’est dire aussi le potentiel de bêtise enfouie au cœur de l’être humain. Elle est là, latente et sûre d’elle, dans l’attente du réveil propice. Il serait donc temps de ne pas s’endormir sur ses lauriers fragiles pour la combattre. Cependant, se précipiter risquerait de la réveiller.

D’autre part, il faut à tout prix prendre en considération le principe du « vieux con ». Est-ce que la progression de l’espérance de vie aura un impact sur lui ? Tout dépend. Deux façons de voir les choses.

Soit, par ricochet et par définition, les vieux cons nous embêteront plus longtemps en rendant l’âme plus tard.

Soit, et ce serait un point de vue à développer, la société considèrera qu’on devient vieux plus tard, et donc vieux con plus tard également. Mais dans ce cas, ça ne devrait rien changer, il nous embêtera tout autant qu’actuellement, sur la même durée.

C’est peut-être aussi pour des questions de préservation que les vieux dorment moins. Pour que la connerie perdure, il faut l’exprimer. Pas le temps de dormir donc. Et l’activité comporte le risque de mourir dans son sommeil, emportant avec soi sa dose de bêtise.

Mais une catégorie est dangereuse : les vieux cons insomniaques. Ce sont les pires. Ils en deviennent acariâtres et râlent tout le temps. Et tout le monde le sait maintenant, râler c’est bon pour la santé !

La conclusion de cette démonstration par l’absurde est saisissante. Les jeunes vont plus et mieux dormir, et de ce fait vivre plus longtemps en devenant de vieux cons assumés. La population va donc vieillir. Bien vieillir on l’ignore encore, mais vieillir bien con, c’est dans la poche !

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